“Des efforts encore nécessaires” afin d’éliminer les hépatites virales d’ici 2030
À cinq ans de l’échéance, où se situe la Belgique face à l’objectif de l’Organisation mondiale de la Santé d’éliminer les hépatites virales en tant que menace de santé publique? “Des progrès encourageants ont été réalisés”, souligne lundi Sciensano, “mais des efforts sont encore nécessaires”, estime l’institut de santé publique à l’occasion de la Journée mondiale contre l’hépatite.
L’objectif ambitieux lancé par l’OMS est de réduire les nouvelles infections par l’hépatite B et C de 90% et les décès de 65% entre 2016 et 2030, alors que ces maladies virales peuvent évoluer en complications graves comme la cirrhose ou le cancer du foie. En Belgique, le nombre de cas d’hépatite C est en diminution depuis 2019, année depuis laquelle les traitements actuels (agents antiviraux à action directe) sont remboursés pour toute personne infectée. Selon les chiffres les plus récents, près de 700 nouveaux cas d’hépatite C ont été recensés en 2022, ce qui représente environ six nouveaux cas pour 100.000 habitants. Une incidence qui satisfait l’objectif d’élimination de l’OMS.
En revanche, le nombre de cas d’hépatite B ne diminue pas et reste, lui, au-dessus des visées de l’OMS. En 2022, 1.915 nouveaux cas ont été dénombrés, soit 16,5 pour 100.000 habitants. “L’impact de la vaccination systématique des nourrissons et des adolescents implémentée en 1999 devient toutefois visible avec une diminution de la proportion des personnes de 25-34 ans parmi les cas”, souligne Sciensano. La mortalité liée à l’hépatite B est quant à elle très faible en Belgique et se situe en dessous des objectifs d’éradication de l’OMS pour 2030. Il est à noter qu’à Bruxelles, le fardeau épidémiologique des hépatites B et C est plus élevé qu’en Wallonie et en Flandre, tant en termes d’incidence que de mortalité.
Avancée trop lente
Sciensano appelle donc les autorités belges à renforcer la prévention, la vaccination, le dépistage et le traitement, particulièrement chez les personnes à risque et les populations plus difficiles à atteindre. L’hépatite C touche principalement les usagers de drogues injectables, ainsi que les hommes ayant des rapports sexuels avec les hommes, les personnes incarcérées, les migrants de pays à haute prévalence et les personnes sans domicile fixe. En ce qui concerne l’hépatite B, les personnes ayant des partenaires sexuels multiples et/ou des comportements sexuels à risque sont plus exposées. Les migrants de pays à haute prévalence n’ayant pas été vaccinés sont également particulièrement touchés. Dans une carte blanche publiée lundi sur le site de vulgarisation scientifique dailyscience, le Dr Jean-Pierre Mulkay – chef de clinique d’hépatologie de l’hôpital Saint-Pierre à Bruxelles – regrette que des personnes meurent encore de l’hépatite C, une maladie pourtant curable dans la grande majorité des cas. Il estime d’ailleurs que la Belgique avance trop lentement pour atteindre les objectifs de l’OMS. “Ce n’est pas la médecine qui bloque: c’est l’organisation. Le virus circule principalement parmi les personnes qui échappent aux parcours de soins classiques — comme les usagers de drogues, les personnes incarcérées ou en situation de migration”, observe-t-il. Le médecin plaide dès lors pour la mise en place d’un modèle “test and treat” pour les usagers de drogues avec un traitement disponible en pharmacie et sans conditions d’accès. Il préconise également de standardiser les soins en prison, du dépistage à la sortie. En outre, il recommande d’assurer une continuité des soins pour les migrants, même après leur départ des centres d’accueil. “Tenir la promesse de 2030, c’est possible. Mais cela suppose de choisir d’agir maintenant”, conclut-il, en encourageant les différentes entités du pays à “coordonner l’action au-delà des cloisonnements”.
Au total, cinq millions de personnes vivent avec une infection chronique par les virus de l’hépatite B ou C dans les pays de l’Espace économique européen (EEE), qui regroupe les 27 pays de l’UE, ainsi que l’Islande, la Norvège et le Liechtenstein. La majorité d’entre elles ignorent qu’elles sont infectées, indique lundi le Centre européen de prévention et de contrôles des maladies (ECDC). Dans le détail, 3,2 millions souffrent d’hépatite B chronique et 1,8 million d’hépatite C chronique. Ces virus sont responsables d’environ 50.000 décès chaque année en Europe – 15.000 liés à l’hépatite B et 35.000 liés à l’hépatite C – tandis que les décès liés au cancer du foie dû à l’hépatite virale continuent d’augmenter, souligne encore l’ECDC dans un communiqué.
Belga





