Attentats de Bruxelles : des victimes veulent rencontrer les condamnés
Plusieurs victimes des attentats djihadistes qui ont secoué la capitale belge le 22 mars 2016 envisagent de rencontrer les coupables afin de trouver réponse à des questions restées en suspens à l’issue du procès-fleuve de ces attaques qui ont fait 35 morts et des centaines de blessés.
“Une dizaine de victimes ont jusqu’ici fait part de leur souhait de rencontrer des condamnés“, a indiqué Jamila Adda, la présidente de Life4Brussels, ce matin dans Bonjour Bruxelles. “Cette rencontre est fondamentale pour certaines personnes, qui éprouvent beaucoup de colère au terme du procès. Il y a un effet cathartique à rencontrer les condamnés“, estime celle qui porte la voix de plus de 600 victimes. Plusieurs personnes membres de l’association V-Europe y pensent également, a fait savoir à l’agence Belga Philippe Vansteenkiste, le président de l’organisation représentant plus de 350 victimes des attentats de Bruxelles. “Mais, on laisse le temps à chacun de digérer le procès, il n’y a pas d’urgence. Il s’agit d’une démarche qui demande beaucoup de réflexion“, souligne-t-il.
Du côté de Life4Brussels, c’est au contraire une course contre la montre qui est engagée, alors que certains condamnés doivent être rapatriés en France. “On va d’ailleurs contacter les ministres belge et français de la Justice afin de retarder cette extradition“, annonce l’association.
Selon l’association, certains condamnés ont eux aussi émis le souhait de dialoguer avec des victimes.
Un dialogue
En Belgique francophone, c’est l’ASBL Médiante qui organise ces médiations dites restauratrices. L’association, qui existe depuis plus de 20 ans, a pour objectif d’explorer les “possibilités de dialogue réparateur dans les faits les plus graves“, explique son directeur, Antonio Buonatesta.
Depuis 2005, une loi consacre d’ailleurs ce dialogue réparateur comme un droit à toutes les parties lors d’une procédure pénale. “Au niveau européen, cette législation fait figure de modèle“, affirme M. Buonatesta, précisant que la loi belge de 2005 correspond en tout point aux recommandations européennes de 2018 en matière de justice restaurative.
Concrètement, l’ASBL Médiante encadre les souhaits de dialogue entre victime et auteur d’infraction, que ce soit un viol, un meurtre ou un attentat. “L’auteur des faits n’est toutefois pas obligé d’accepter la médiation“, signale l’association. “De notre côté, on mesure les dispositions de l’auteur, ses ressources, pour s’assurer qu’il peut véritablement contribuer à un dialogue reconstructeur pour la victime“, développe Médiante. Il ne s’agit d’ailleurs pas nécessairement d’une rencontre physique.
“Des accords financiers d’indemnisation peuvent également être concertés avec les parties, mais dans le cas des attentats de Bruxelles, l’objet est davantage relationnel. Les enjeux pour les victimes sont souvent les mêmes, à savoir le besoin de comprendre, l’auteur étant souvent la seule personne qui puisse répondre aux questions que la victime se pose“, explique M. Buonatesta. “La médiation entend rééquilibrer chez la victime le sentiment d’impuissance causé par l’infraction et traiter des aspects relationnels non pris en compte lors du procès et qui continuent de véhiculer des sentiments de frustration, d’indignation ou d’insécurité“, conclut l’association, qui a notamment organisé la rencontre entre Michèle Martin et Jean-Denis Lejeune en 2012.
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Avec Belga
■ Reportage de Camille Tang Quynh, Yannick Vangansbeek et Laurence Paciarelli