L’éditorial de Fabrice Grosfilley : le grand débat de la sécurité

Les élections de 2024 vont-elles se jouer sur le thème de la sécurité ? A lire et entendre le nombre de commentaires politiques sur cette thématique c’est ce qu’on serait tenté de penser. Depuis la mi-août, la question de la sécurité en Région Bruxelloise et en particulier à la gare du Midi est devenu un sujet central du débat médiatique. Mobilisation générale, du niveau fédéral au niveau local, et commentaires qui partent dans tous les sens.

Pour nos partis politiques il est devenu indispensable de se positionner sur cette question. Pour ceux qui sont aux commandes, il s’agit de montrer qu’ils ne sont pas inactifs, qu’ils prennent des initiatives et qu’ils font le nécessaire pour améliorer la situation. Ce n’est pas la position la plus facile quand le débat s’emballe et que le public a l’impression, (mais ce n’est qu’une impression), que la criminalité est exponentielle et que les agression se multiplient sans que les pouvoirs publics ne réagissent vraiment. Pour ceux qui sont dans l’opposition, la posture est toute trouvée et plus facile à tenir : les gouvernements ont failli. Il aurait fallut faire autrement : mettre davantage de policiers, investir dans la prévention, augmenter le nombre d’expulsions, renforcer les services publics. Chacun peut mettre le curseur sur la priorité de son choix et personne ne dira jamais comment la financer.

Majorité critiquée et opposition critique :  on a eu une illustration parfait  de ce clivage traditionnel hier matin en commission au parlement bruxellois. Le Ministre-président bruxellois Rudi Vervoort devait faire rapport en commission sur les décisions prises en concertation avec le fédéral pour la gare du Midi. Il a de nouveau mis l’accent sur les responsabilités de cet étage fédéral dans les difficultés que traverse la Région Bruxelloise : le manque d’investissements dans les forces de police, mais aussi et surtout la crise de l’accueil avec de nombreux demandeurs d’asile qui se retrouvent à la rue alors qu’ils devraient être hébergés dans des structures de Fedasil. Deux lits sur trois du dispositif destiné à loger les personnes sans abris sont occupés par des sans papiers a souligné le ministre-président devant les députés. Demandeurs d’asile et personnes sans papier sont effectivement de la responsabilité du fédéral. Les premiers devraient être accueillis, les seconds en théorie sont expulsables (en pratique c’est moins le cas). Le problème n’est pas neuf mais il est loin d’être réglé. Ce qui n’a pas empêché l’opposition d’estimer que le gouvernement bruxellois se défaussait un peu trop. “Vous êtes comme un joueur de basket et vous passer continuellement la balle aux autres” a taclé David Leisterh au nom du Mouvement Réformateur.

A ce stade du récit il n’est pas inutile de rappeler que certains partis sont dans l’opposition à Bruxelles, mais dans la majorité au fédéral… c’est le cas du Mouvement Réformateur qui va donc plus facilement estimer que c’est la Région bruxelloise qui a failli et pas le Fédéral. Pour le PS et pour Ecolo qui sont dans les deux majorités, fédérale et régionale, on mettra plutôt l’accent sur les désinvestissements opérés lors de la législatures précédentes, lors du gouvernement de Charles Michel avec des économies sur les budgets de la police et de la justice. Et pour les partis qui sont dans l’opposition partout c’est encore plus facile : personne ne fait son boulot correctement. En résumé : dis-moi où tu sièges, je t’écrirais ton discours.

Évidemment, les choses sont plus complexes, plus sérieuses aussi. Il ne faudrait pas tomber dans le populisme et estimer que nos hommes et femmes politiques sont des incapables ou qu’ils se désintéressent des questions de sécurité. La réalité est que le problèmes de la sécurité, qui est avant tout un problème de perception où se mêlent la sécurité, mais aussi la présence d’une misère visible, la toxicomanie sur la voie publique ou la mal propreté des rues nécessite la mobilisation de tous les acteurs et surtout une action sur la durée. La durée, c’est pas le point fort des décideurs politiques (en Belgique comme ailleurs).

Pour en revenir aux élections de 2024, on a aussi gardé en mémoire qu’une campagne électorale se construit sur la durée, étape par étape, en fonction de l’actualité. C’est aujourd’hui la sécurité qui est le thème dominant. Les partis veulent donc marquer les esprits, prennent des postures qui, espèrent-ils, seront toujours dans la mémoire  de l’électeur lorsqu’il se rendra au bureau de vote. Tout le monde s’excite. Mais d’ici au mois de juin, on aura probablement parlé de beaucoup d’autres choses.