Iriscare-Cocom : qui fait quoi ? Pourquoi deux institutions ?

Au quotidien, les Bruxellois ne connaissent pas toujours les institutions qui veillent sur leur santé

La pandémie que l’on traverse a remis sur le devant de la scène des acteurs institutionnels qui ne sont pas toujours médiatisés. Pourtant, la Cocom ou Iriscare sont présentes dans le paysage bruxellois, notamment dans le domaine de la santé, sans nécessairement que le citoyen ne sache dans le détail ce qu’elles font pour lui.

Un exemple le décrit très simplement. Actuellement, la santé mentale de la population (en général) et des plus jeunes (en particulier) est au cœur de très nombreuses conversations. Il s’agit donc d’un enjeu fondamental pour les mois et les années à venir. Il faut un acteur fort pour mener des politiques à long terme… À ce niveau toutefois, si l’agrément des acteurs de santé mentale est géré par la Cocom, le financement est lui du ressort d’Iriscare. Rien n’est simple !

Si cette situation n’est pas toujours lisible par le citoyen, il arrive que le monde politique s’y perd aussi parfois : « Cela crée des conflits institutionnels récurrents », nous dit cet ex-ministre bruxellois.  « Pour faire avancer un dossier, il faut toujours trouver un accord (une gestion paritaire) dans une tripartite : les secteurs, le cabinet et l’administration. Et quand il n’y a pas d’accord, c’est toujours le monde politique qui a le dernier mot. »

La Cocom en un mot

Créée en 1989, la Commission communautaire commune (Cocom) concentre ses efforts sur les domaines de l’Aide aux personnes et de la Santé. Depuis 2011, dans le cadre de la 6ème réforme de l’Etat, elle a reçu d’autres compétences. En matière de santé, elle veille sur la dispensation de soins dans et en dehors de l’hôpital, l’éducation sanitaire et la médecine préventive. La Cocom est compétente à l’égard des institutions publiques, ainsi que des institutions privées qui n’ont pas opté en faveur de l’une des deux Communautés française (Cocof) et flamande (VGC)… Elle subventionne 16 hôpitaux, 7 maisons de soins psychiatriques, 5 services de santé mentale, 110 maisons de repos et de soins, 9 centres de soins de jour, 3 services de soins à domicile…

Pour effectuer toutes ces tâches, le personnel fait parfois défaut. Nicolas Lagasse, le fonctionnaire dirigeant de l’Administration de la Commission communautaire commune, qui part en mars, poursuit la construction de cette administration : « La pandémie nous a évidemment obligés à travailler en priorité sur le coronavirus, mais nous n’avons pas oublié d’investir dans notre fonctionnement à long terme. On recrute en effet pour la pérenniser ! »

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Iriscare voit le jour le 1er janvier 2019

En 2016, une ordonnance de l’Assemblée réunie de la Cocom crée l’Office bicommunautaire de la santé, de l’aide aux personnes et des prestations familiales : Iriscare. Cet organisme d’intérêt public (OIP) bicommunautaire est responsable de la gestion des compétences transférées dans le cadre de la 6e réforme de l’État et voit le jour le 1er janvier 2019. Son personnel provient en partie du fédéral, de l’Inami ou de Famifed…

Concrètement, Iriscare est responsable de la reconnaissance et du financement des maisons de repos, des établissements pour personnes atteintes d’un handicap, des conventions de rééducation fonctionnelle, mais également du financement des Initiatives d’Habitation Protégées et des Maisons de Soins Psychiatriques. Iriscare gère et finance aussi les mutualités et les caisses d’allocations familiales bruxelloises.

À titre d’exemple, c’est Iriscare qui a procédé au paiement de la prime Covid de 100 euros pour les enfants des familles qui se trouvent en dessous des 45.000 euros indexés, tout comme il a distribué, à la suite de la décision du 23 avril dernier du gouvernement bruxellois, des masques en tissu, du plexi et du gel à toutes les administrations bruxelloises et tous les services qui en dépendaient (associations sportives, associations culturelles…)

Iriscare : toujours pas de contrat de gestion

En attendant, Iriscare n’a toujours pas de contrat de gestion. Comme elle l’a expliqué au Parlement bruxellois le 22 octobre dernier, Tania Dekens, fonctionnaire dirigeante d’Iriscare, « il était prêt en janvier 2020 mais n’a pas été discuté à cause de la crise du Covid. Entre-temps, pendant l’été, tout le projet de contrat de gestion a dû être retravaillé. »

Ensemble contre les problèmes institutionnels

Un exemple suffit à montrer pourquoi il faut réformer les institutions de santé bruxelloises : Le 9 mars, lors de la première réunion importante de tous les acteurs, le fédéral offrait l’opportunité de passer une commande de masques via le marché fédéral. Rappelez-vous, il y a un an : le (des) masque(s), comme le papier toilette et les pâtes, tout le monde en voulait.

Si la décision paraît évidente à prendre… à Bruxelles, tout est plus compliqué. Il apparaît que seule Iriscare peut agir, comme l’explique lors de son audition au Parlement bruxellois le 22 octobre dernier, Tania Dekens, fonctionnaire dirigeante d’Iriscare : « Nous étions la seule institution qui avait une dotation et qui avait la possibilité de passer une commande comme ça ! Il y avait la place pour 400.000 masques dans un avion. »

Un échange de consultant Cocom-Iriscare

Face à la crise, si à la Cocom le choix a été fait d’engager des consultants (Voir BX1 de la semaine passée, « Le prix des consultants ») , du côté d’Iriscare les services « ressources humaines » ont continué à recruter dans les réserves constituées pour des fonctionnaires statutaires et contractuels. On le sait moins, mais un consultant a aussi été pris pour un travail bien précis chez Iriscare: « Un consultant, pendant la première vague, a travaillé sous contrat des services du Collège réuni (Cocom) comme infirmier régional en chef, parce qu’Iriscare n’avait pas encore la compétence de faire ce contrat » a expliqué au Parlement bruxellois Tania Dekens, qui précise : « Entre-temps, on l’a eu via des pouvoirs spéciaux, en relançant en été un marché public. C’est à nouveau la même firme qui l’a obtenu, le consultant a donc pu prendre congé trois semaines avant de revenir à Iriscare

Un contrôle parlementaire

Du côté de l’opposition, on est interpellé par le travail de ces deux institutions, comme l’explique Alexia Bertrand, députée bruxelloise MR : « Iriscare est une administration jeune qui n’a toujours pas de contrat de gestion. Il y a aussi un problème de contrôle parlementaire. Il faut plus de transparence et de cohérence dans le travail commun. »

Aujourd’hui, les deux institutions sont séparées. Plusieurs intervenants souhaiteraient que les deux institutions ne deviennent plus qu’une, comme en Wallonie et en Flandre. Toutefois, la route sera longue: « C’est beau de rêver à une institution unique », nous dit ce député bruxellois de la majorité, « mais on sait que cela ne se fera pas en un mois ou deux. Même au sein de l’administration, il y a des gens qui réclament une simplification du travail entre les deux institutions pour arriver à une seule institution

Après la crise ? Un espoir en tout cas…

V.Li. – Photo : Belga/Benoit Doppagne