La grogne des agriculteurs monte d’un cran, la capitale paralysée jeudi
Environ un millier de tracteurs déferleront jeudi dans la capitale à l’occasion d’une manifestation d’ampleur qui devrait paralyser Bruxelles et sa périphérie. Les agriculteurs belges, mais également européens, sont vent debout depuis plusieurs semaines pour dénoncer “l’incohérence des politiques européennes”. Entre surcharge administrative, empilement de règles complexes, lourdeur des normes environnementales et revenus jugés insuffisants, les racines de leur mécontentement se sont multipliées et la colère gronde au sein de la profession.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, une partie des agriculteurs bloqueront déjà l’accès à Bruxelles dès 01h00 du matin, a indiqué à l’agence Belga Florian Poncelet, président de la Fédération des Jeunes Agriculteurs (FJA). La majorité des tracteurs débarqueront le lendemain, vers 10h30, au rond-point Schumann et à la place du Luxembourg, où des discours et des actions symboliques se tiendront.
Toute la journée, à partir de 7 heures,, le tunnel Reyers venant de l’E40 vers le centre sera fermé, ainsi que le tunnel du Cinquantenaire vers Loi. La petite ceinture de Bruxelles sera probablement inaccessible à la circulation automobile, tout comme le carrefour Arts-Loi. La rue de la Loi et le quartier européen pourraient également connaître de fortes perturbations de trafic. Le “blocage généralisé” de Bruxelles, comme l’a annoncé le président de la FJA, devrait perdurer au moins jusque 17h00.
La majorité des participants à la manifestation sur la place du Luxembourg se déplaceront dès le matin par des différents voies d’accès .
La police déconseille de venir à Bruxelles en voiture et recommande d’utiliser les transports en commun en privilégiant le métro et le train, ou d’utiliser d’autres moyens de transport.
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“Si vous pouvez télétravailler demain, c’est mieux, et mieux vaut éviter les transports en surface”: plusieurs centaines de tracteurs sont attendus à Bruxelles
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La Fugea (Fédération Unie de Groupements d’Éleveurs et d’Agriculteurs), la FWA (Fédération wallonne de l’agriculture), la Fédération nationale du commerce de bétail (FNCB), la FJA ainsi que l’ECVC seront toutes mobilisées dans la capitale. Le CNCD, la Coalition Climat et la CNE se joindront également au mouvement de grogne paysanne. Des délégations agricoles venues d’Espagne, du Portugal et d’Italie seront aussi de la partie. Les agriculteurs belges, français, allemands, néerlandais, roumains, ou encore polonais protestent depuis plusieurs semaines, voire plusieurs mois, pour dénoncer un système “qui marche sur la tête”.
“Normes incompréhensibles”
Le secteur refuse notamment les accords de libre-échange comme le Mercosur, réclame des simplifications administratives, dénonce des “normes incompréhensibles” et exige un prix “juste” pour les produits vendus à l’agro-industrie. “L’Europe se transforme en un rouleau compresseur législatif et dénature le métier d’agriculteur”, estime la FWA. Même son de cloche du côté de la Fugea. “La libéralisation de l’agriculture détruit à petit feu nos exploitations, il est plus que temps de revoir les règles de jeu (…). Il faut arrêter de nous prendre pour des magiciens : être plus vert avec moins d’argent (baisse des budgets de la Politique agricole commune “PAC”) et en étant concurrentiel sur les marchés mondiaux, ce n’est pas possible”. Si les agriculteurs n’obtiennent pas gain de cause lors de cette journée, les actions se prolongeront, ont prévenu les présidents de la FJA et de la Fugea.
La Belgique veut remettre sur la table l’obligation de jachère
Une rencontre entre les syndicats agricoles et le commissaire européen à l’Agriculture, Janusz Wojciechowski, est attendue dans l’après-midi, en marge du sommet européen. Le réseau européen Via Campesina (ECVC), qui coordonne les organisations de petits et moyens exploitants agricoles, espère s’entretenir avec la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, ainsi que le président du Conseil de l’UE, Charles Michel.
La Belgique entend remettre sur la table la règle d’obligation de jachère incluse dans la Politique Agricole Commune (PAC). Cette mesure, qui impose à chaque exploitation un taux de 4% de jachères ou surfaces non-productives, est dénoncée avec force dans les manifestations d’agriculteurs à travers l’Europe.
Le Premier ministre belge Alexander De Croo, dont le pays assure la présidence du Conseil de l’UE, a annoncé cette intention mardi à Bruxelles à l’issue d’une rencontre avec les syndicats agricoles. Il entend en discuter avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen.
Cette proposition fait partie d’un paquet de quatre éléments que le gouvernement fédéral entend remettre sur la table.
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Le deuxième sujet abordé concerne la charge administrative. À ce titre, le ministre de l’Agriculture David Clarinval a exprimé son intention de mettre en place un groupe de travail avec les entités fédérées dans le but “d’évaluer les tracasseries” et de “diminuer les contrôles“.
La troisième mesure s’attache à une reprise de la “concertation chaîne” sous l’égide du fédéral. Cette plateforme rassemble les producteurs, les distributeurs et les entreprises impliquées dans la chaîne alimentaire. Enfin, le gouvernement fédéral entend ouvrir une réflexion plus générale sur la Politique Agricole Commune (PAC) à l’occasion du conseil agriculture et pêche (dit “agrifish”) qui se tiendra en février.
Des contacts seront encore pris dans les prochains jours, a assuré le Premier ministre.
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Dans l’opposition au fédéral, Les Engagés ont regretté des annonces arrivées trop tardivement. Selon son président Maxime Prévot, la Belgique a “tous les leviers pour convoquer en urgence une réunion spécifique sur la crise agricole.”
