Rue de la loi : Flandre, Wallonie et Fédéral sont dans un bateau. Bruxelles saute à l’eau. Qu’est-ce qui reste ? (J+36)
Pour la formation des gouvernements il y a les sprinters et les coureurs de fond. Sprinters par excellence, distance 50 mètres, la communauté germanophone. Deux jours seulement ont suffit pour reconduire la coalition sortante associant Pro-DG (parti régionaliste) le PFF (libéraux) et le SP (socialistes). Pour tous les autres niveaux de pouvoir, à l’exception de la Région Bruxelloise, la ligne d’arrivée recule jour après jour.
Ce lundi Johan Vande Lanotte et Didier Reynders ont donc obtenu une nouvelle prolongation royale de leur mission d’informateurs. Avec un changement de méthode à la clef : l’objectif n’est plus seulement de (tenter de) lever les exclusives mais d’aboutir à un texte écrit qui listerait les défis de la législature à venir. L’objectif est de pouvoir présenter un document qui servirait de « base à une étape de préformation »… comprenez que ceux qui pourraient y souscrire pourraient peut-être, éventuellement, si ça se présente bien, entrer en négociation. Le document est attendu pour le 29 juillet, avec un rapport intermédiaire au palais le 12.
Plus étonnant, Bart De Wever a décidé de ne pas formellement lancer les négociations au niveau flamand tant que la situation n’est pas plus claire au fédéral. « Nous avons appris que les informateurs fédéraux feront tout ce qui est en leur pouvoir pour progresser dans les prochaines semaines. Il est donc préférable de ne pas lancer de formation flamande au cours de cette période. » Certes on avait dans le passé connu une N-VA plus soucieuse de démontrer le bon fonctionnement de l’efficace démocratie flamande et surtout moins obnubilé par le niveau fédéral. En réalité cette communication sert à masquer l’absence de Bart De Wever qui part en mission en Colombie à la fin de la semaine (du 6 au 14 juillet, en tant que Bourgmestre d’Anvers). Elle permet aussi de se donner le beau rôle (si ça coince au fédéral ce n’est pas parce que nous aurons été trop rapide en Flandre) et de garder une grosse pression sur l’Open VLD et le CD&V (la N-VA continue de trouver inacceptable un gouvernement fédéral qui n’aurait pas la majorité dans le camp flamand… les partis qui favoriseraient cette hypothèse pourraient donc se retrouver sanctionnés en Flandre).
Coté Wallon on avance dans une direction qui ressemble, à ce stade, toujours à une impasse. Les informateurs sont actuellement occupés à intégrer les (nombreuses, dit-on) remarques de la société civile dans leurs « lignes directrices pour la formation d’un gouvernement ». D’après mes informations, le travail sera fini en fin de semaine et une nouvelle mouture du document sera présentée pour accord aux instances socialistes et écologistes avant un envoi aux parlementaires wallons. Ceux-ci recevraient une copie dans leur boite mail vendredi ou lundi prochain. Ils auraient ensuite quelques jours pour l’étudier et faire parvenir une réponse, toujours par mail… Il faudrait un miracle pour que trois parlementaires wallons décident tout d’un coup de faire l’appoint. Si le miracle, malgré tous les cierges brûlés de la collégiale Sainte-Waudru (Mons) ou de l’église Saint-Christophe (Charleroi) ne se produit pas, le Parti Socialiste aura deux options : soit faire trainer les choses en longueur et entamant de nouvelles consultations (en répondant par exemple aux questions que son document aurait permis de soulever) et s’enfoncer dans la torpeur estivale. Soit, acter qu’il n’est plus possible de faire l’impasse sur le Mouvement Réformateur (ce qui mettrait alors Ecolo en difficultés, les verts devant se prononcer sur leur maintien ou non dans les négociations si les bleus y entrent).
On résume : entre la Flandre et le Fédéral c’est une course de fond. Nous n’en sommes qu’au premier kilomètre, et on se jauge sans courir vraiment. Petites foulées, faux démarrage, observation des concurrents et des alliances possibles. La Wallonie a décidé de prendre le virage extérieur, avec un détour par la société civile, mais le résultat reviendra au même. Les Régions se préparent au minimum à un 5 000 mètres qui les emmènera bien au-delà du 21 juillet. Pour le fédéral on est dans l’idée d’un semi-marathon (21,097 km) avec arrivée possible en octobre, prolongations en option.
Dans ce panorama athlétique les seuls à avoir réellement pris le départ sont donc les Bruxellois. Formellement depuis ce lundi à 14h avec la présence de Guy Vanhengel et Sven Gatz à la table des négociations (l’Open VLD avait demandé un report d’une semaine, officiellement pour pouvoir intégrer le MR, ce à quoi Sven Gatz disait ne toujours pas renoncer). Informellement depuis le milieu de la semaine dernière avec l’échange d’une première note entre partenaires. Les Bruxellois sont à ce stade les seuls à pouvoir envisager d’avoir une négociation bouclée pour la fête nationale. Tous les autres niveaux de pouvoir patienteront. Entre canicule, crispation, départs en vacances et torpeur estivale n’attendez rien avant le 15 août. Et méditez pour septembre cette phrase de Victor Hugo : « l’été qui s’enfuit est un ami qui part ».