Indemnisation des victimes d’attentats : la mise sur pied d’un fonds de garantie écartée
La majorité a déposé mercredi des amendements au projet de loi relatif à l’indemnisation des victimes d’un acte de terrorisme et à l’assurance contre les dommages causés par le terrorisme. Des améliorations répondant à certaines demandes des victimes sont apportées, mais la revendication centrale d’un fonds de garantie, comme l’avait recommandé la commission d’enquête sur les attentats de 2016, ne sera pas exaucée. Dans l’opposition et la majorité, plusieurs députés ont dénoncé l’influence du secteur des assurances.
Le 1er février, alors que la commission de l’Economie de la Chambre commençait l’examen du projet de loi, les critiques n’avaient pas manqué sur le texte. Le ministre de l’Economie Pierre-Yves Dermagne, avait annoncé que le gouvernement reverrait sa copie. En concertation avec le cabinet du ministre, les députés Denis Ducarme (MR), Koen Geens (CD&V) et Patrick Prévot (PS) ont mis au point une série d’amendements. Il sera ainsi mis fin à la différence faite entre les victimes résidant en Belgique et les autres, et le délai dans lequel une demande d’indemnisation doit être introduite passera de 5 ans à 10 ans. Il sera également fait référence à la création d’un guichet unique qui doit orienter les victimes et leur éviter d’être confrontées à une multitude d’interlocuteurs, que ce soit à l’égard des assurances que des organismes de sécurité sociale. Ce guichet sera toutefois organisé par un arrêté royal et non le projet de loi en question.
“Celui-ci doit jouer le rôle de guide afin que les victimes soient mieux accompagnées et de façon plus humaine qu’à la suite des attentats de 2016. Tout doit être fait pour que les victimes qui ont déjà subi une terrible souffrance à la suite de l’attaque terroriste soient, de la manière la plus humaine possible, aidées et guidées dans leurs démarches” a souligné la secrétaire d’État à la Protection des consommateurs, Alexia Bertrand.
La mise sur pied d’un fonds public comme en France a été définitivement écartée. Le gouvernement a notamment invoqué des questions d’efficacité. Les attentats du 22 mars 2016 ont fait 1.417 victimes.
Le montant total des dommages assurés pour toutes ces victimes est estimé à environ 125 millions d’euros. Parmi les 1.417 victimes, 32 décès sont recensés, 16 blessés graves dont l’incapacité permanente s’élève à plus de 65 %, 162 blessés dont l’incapacité permanente est évaluée entre 11 % et 65 %, et 1.209 victimes dont l’incapacité permanente s’élève à moins de 11 %.
“Ces chiffres démontrent qu’une attaque terroriste peut toucher de très nombreuses victimes et qu’il y a de nombreux sinistres à gérer en même temps. Le gouvernement a estimé que la manière la plus efficiente d’y parvenir est d’édicter des règles pour veiller à ce que les assureurs assument pleinement leur rôle sociétal pour payer les indemnités des victimes d’un attentat de manière juste et rapide”, a souligné le ministre.
Si un attentat semblable à celui du 11 septembre était commis en Belgique, seuls les assureurs auraient l’expertise et la capacité logistique de faire face à la situation, a expliqué M. Dermagne. Le coût n’est pas étranger non plus au choix fait: soit l’Etat le prenait en charge, soit au final les assurés par le biais d’une contribution financière.
Dans la majorité, MM. Geens et Ducarme n’ont pas caché leur déception. Le libéral, rejoint par Georges Dallemagne (Les Engagés), s’est montré très dur à l’égard du secteur des assurances, accusé d’être responsable de l’abandon d’un tel fonds.
“Aujourd’hui, on constate le blocage d’Assuralia. Le secteur avait déjà été indigne à l’égard des indépendants durant la crise du covid. Et aujourd’hui encore, il tire sur la corde de l’indignité. Je le regrette”, a-t-il affirmé. Le ton était plus nuancé chez les écologistes. “Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Telle qu’amendée, cette loi permet une approche acceptable pour l’indemnisation des victimes”, a fait remarquer André Vajda (Ecolo-Groen). Les amendements ont été envoyés pour avis au Conseil d’Etat dans un délai de 30 jours.
Belga – Photo : Belga
■ Chronique de Maël Arnoldussen dans Le 12h30.