Fonds d’urgence pour la culture : des aides pour les uns, des déceptions pour les lieux non-subsidiés
Seuls les lieux cultures déjà reconnus et déjà subsidiés par la Fédération Wallonie-Bruxelles bénéficieront du fonds d’urgence “Covid”, au grand dam de certains théâtres, qui subissent pourtant des pertes suite à la crise du Covid-19.
Le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles a donné son aval ce jeudi à la répartition du fonds d’urgence “Covid” à destination des opérateurs culturels. 8 439 225,90 euros pour compenser l‘annulation des activités ou la fermeture des lieux pour la période qui s’étale du 14 mars ou 3 mai 2020. “Les montants alloués à chaque opérateur sont proportionnels à leur perte de recettes”, explique Nicolas Parent, porte-parole de Bénédicte Linard (Ecolo), ministre de la Culture en Fédération Wallonie-Bruxelles. “Par ailleurs, la portée de ce fonds a été élargi à la période s’étalant du 4 mai au 5 juillet, et les moyens ont été doublés”. Ceux qui ont bénéficié d’un premier coup de pouce peuvent réintroduire un dossier pour cette deuxième phase.
Une bonne surprise pour certains…
Le Théâtre Royal des Galeries a vu deux de ses spectacles tombés à l’eau à cause du confinement. Une lourde perte quand on sait que le budget annuel du théâtre repose à 78% sur la billetterie. Le subside “Covid” de 150 000 euros tombe à point nommé. “La Fédération a vraiment tenu compte de l’impact de la perte des recettes”, se réjouit David Michels, directeur du Théâtre des Galeries. “Cela va nous permettre de payer notamment les salaires des comédiens et des techniciens engagés sur les deux spectacles annulés”, ajoute Fabrice Gardin, attaché de presse. L’équipe a aussi été touchée par la solidarité du public. “De nombreux abonnés ont refusé d’être remboursés pour les deux spectacles annulés en cette fin de saison”, explique Fabrice Gardin. “Pour la rentrée, nous relançons un abonnement de 6 spectacles, avec une réduction de 12 euros pour ceux qui ont perdu les 2 représentations. Mais la plupart de gens veulent payer le prix plein pour nous soutenir. Certains rajoutent même un petit don. Ça fait chaud au cœur”, s’émeut David Michels. Le théâtre va remettre un nouveau dossier pour la deuxième phase de subsides “Covid”.
Du côté de l’Espace Catastrophe, Centre International de Création des Arts du Cirque, Benoît Litt, directeur administratif, parle “d’une bonne surprise, une surprise positive”. Catastrophe se voit alloué un peu plus de 108 000 euros. “Cela représente l’ensemble des frais que nous avons listés après l’annulation de notre Festival Up à la mi-mars. Cela va nous permettre de rebondir et de consolider ce que nous sommes en train de mettre en place pour soutenir les artistes”. L’Espace Catastrophe travaille en effet, et c’est une première, sur une saison complète de programmation de la mi-octobre à la mi-mai. “Il y a une chouette énergie collaborative avec nos partenaires pour reprogrammer un maximum de spectacles du Festival Up”, ajoute Benoît Litt. L’Espace Catastrophe n’introduira pas de nouveau dossier pour la deuxième phase de subsides “Covid”. “Nous sommes déjà très heureux avec ce que nous avons reçu. Nous voulons permettre à d’autres d’en profiter également”.
… la désillusion pour d’autres
Pour Samuel Bernard, à la tête de L’Os à Moelle, la pilule est dure à avaler. Le cabaret schaerbeekois qui devait bientôt fêter ses 60 ans ne reçoit rien. “Ce n’est même pas une question d’argent, c’est une question de reconnaissance”, nous dit-il. Le cabaret avait introduit un dossier chiffrant uniquement les pertes des programmations “100% Os à Moelle”. Des pertes estimées à 5000 euros. Il ne les obtiendra pas pour l’unique raison que l’opérateur n’est pas subsidié en temps normal par la Fédération. “Nous aidons uniquement ceux qui sont déjà reconnus, subsidiés par la Fédération Wallonie-Bruxelles. La Fédération a les moyens dont elle dispose”, explique Nicolas Parent, porte-parole de la ministre Bénédicte Linard. Samuel Bernard parle, lui, d’un manque de considération mais il ne baisse pas les bras pour autant. “Nous allons rouvrir cet été avec de petits spectacles, des humoristes… en phase test et voir comment on s’en sort.” La Fédération Wallonie-Bruxelles annonce la possibilité pour les petites salles de rouvrir à partir du 1er juillet avec un public masqué. “Ce n’est pas dans l’esprit de l’Os à Moelle”, explique Samuel Bernard. “Nous rouvrirons en juillet et en août avec une quarantaine de places, au lieu de 100, en respectant la distanciation sociale entre les tables”. L’anniversaire des 60 ans, lui, est reporté à l’année prochaine. “Nous fêterons nos 60 + 1“, s’amuse Samuel Bernard.
Le Théâtre CreaNova, à Saint-Gilles, se trouve dans le même cas de figure que l’Os à Moelle. Cette compagnie qui vit de tournées et des spectacles qu’elle accueille dans sa petite salle rue de la Victoire, traverse une période difficile. Non subsidié par la Fédération, le CreaNova voit son dossier refusé. “Avec les festivals annulés, les pertes de billetterie, nos pertes sont évaluées à plus de 70 000 euros et nos charges fixes, elles, continuent à tomber. Nous sommes en train de négocier avec le propriétaire”, explique Carole Ventura du Théâtre CreaNova. “Nous restons dans l’action pour trouver des solutions et nous travaillons déjà sur la saison 2022”.
Valérie Leclercq – Photo : Belga/Benoît Doppagne