Selon les syndicats, les annonces du Premier ministre ne vont pas calmer la base
S’il y a des points positifs, les annonces formulées mardi soir par le Premier ministre Alexander De Croo et son ministre de l’Agriculture David Clarinval risquent de ne pas calmer la base, ont indiqué les représentants des syndicats agricoles interrogés à l’issue de leur entrevue au 16, rue de la Loi. “On ne va pas les calmer avec ça“, a averti Florian Poncelet, président de la FJA.
La présidente de la Fédération Wallonne de l’Agriculture (Fwa), Marianne Streel a salué l’écoute, la compréhension et la connaissance des dossiers par le Premier ministre. Elle a aussi apprécié les démarches annoncées en matière de simplification administrative et la convocation d’une réunion avec le fédéral et les Régions dès vendredi.
La réactivation de la “concertation chaîne” entre les producteurs et les distributeurs est aussi vue d’un bon œil par le syndicat.
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Par contre, il va falloir “veiller au rythme“, a averti Mme Streel, alors que la période d’affaires courantes se profile avant les élections.
Le son de cloche était similaire du côté de la Fédération des Jeunes Agriculteurs. Son président Florian Poncelet a aussi regretté l’absence d’engagements concernant l’accord de libre-échange avec les pays sud-américains du Mercosur ou encore à propos des clauses miroirs, qui permettraient d’aligner les normes entre pays qui signent un accord de libre-échange. De manière générale, M. Poncelet a jugé que les engagements étaient “encore légers pour ma base“.
Hugues Falys, le porte-parole de la Fugea (Fédération unie de groupements d’éleveurs et d’agriculteurs), a salué l’engagement de la Belgique de revoir l’obligation de jachère, même si cela n’est “pas une priorité“. La relance de la “concertation chaîne” afin de mieux négocier la composition des prix est à ses yeux une meilleure mesure. M. Falys a regretté l’absence de réponse à ses questions concernant la régulation du marché, l’importation de blé ukrainien et, plus largement, l’absence de changement à court terme.
La Belgique veut ajouter des éléments supplémentaires à l’accord UE-Mercosur
“La position de la Belgique (à propos de l’accord UE-Mercosur) n’a pas changé. La Belgique n’est pas favorable à une réouverture de l’accord, mais insiste sur l’ajout d’éléments supplémentaires par le biais d’un instrument additionnel ayant la même valeur juridique que l’accord“, a indiqué la ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib mardi en commission des Relations extérieures de la Chambre.
La cheffe de la diplomatie belge était interrogée par Els Van Hoof (CD&V) et Malik Ben Achour (PS) à propos de cet accord de libre-échange entre l’Union Européenne et le Mercosur, qui compte quatre pays sud-américains (Brésil, Argentine, Paraguay et Uruguay).
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L’UE a tenté l’an dernier de redonner un coup d’accélérateur aux discussions, profitant entre autres du retour au pouvoir de Lula au Brésil. L’accord, surtout son volet commercial, continue cependant de diviser les 27. Mais “à l’heure actuelle, l’analyse de la Commission est que les conditions pour conclure des négociations avec le Mercosur ne sont pas réunies“, a affirmé le porte-parole de la commission européenne mardi.
La Belgique, elle, plaide donc pour des mesures additionnelles. “En ce qui concerne le développement durable, la Belgique continue de plaider pour des dispositions ambitieuses, y compris des mesures exécutoires sur le climat, la déforestation et les droits sociaux“, a indiqué Hadja Lahbib devant les députés. “Se référant aux engagements de la Commission européenne, la Belgique continue également à souligner l’importance de prendre des mesures pour protéger nos secteurs agricoles sensibles, y compris en matière de normes sanitaires et phytosanitaires“, a-t-elle ajouté.
Céline Tellier s’engage à donner accès aux cours d’eau au bétail
La Fédération wallonne de l’Agriculture (FWA) a obtenu au moins un engagement ferme mardi à Namur lors de son entretien avec la ministre wallonne de l’Environnement, Céline Tellier (Ecolo), a-t-elle indiqué. Le bétail devrait pouvoir rapidement et facilement avoir accès aux cours d’eau sur une longueur de quatre mètres.
Actuellement, il est demandé aux éleveurs de clôturer les ruisseaux qui entourent le bétail, ce qui l’empêche alors d’avoir accès aux cours d’eau. Des dérogations sont possibles, mais les démarches demandées par l’administration wallonne sont trop compliquées selon la FWA. Alors que le printemps approche et que les animaux vont retourner en prairies, débloquer la situation était donc une priorité mardi.
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“Il est primordial que nos bêtes puissent avoir accès à une zone non clôturée rapidement“, a commenté Marianne Streel, la présidente de la FWA. “La ministre s’est engagée à trouver des solutions pour simplifier les choses rapidement, en concertation avec nous.”
Au-delà de cette petite victoire, la fédération wallonne s’est montrée plutôt satisfaite de ses échanges à Namur avec Céline Tellier et son homologue à l’Agriculture, Willy Borsus (MR). “Nous ne sommes pas ici pour simplement réclamer une enveloppe. On est clairement sur des changements de paradigmes par rapport à la façon dont on gère le secteur et les contraintes qu’on lui impose. Cela ne se règle pas en une heure autour d’une table, mais on avance“, a déclaré Mme Streel. “Maintenant, il faut vite de nouvelles réunions qui n’accouchent pas de souris, mais bien de décisions concrètes.”
Sur le plan wallon, la FWA attend notamment des simplifications administratives et des assouplissements ou compensations concernant les normes qui lui sont imposées au niveau environnemental.
Belga – Photo : Belga
■ Explications de Camille Paillaud dans le 12h30
■ Reportage de Meryem Laadissi, Gauthier Flahaut et Djôp Medou Mvondo