L’édito de Fabrice Grosfilley : retour à la case blocage
C’est un tir groupé. Deux interviews simultanées : l’une dans De Morgen, l’autre dans Le Soir. Une interview en duo de David Leisterh et Frédéric De Gucht, qui se sont donc présentés ensemble, et à leur demande, auprès des journalistes de ces deux quotidiens. Le message est clair : le MR et l’Open VLD veulent avancer ensemble. « Ensemble à l’extérieur ou ensemble à l’intérieur », précisent-ils dans De Morgen.
À elle seule, cette déclaration commune, soigneusement mise en scène, devrait suffire à mettre un terme à l’amorce de négociations en cours autour d’un projet de budget. Les libéraux débranchent la prise. C’est d’autant plus surprenant que MR, Engagés et socialistes avaient pourtant intensifié les contacts ces derniers jours et qu’ils devaient poursuivre les discussions aujourd’hui.
La piste d’un budget 2026 voté par six partis, qui aurait pu donner un peu d’air et de stabilité à la Région bruxelloise, est donc enterrée par le MR. L’argument avancé par David Leisterh pour justifier ce refus : une fois voté, ce budget aurait dû être appliqué par le gouvernement en affaires courantes de Rudi Vervoort, tandis que le MR serait resté dans l’opposition. Et le libéral de plaider pour qu’on en revienne à une négociation destinée à former un véritable gouvernement, et qu’on rappelle donc l’Open VLD à la table des discussions.
Côté Frédéric De Gucht, la communication dans Le Soir est en deux volets. Un volet où l’on fait semblant d’entrouvrir une porte en disant qu’on ne doit pas forcément avoir la N-VA à la table du gouvernement. Et un volet où on la referme à triple tour en affirmant qu’on veut l’équilibre budgétaire dans trois ans, alors que jusqu’ici les documents mis sur la table parlaient d’un retour à l’équilibre à sept, voire dix ans, et qu’aucun autre niveau de pouvoir ne s’est imposé une telle cure d’austérité. Et puis surtout, Frédéric De Gucht veut bien se passer de la présence de la N-VA à condition d’obtenir un accord écrit et signé du gouvernement fédéral et du gouvernement flamand sur les projets qui pourraient concerner Bruxelles, comme la sécurité et les aménagements du ring. Ce n’est plus avec la N-VA dans le gouvernement, c’est carrément avec la N-VA au-dessus du gouvernement.
Si l’on grossit le trait, un tout petit peu – mais à peine –, ce double entretien ressemble fort à l’installation d’un bloc conservateur au sein des négociations bruxelloises. Le MR lie son destin à la présence de l’Open VLD. L’Open VLD conditionne sa participation au bon vouloir de la N-VA. MR, Open VLD et N-VA sont donc en train de se présenter en cartel qui ne dit pas son nom. On en revient à la case blocage.
Ce constat est d’autant plus amer ce matin que cinq autres formations politiques étaient prêtes à entrer dans la négociation budgétaire. Une négociation qui, en cas de succès, aurait pu donner de l’air aux associations et aux administrations, et surtout constituer une première étape vers la formation d’un gouvernement en bonne et due forme. Les libéraux sont donc en train de torpiller l’un des derniers espoirs qui restaient. En compensation, ils affirment que la piste d’un retour aux urnes est possible. Que cela serait même réalisable dans les quatre mois. On pourrait donc, d’après eux, revoter au mois de janvier.
Leurs partenaires sont donc sommés de se soumettre. C’est un gouvernement ou rien. Ce gouvernement ne peut pas se faire sans l’Open VLD. Et sinon, on retourne voter. Si vous avez suivi les épisodes précédents de cette désespérante saga bruxelloise, vous avez bien compris : on tourne en rond.
Fabrice Grosfilley





