La taxe kilométrique bruxelloise cale sur la ligne de départ
Il s’agit certainement de la première mesure de l’accord de politique générale du gouvernement bruxellois qui ne verra pas le jour. La taxe kilométrique dite intelligente, faisait pourtant partie des mesures fortes proposées par les écologistes francophones et néerlandophones. Cependant, il semble très complexe de la mettre en place sans un consensus avec la Wallonie et la Flandre. Or, aucun des deux nouveaux exécutifs régionaux n’a inscrit cette mesure dans son accord.
Dès le départ, la proposition de la taxe kilométrique bruxelloise a fait couler beaucoup d’encre. En août, la nouvelle ministre de la Mobilité, Elke Van Den Brandt (Groen), annonçait que la taxe devrait être mise en place sans attendre les autres Régions. Cette première déclaration n’est pas passée inaperçue et a déjà braqué une partie du gouvernement bruxellois. On a alors passé la marche arrière. “On discutera avec les exécutifs régionaux lorsqu’ils seront formés”, corrige la ministre.
Alors qu’Ecolo est aussi au pouvoir en Wallonie, les verts n’inscrivent pas la taxation kilométrique intelligente. Pour le co-président d’Ecolo, Jean-Marc Nollet, elle n’est pas la réponse adéquate aux problèmes de mobilité en Wallonie. Les Bruxellois sont surpris mais ne désespèrent pas de le faire changer d’avis.
En Flandre, sans surprise cette fois, aucune trace d’une taxation de ce type dans l’accord de gouvernement. Au contraire, la Flandre poursuit son idée d’élargissement du ring de la capitale qui se trouve sur son territoire. On ne peut pas dire que tout le monde regarde ensemble dans la même direction.
“Il y a urgence à Bruxelles pour la congestion et la qualité de l’air. Cela a un impact très important, à la fois sur la santé publique des Bruxellois et l’économie de notre pays. Les embouteillages coûtent 8 milliards par an. Nous avons attendu pour avoir des interlocuteurs dans les deux autres Régions et nous sommes heureux de pouvoir maintenant discuter. Si la Flandre et la Wallonie ne veulent pas la taxe kilométrique, je suis impatiente d’entendre leurs solutions parce que les navetteurs flamands et bruxellois souffrent aussi de perdre beaucoup de temps dans le trafic.”
Evidemment, l’élargissement du ring ne semble pas être une des solutions audibles pour la ministre bruxelloise. “Plus de goudron, c’est plus de bouchons ! L’élargissement du ring n’est pas une solution car il apporterait certainement plus de trafic et de pollution à notre ville. Notre responsabilité est d’offrir aux navetteurs qui sont coincés dans les bouchons du ring une alternative crédible à la voiture personnelle. Pour avoir une ville fluide, je veux discuter avec la Flandre pour faire en sorte que les deux milliards de budget prévu pour le ring soit investi intelligemment, surtout dans des alternatives.”
Isoler Bruxelles
Pour Elke Van Den Brandt, il faut étudier la possibilité de mettre en place coûte que coûte la taxe kilométrique. Le principe semble déjà fixé. Au lieu de payer annuellement, le propriétaire d’une voiture immatriculée à Bruxelles payerait en fonction de son utilisation: nombre de kilomètres parcourus, heures d’utilisation, alternatives possibles. Par contre, pour le montant, impossible de le dire actuellement. Des études devront être menées afin de chiffrer les recettes et les dépenses. “Le but n’est pas que le Bruxellois paie plus qu’avant mais bien de lui faire comprendre qu’il doit se déplacer autrement lorsque c’est possible”, précise la ministre.
Cependant, Bruxelles n’est pas une île et une concurrence existe entre les Régions. Cette taxation pourrait concerner des personnes vivant en Wallonie ou en Flandre puisque c’est le lieu d’immatriculation de la voiture qui compte. Une société de leasing située à Bruxelles qui propose des voitures de fonction, serait soumise à ce nouveau principe et elle pourrait être tentée de déménager en Flandre ou en Wallonie pour ne pas avoir cette contrainte.
Au gouvernement bruxellois, on est conscient de cette réalité. Si on sent qu’Elke Van Den Brandt ne souhaite pas perdre la face, on se dit aussi que les discussions avec les autres ministres bruxellois vont être tendues. Quant à celles avec la Flandre, elle risque même de ne jamais exister, tout comme la communauté métropolitaine, cet organe qui devait permettre une concertation entre les Régions et qui n’a jamais été mise en place. Pourtant, elle serait l’instance parfaite pour ce genre de dossier. A condition bien sûr que tout le monde veuille bien parcourir un bout de chemin. Sinon, tout le monde risque de rester au point mort.
Vanessa Lhuillier – Photo: BX1