Le nombre de recours dans l’enseignement supérieur explose : “La liberté académique a joué un rôle”

Le nombre de recours de la part des étudiants a fortement augmenté après une fin d’année et une session agitées dans l’enseignement supérieur, signale la Fédération des étudiants francophones (Fef) dans La Libre Belgique. Un constat confirmé par Karim Jguirim, qui conseille les étudiants au service juridique d’Infor Jeunes Bruxelles.

“Sur la période qui va du 15 mai au 30 juin 2019, nous comptions 179 demandes de recours (NDLR : d’étudiants de l’enseignement supérieur). Cette année, nous sommes déjà à plus de 300”, explique Chems Mabrouk, la présidente de la FEF dans La Libre. “Beaucoup concernent les stages, où des étudiants se sont vu attribuer la note de zéro parce qu’ils étaient malades. D’autres concernent le manque de suivi pédagogique, ou encore le non-respect des modalités d’examens”, développe la présidente du syndicat étudiant. “Cela va dans le sens que nous soupçonnions.”

Ancien responsable du service juridique de la FEF entre 2009 et 2017 et aujourd’hui actif au sein du service juridique d’Infor Jeunes Bruxelles, Karim Jguirim assiste également à une explosion du nombre de recours de la part d’étudiants du supérieur : 252 sur le seul du mois de juin 2020 et déjà plus de 100 recours enregistrés en ce début de mois de juillet. “Nous informons et conseillons ces étudiants qui demandent une aide juridique par rapport à leurs recours”, explique-t-il. “Selon moi, cette hausse du nombre de recours est dû au choix fait par la ministre de l’Enseignement supérieur Valérie Glatigny (MR) suite à la crise sanitaire du Covid-19. Elle a décidé de ne pas intervenir et de laisser les établissements gérer”.

Un commentaire que le cabinet de Valérie Glatigny (MR) conteste : “La ministre n’a pas laissé les établissements agir sans contraintes, que du contraire”, affirme-t-il. “Nous ne nions pas le stress que cette session d’examens a pu engendrer, mais le taux de réussite en hausse prouve que la majorité des étudiants ont réussi à s’adapter à l’enseignement à distance, et que les professeurs ont fait preuve de bienveillance. C’est la raison pour laquelle la ministre a tenu à féliciter les étudiants, à encourager ceux qui doivent encore présenter leur seconde session, et à remercier le personnel des établissements pour leur engagement dans des circonstances difficiles.”

L’analyse n’est pas la même pour Karim Jguirim : “Cette fin d’année a mené à deux tendances qui peuvent paraître contradictoires : le taux de réussite est à la hausse par rapport à l’an dernier, comme l’indique le Comité des recteurs francophones (Cref), et en même temps, le nombre de recours augmente également”.

Des stages réduits

Karim Jguirim explique cette dernière tendance par la liberté académique laissée aux professeurs : “Certains profs ont été plus bienveillants et ont adapté leur seuil d’exigence. D’autres profs l’ont été moins, n’ont pas souvent adapté la matière malgré la crise, et des étudiants se sont retrouvés dans une situation plus difficile, qu’ils jugent injustes.” Ce sont notamment des étudiants qui devaient faire un stage durant cette dernière année académique qui ont demandé conseil à Infor Jeunes : “Plusieurs d’entre eux devaient être en stage pour plusieurs mois mais la crise sanitaire ont réduit ces stages à deux ou trois semaines. Et pourtant, certains ont été mis en échec, alors que ces stages sont très importants dans certains cursus pédagogiques, comme dans le paramédical ou le social”.

Il confirme que plusieurs élèves d’une même classe ou d’une même école peuvent être nombreux à déposer un recours : “Il existe des phénomènes généralisés, des mouvements de masse comme à Francisco Ferrer, où les étudiants ont protesté contre leurs conditions d’examens durant deux dimanches. Mais les dossiers restent individuels, et sont traités comme cela”.

Et ces recours peuvent-ils prendre du temps ? “Je ne pense pas car les recours ne sont pas traités correctement”, affirme Karim Jguirim. “Ces recours sont parfois jugés recevables mais non-fondés. C’est traité rapidement, avec des modèles de réponse”. Bref, les services juridiques de la FEF et d’Infor Jeunes Bruxelles ont du travail. Ils s’attendent en effet à ce que le nombre de recours augmente encore ces prochains jours.

Gr.I. avec Belga – Photo : illustration Belga/Siska Gremmelprez