Première cérémonie solennelle de remise d’actes de naissance à un couple de métis
Les enfants métis issus d’un colon belge et d’une mère africaine sont nés dans les années 1940 et 1950 au Congo, au Rwanda ou au Burundi. L’État belge qui n’approuvait pas ces relations, a arraché de nombreux enfants à leur mère. La Belgique essaye de réparer les erreurs du passé, et vote en 2018, résolution métis.
S’ils ont longtemps été considérés comme des enfants du péché, les enfants métis sont aujourd’hui des milliers. Alors qu’ils n’ont jamais été reconnus par leur père européen, ils n’avaient donc pas d’acte de naissance et pas non plus accès aux états-civils. La Belgique a souhaité mettre en place une résolution, votée par la chambre, comprenant 11 doléances. Parmi elles : la recherche historique et archivistique, soit recouper le parcours de chacun et retrouver les identités manquantes.
Mais leur rendre leur acte de naissance n’est qu’une étape. En février 2026, le groupe résolution métis présentera une étude au Parlement, qui retracera l’histoire de ces enfants volés de la colonisation.
■ Reportage d‘Ameline Delvaux, Gauthier Flahaut et Laurence Paciarelli
Une cérémonie spéciale s’est tenue mercredi soir à Berchem-Sainte-Agathe, au cours de laquelle le bourgmestre a remis leurs actes de naissance à deux personnes métis âgés de 80 ans. La commune est ainsi la première de la région bruxelloise à programmer une telle solennité, en présence notamment de la ministre des Affaires étrangères, Hadja Lahbib, et de l’ancien ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne.
■ Duplex d’Ameline Delvaux
Les deux époux, Germaine Dervan et Léopold Rouhard, âgés d’environ 80 ans et tous deux nés au Congo belge lors de la colonisation (d’un père belge et d’une mère autochtone), ont reçu leur acte de naissance après plus de 60 ans d’attente. Les deux Berchemois sont ainsi les premiers métis francophones de Belgique – et les plus âgés – à recevoir le document lors d’une cérémonie solennelle. Avant que Christian Lamouline (Les Engagés) ne délivre officiellement le document aux deux époux, plusieurs discours se sont suivis dont ceux de M. Van Quickenborne (Open VLD), Mme Lahbib (MR) ainsi que de l’ancienne présidente du parlement francophone bruxellois, Julie de Groote. “Cet événement historique marque un moment crucial dans la quête de justice et de reconnaissance pour les enfants métis nés d’un père colonial belge et d’une mère africaine, dans les années 1940 et 1950, au Congo belge, au Rwanda ou au Burundi”, a appuyé le bourgmestre de Berchem-Sainte-Agathe.
En délivrant les dits actes de naissance, celui-ci a tenu à célébrer la dignité humaine, la justice et l’égalité, soulignant par ailleurs “le parcours de Germaine et Léopold, fait de résilience, d’amour et de persévérance face à l’adversité”. Les enfants métis, arrachés à leurs mères par l’État belge qui estimait que les femmes africaines ne pourraient pas élever correctement un enfant d’origine partiellement européenne, ont en effet été placés dans des orphelinats ou des foyers d’accueil en Belgique, sans connaître leur vraie famille. Leurs actes de naissance étaient faux, manquants ou refusés par les autorités belges.
“Pour les enfants métis qui n’ont pas eu la chance de posséder un acte de naissance, les conséquences administratives et juridiques ont été nombreuses, entravant leur accès à des droits fondamentaux”, a pointé le bourgmestre. En février 2022, sous l’impulsion M. Van Quickenborne et en concertation avec les associations des métis, le Collège des procureurs généraux avait approuvé une circulaire indiquant qu’en cas d’absence d’un acte de naissance, le ministère public se doit d’agir d’office devant le Tribunal de la famille pour délivrer ces documents. Ce texte offre aujourd’hui “une chance de réparation et de reconnaissance aux personnes concernées”, s’est réjoui le bourgmestre de Berchem-Sainte-Agathe. Avec cette cérémonie, la commune bruxelloise a souhaité mettre en lumière l’importance de ce document légal, qui détermine l’identité d’une personne et constitue la base de l’ouverture des droits de chaque citoyen vis-à-vis de l’État.
“On les appelait ‘enfants du péché, enfants illégitimes’. Ces expressions montrent bien l’horreur des pratiques coloniales, à l’origine de souffrances considérables et profondes. Se reconstruire une vie en Belgique a dû être un parcours douloureux pour ces personnes, alors même qu’elles avaient participé à construire notre société”, a déploré mardi la Ministre des Affaires étrangères Hadja Lahbib. “La communauté des métis mérite tout notre respect”, a-t-elle ajouté. Le premier acte de naissance délivré à un métis issu de la période coloniale est délivré en novembre 2022, à la maison communale de Wuustwezel (province d’Anvers). Entre temps, 17 actes de naissances aux métis coloniaux belges ont été délivrés et neuf autres dossiers sont en cours.
“Bien que cette cérémonie constitue un moment extrêmement significatif pour la Belgique et l’ensemble de la communauté des métis, cela n’efface en aucun cas les décennies de souffrance”, a reconnu M. Van Quickenborne. “Aujourd’hui, nous ne prétendons pas avoir tout résolu. L’humilité reste de mise pour l’État belge”. En 2018, la Chambre avait en effet approuvé une résolution reconnaissant la ségrégation dont les métis ont été les victimes durant la période coloniale. Le texte adresse une série de recommandations au gouvernement, notamment concernant les actes de naissance de ces personnes que le régime colonial arrachait à leurs mères.