Rue de la Loi : rendre l’indignation positive

Ecouter un flash info à la radio, feuilleter un journal, regarder la télévision, et bien sûr, surfer sur internet. Du réveil au coucher, nous sommes désormais bombardés d’informations qui  sont autant de  carburants à notre indignation. Indignation face à ce qui est en train de se passer en Syrie, où l’armée turque bombarde désormais sans retenue des combattants kurdes. Ces combattants qui hier étaient en première ligne quand il fallait combattre les terroristes de l’Etat Islamique, et que les Etats-Unis ou l’Europe laissent désormais se débrouiller tout seul maintenant qu’on n’a plus besoin d’eux. Faites le sale boulot à notre place, mais ne nous demandez surtout pas de gratitude. Indignation face à un fabriquant de hamburgers qui utilise la violence faites aux femmes pour booster son chiffre d’affaires. Indignation encore quand les directeurs de Nethys partent avec une indemnité substantielle, alors qu’ils se sont en partie arrangés pour s’assurer de garder un bon job et une bonne rémunération dans l’opération de vente, ô combien contestée, qu’ils viennent de mettre en place.

Et on peut continuer à feuilleter le journal : indignation quand on sait que 4 enfants bruxellois sur 10 vivent dans une famille sous le seuil de pauvreté, indignation quand on attaque des synagogues en Allemagne, ou qu’on attaque plus souvent les lanceurs d’alerte que ceux qu’ils dénoncent. Indignation pour la faiblesse du financement des hôpitaux, ou pour le refus du gouvernement fédéral de prendre en charge l’accueil des migrants. Et notre vie quotidienne ne nous consolera pas. Indignation quand l’automobiliste brûle la priorité à droite ou roule sur la piste cyclable. Indignation devant le prix du pain et la faiblesse des salaires. Indignation pour ces pluies diluviennes qui viennent gâcher notre weekend. Nous sommes tous des indignés. Et plus graves, des indignés sans fin comme le décrit Laurent De Sutter dans son dernier ouvrage “Indignation totale”.

Le problème ne réside pas dans nos indignations mais plutôt de ce qu’on en fait. Sommes-nous capables de transformer nos grandes et nos petites colères en quelque chose de plus positif ? Nos indignations débouchent-elles sur quelque chose, ou s’enchaînent-elles juste les unes après les autres ? Sommes-nous limités à  la pure réactivité émotionnelle, quand une indignation nous soulève le cœur et nous serre la gorge, jusqu’à ce que la suivante la remplace ? Courrons-nous d’une indignation à l’autre comme des poules sans têtes caquetantes ?  Un coup de gueule sur Facebook, une pétition en ligne, au mieux une manifestation. Et si toutes ces indignations étaient vaines, qu’elles ne servaient qu’à nous saturer l’esprit, à nous empêcher de penser, indignés permanents que nous sommes, entre dégoût et stupéfaction, nous en perdrions notre capacité à agir. L’indignation ne serait rien d’autre qu’une série de paralysies successives. Ca vaut le coup d’y réfléchir. S’indigner oui, mais pourquoi? Et surtout pour quoi faire? On n’a pas la prétention d’avoir  la réponse à cette question, ou plutôt on sait que chaque lecteur aura sa propre réponse.  On a une certitude quand même, c’est que nos indignations font de nous des êtres moraux. Qu’un citoyen indigné, ça reste un citoyen concerné. Et qu’au final, même si elle est stérile, on préfère l’indignation à la résignation. 

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10 octobre 2019 - 15h34
Modifié le 10 octobre 2019 - 15h34