Le Parlement face à la multinationale, l’édito de Fabrice Grosfilley

Ce mardi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito la commission spéciale sur les Uber Files

Il y aura bien une commission spéciale sur les Uber Files au Parlement régional bruxellois. Même si le vote doit encore être confirmé en séance plénière, la décision de principe a été prise ce matin par les députés bruxellois.

Cette commission spéciale sera consacrée à l’impact des pratiques du groupe multinational Uber sur les décisions prises par le gouvernement dans le cadre du transport rémunéré de personnes, c’est l’appellation précise qu’ont retenu les parlementaires. Si on veut faire court, on parlera de commission Uber, ou Uber Files, du nom de ces révélations parues dans la presse au mois de juillet. Plus de 120 000 documents confidentiels, qui avaient été dévoilés par le journal “The Guardian” en Grande-Bretagne et répercutés chez nous par le journal “Le Soir”.


Dans ces documents, on apprenait notamment comment Uber menait un intense lobbying pour contourner les législations existantes. Comment la firme internationale pouvait parfois recourir au mensonge ou à l’intimidation, organisait des manifestations en payant ses chauffeurs pour qu’ils fassent pression sur les pouvoirs publics. Dans ces documents, on a aussi pu lire que le management d’Uber se vantait de relations cordiales avec des hommes politiques bruxellois comme Pascal Smet ou Boris Dilliès qui auraient donc pu l’aider à faire avancer ses dossiers.

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Alors évidemment, la Région bruxelloise n’était pas la seule concernée par ce lobbying agressif. La Commission européenne était une autre cible de choix, ainsi que les gouvernements des Pays-Bas, de France ou du Royaume-Uni. Ce qui a valu au lobbyiste en chef d’Uber, Mark MacGann, d’être entendu par le Parlement européen fin octobre. En France, les révélations ont mis le président Macron sur la sellette, et la France Insoumise, dans l’opposition, réclame la création d’une commission d’enquête.

À Bruxelles, ce sera donc une commission spéciale, pas une commission d’enquête. Cela veut dire que les députés n’auront pas le pouvoir de contraindre à un témoin à se présenter devant eux, qu’ils ne pourront pas non plus mener de devoirs d’enquête à la manière d’un juge d’instruction. Ce sera donc une commission politique, on laissera la Justice mener une autre enquête de son côté. Cette commission ne se substituera donc pas à la Justice et elle aura le mérite de permettre à ceux qui sont cités dans le dossier de s’expliquer publiquement. On notera aussi que DéFi a obtenu qu’on entende tous les acteurs du transport rémunéré, cela veut dire aussi que pour les représentants des taxis, pas question de cibler uniquement Uber, même si c’est bien le point de départ.

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La création de cette commission a été entérinée par 11 voix sur 14 ce matin en commission de l’Intérieur. Tous les partis de la majorité l’ont donc voté. La NVa dans l’opposition a également soutenu le principe. Le PTB et le MR se sont abstenus. Pour Le PTB, parce que cela n’allait pas assez loin, pour le MR parce que cette commission n’est pas si utile, et qu’il reste beaucoup de travail sur l’ordonnance taxi. Arguments en filigrane : il y a eu du lobbying de part et d’autre et ce n’est pas cette commission qui permettra de condamner quelqu’un.

Alors évidemment, ce n’est pas cette commission du Parlement bruxellois qui fera plier la multinationale américaine. Mais avec une commission Parlementaire par-ci, un débat par-là une audition au Parlement européen et en prime d’éventuelles poursuites judiciaires, c’est quand même l’image d’Uber qui finit par être durablement ternie. Et puis surtout, c’est l’essence même de la démocratie que les élus puissent faire la leçon à une entreprise privée, aussi puissante soit-elle. Non, tous les coups ne sont pas permis et Bruxelles en 2022 ne doit pas ressembler au Far West de 1820. Et ce rappel à la légalité est valable pour Uber, et pour tous ceux qui participent de près ou de loin à la gestion de la chose publique. 

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Un édito de Fabrice Grosfilley