Procès pour trafic de drogue à Forest : pour la défense, “le dossier répressif ne tient pas la route”

Les avocats qui défendent un ou plusieurs prévenus rassemblés dans le procès pour trafic de stupéfiants mené en association au niveau du hotspot de la place Saint-Antoine ont entamé leurs plaidoiries vendredi, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles.

Me Yannick De Vlaemynck, premier à s’exprimer, a critiqué le fond du dossier. “Ça ne tient pas fort la route au niveau du dossier répressif”, a-t-il annoncé d’entrée de jeu.

Mon client est venu 10 minutes sur un hotspot, de 16h10 à 16h20. Est-ce suffisant pour être poursuivi pour vente de stupéfiants ? Je trouve cela inquiétant“, a-t-il souligné. “On dit qu’on l’aurait vu faire quatre échanges“, a poursuivi l’avocat à propos des faits reprochés à son client, Mohamed E., poursuivi comme membre de l’association de malfaiteurs, mais pas comme dirigeant.

Déjà, il faut m’expliquer où se trouvent les policiers lors des observations. Je ne le sais pas, vous ne le savez pas. Qu’on me montre au moins la photo d’un échange, quelque chose qui sort d’une sacoche. Sinon, comment contester les faits ?” La période infractionnelle court pour son client du 9 février 2024 au 5 septembre 2024, soit sept mois, a calculé Me De Vlaemynck. “Mais on l’a vu 10 minutes sur place. À un moment donné, il faut être sérieux au niveau de la preuve.

L’avocat souligne l’absence d’éléments dans les analyses téléphoniques qui relierait son client au reste des prévenus. Le ministère public requiert 30 mois de détention ou une peine de travail pour Mohamed E. La procureure lui reproche notamment d’avoir possédé 8.000 euros en liquide à son domicile, que l’enquête attribue à de la vente de stupéfiants. Me De Vlaemynck conteste cet élément, pièces à l’appui. “Ce sont des sommes pour payer son mariage au Maroc“, a-t-il assuré.

Me Jonathan De Taye, qui défend l’un des 16 prévenus se dit surpris par l’absence de photos ou de vidéos qui attesteraient des faits reprochés à son client. “Il faut savoir mettre l’observation à la contradiction, mais ici, je ne peux pas contredire l’observation. (…) C’est vraiment délicat.”

Me Tiziana Vindevogel partage les mêmes inquiétudes. “Je n’ai aucune photo dans le dossier, ou bien une seule, mais on ne voit rien. Est-il en train de récupérer une liasse de billet comme il est mis dans le dossier? On doit faire confiance uniquement aux observations des policiers jusqu’à maintenant”, s’inquiète-t-elle. Me Kamran Najib a fait part de ses doutes sur la crédibilité de l’enquête. “Rien ne démontre que mon client a gagné de l’argent dans ce dossier. Comment peut-on qualifier un individu avec une telle incapacité mentale et motrice dans un dossier de vente de stupéfiants? Ce n’est pas crédible”, a-t-il pointé au regard du handicap porté par son client.

Vendeur ou dirigeant ?

Me Yannick De Vlaemynck a également plaidé pour que le tribunal ne confonde pas un vendeur de stupéfiants avec un dirigeant de trafic de drogue. À propos de Y.B, l’un des autres prévenus qu’il défend, Me De Vlaemynck soutient qu’il s’agit uniquement d’un vendeur. “C’est un vendeur sur la place Saint-Antoine. Qu’il soit condamné pour être un vendeur sur la place.

Il est présenté comme le grand gérant dans ce dossier. Cela m’a fait sourire. On en a fait un patron du dossier parce qu’on a commencé le dossier par lui. C’est le premier petit vendeur qui a été attrapé“, a poursuivi l’avocat, en référence au réquisitoire du ministère publique qui requiert une peine de six ans de détention pour Y.B, en tant que dirigeant d’une association de malfaiteurs active dans la vente et la détention de stupéfiants (cannabis et cocaïne) sur le hotspot de la place Saint-Antoine à Forest, de février à novembre 2024.

Je n’ai jamais vu un dirigeant vendre sur le terrain“, a déroulé l’avocat. “Ceux qu’on met sur le hotspot, c’est ceux qu’on veut sacrifier.” Me Yannick De Vlaemynck est revenu sur un incident vécu par son client sur la place Saint-Antoine. “Il s’est fait casser la mâchoire par un client. Ce n’est pas un dirigeant à qui on va casser la gueule. Celui qu’on tabasse, c’est le petit vendeur qu’on vient frapper parce qu’il a mal travaillé.” Étonné par la hauteur de la peine requise à l’encontre de Y.B. par la procureure du roi, l’avocat a indiqué qu’il avait le sentiment “qu’on a voulu nettoyer un hotspot avec ce dossier. On a pris tout le monde et on est pas allé plus loin au niveau de l’instruction.

“Une interprétation pure et simple”

Me Tiziana Vindevogel, la deuxième avocate à plaider pour défendre l’un des 16 prévenus, s’est arrêtée longuement sur les observations policières comme seuls éléments à charge contre son client. “On est sur une interprétation pure et simple” de la part de la police, résume-t-elle.

Il y a trois PV d’observation qui ne sont pas corroborés par d’autres éléments. Je ne sais pas me défendre, parce qu’on ne dit rien dans le dossier. Que fait mon client pour qu’on dise qu’il contrôle un point de vente ?“, a-t-elle demandé à la présidente de la chambre du tribunal correctionnel.

L’avocate a analysé le PV de l’observation menée le 22 août 2024 à partir de 09h00 autour de la place Saint-Antoine. “Mon client arrive à 12h22. Le PV indique qu’il passe à trottinette récupérer de l’argent puis qu’il se rend directement au domicile de ses parents. (…) Il repasse ensuite une fois à 14h58, mais on nous dit qu’il supervise le point de vente.” Lors de la perquisition organisée au domicile des parents de A.S., “on ne retrouve rien, aucun objet de valeur. Quatre objets sont repris dans le PV, dont deux téléphones, et mon client donne ses codes d’accès aux policiers. Il n’y a pas de substance, pas de cash et il est poursuivi comme dirigeant…

Le ministère public a requis mercredi une peine de cinq ans pour A.S., en qualité de dirigeant de l’association, avec la circonstance aggravante d’avoir utilisé des mineurs pour la vente des stupéfiants et au vu de ses antécédents judiciaires. Me Tiziana Vindevogel demande le sursis à titre subsidiaire ou une peine de travail afin de préserver le casier judiciaire de son client, “encore très jeune“. Il avait 21 ans au moment des faits.

> 16 hommes jugés pour trafic de drogue à Forest: la plupart nient les faits reprochés

Belga

 

■ Reportage de Adeline Bauwin et Béatrice Broutout

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