Rue de la Loi : la mission d’Egbert Lachaert patine

Fabrice Grosfilley - Photo Couverture

Une prolongation de quelques jours. Mieux, une prolongation d’une semaine. C’est finalement ce qu’aura obtenu Egbert Lachaert du souverain ce vendredi midi. Avec un communiqué du palais qui se voulait volontariste et positif, “en faisant état de pourparlers constructifs”, une courte déclaration de l’informateur qui l’était déjà un peu moins (“pour beaucoup de partis, ce n’est pas évident, on avance mais tous les partis devront donner de la clarté dans les prochains jours, il y a toujours des points sensibles“, vidéo à voir ici), et un accueil plutôt dubitatif chez plusieurs commentateurs des autres formations politiques. On était loin de l’enthousiasme du début de semaine (voir mon billet précédent), quand on a cru que le CD&V était en train d’accepter que Vivaldi soit une musique d’ascenseur vers un gouvernement. Vendredi matin circulait l’idée que le président de l’Open VLD aurait besoin du week-end pour s’assurer que tout le monde avait bien accordé ses violons et qu’on pourrait entamer une formation sans fausse note. Quelques heures plus tard, les quelques jours étaient devenus une semaine. Et si le pronostic vital n’est pas encore engagé, les médecins réservent leur diagnostic. Pour emprunter une métaphore gastronomique, la pâte avait levé, mais le soufflé est en train de retomber. 

Pour arriver à ses fins, le président de l’Open VLD a donc mis sur la table une note d’une soixantaine de pages. Avec une vision à long terme : pour lui, il s’agirait d’arrêter un programme de réformes qui devraient s’étaler jusque 2030. Un horizon à deux législatures donc, nécessaire pour concrétiser une réforme de l’État (il faudra ouvrir les articles de la Constitution à révision entre deux élections). Ce que des négociateurs tempéraient vendredi après-midi : “c’est un objectif, mais il y a des élections en 2024, on ne va pas s’engager sur deux législatures”. 

C’est peu dire que cette note n’a pas convaincu ses partenaires potentiels. On rapporte même une réunion avec Paul Magnette (PS) et Conner Rousseau (sp.a) particulièrement glaciale qui aurait eu lieu jeudi. Les socialistes sont ressortis forts mécontents de ce qui se trouvait sur la table et auraient signifié au chargé de mission que l’on était fort loin d’un compromis. Constat semblable du côté écologiste où, en dépit de quelques avancées climat, on pointait de grosses lacunes sur le chapitre social. Du point de vue de plusieurs interlocuteurs, le document de travail restait fortement teinté de bleu, il était insuffisamment précis dès qu’on parlait de mesures favorables aux familles politiques de la gauche et du centre, avec des budgets flous et des échéances à préciser. L’informateur, qui reçoit les présidents de parti en duo, aura ainsi vu chaque famille à plusieurs reprises ces derniers jours (exception faite de Maxime Prévot qui était à l’étranger mais il devrait le voir dans les prochaines heures), sans qu’on ait le sentiment que la mayonnaise prenne vraiment. Toute la question est de savoir si le président de l’Open VLD a mis volontairement la barre trop à droite en début de négociations et s’il garde en réserve une capacité d’amendement substantielle, ou pas.

L’autre difficulté majeure reste la position ambigüe du CD&V. Plusieurs interlocuteurs croient savoir que le parti de Joachim Coens a demandé à être un parti indispensable de la coalition pour pouvoir peser de tout son poids… alors que dans le même temps, il plaide pour que la notion de famille s’applique également au tandem CD&V-cdH… ce qui pourrait sembler contradictoire. Surtout, les sociaux-chrétiens flamands ne se sont toujours pas prononcés sur leur souhait de participer ou pas à cette coalition. Tant qu’ils n’ont pas à le faire, les discussions peuvent donc se poursuivre. Avec le risque que cela ressemble à un jeu de dupes au final, car la question devra bien être tranchée un jour.

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