Des tournesols à la tomate, l’édito de Fabrice Grosfilley
Ce vendredi, Fabrice Grosfilley évoque dans son édito l’action climatique de deux jeunes à Londres contre une toile de Van Gogh.
Les tournesols de Van Gogh aspergés de soupe à la tomate. C’est l’action choc réalisée par de très jeunes militants de la cause climatique aujourd’hui à Londres. Action destinée à frapper les esprits et qui va évidemment faire beaucoup parler
D’abord des nouvelles du tableau. La toile de Van Gogh va bien. Le tableau est intact, seul le cadre a été légèrement endommagé. C’est ce qu’a fait savoir la « National gallery, » ce musée de Londres où se sont produit les faits. Pour rappel, les tournesols de Van Gogh sont une série de tableaux dont il existe cinq exemplaires, et celui-ci est estimé à 84 millions de dollars. Les deux activistes ont été interpellés par la police, et seront poursuivis pour dégradation. On notera qu’ils n’ont d’ailleurs pas cherché à s’enfuir, au contraire, ils se sont collés la main au mur.
En publiant la vidéo de son action, le mouvement “just stop oil” a publié le commentaire suivant : l’art vaut-il plus que la vie ? La crise de l’inflation et la crise climatique sont toutes les deux provoquées par le pétrole. Êtes-vous plus concernés par la protection d’une peinture ou par la protection de la planète et des gens. Sur la vidéo, on voit aussi les deux activistes brandir la boîte de soupe et affirmer qu’elle est désormais devenue trop cher pour certaines familles.
Êtes-vous plus concernés par la protection d’une peinture ou par la protection de la planète. La question est provocante, interpellant, remuante même. On pourrait répondre facilement qu’on est concerné par les deux et que la destruction d’une peinture ne va rien changer à la situation climatique dans laquelle on se trouve. La destruction d’une œuvre d’art n’est pas une manière normale de provoquer le débat. C’est une méthode qui relève du totalitarisme, il vaut mieux la laisser aux talibans et autres fondamentalismes.
Malgré tout, on doit reconnaître que cette méthode a le mérite d’attirer la lumière. La vidéo de l’action de “Just Stop Oil” a été vue des millions de fois ce vendredi après-midi, toutes les radios et toutes les TV en parlent. Et il est très probable que vous serez amené à en discuter avec l’un ou l’autre de vos connaissances. Si ces activités s’étaient contentées d’un simple communiqué de presse, on n’en aurait jamais parlé. La question subsidiaire étant quand même de savoir si les militants de la soupe tomate avaient ou non connaissance de la présence d’une vitre qui a finalement protégé le tableau.
Cette action illustre tout de même une radicalisation croissante de la jeunesse sur la question climatique. Un fossé grandissant entre des jeunes générations, frappées d’éco anxiété, inquiètes du monde dans lequel elles vont vivre dans 10, 20, 30 ans et leurs ainés qui aux yeux de la jeunesse ne prend pas suffisamment la question climatique au sérieux. Ce sentiment d’être snobé, ignoré, déconsidéré par les décideurs est celui qui justifie cette notion de désobéissance civile.
Elle est délicate à manier cette notion de désobéissance civile. Elle revient quand même à sortir de la légalité. On la voit ici à l’œuvre dans un musée. On l’a vu avec l’action code rouge qui visait le groupe pétrolier Total le week-end dernier, il n’est pas exclu que des actions de ce genre se multiplient dans les jours ou semaines à venir. On peut évidemment ne pas être d’accord avec ces militants et condamner leur action. Après tout, la violence, même contre un tableau, c’est de la violence.
On doit aussi avoir en tête que Gandhi et la décolonisation, Martin Luther King quand il appelle au boycott des bus réservé aux noirs, Les médecins qui dans les années 60 ou 70 pratiquaient l’avortement quand c’était interdit ou les premiers chrétiens qui défirent les empereurs romains relevaient aussi de la désobéissance civile. L’histoire ne leur a pas toujours donné tort.
■ Un édito de Fabrice Grosfilley