Coronalert, l’application mise de côté dans la stratégie de tracing

En septembre 2020, l’application de tracing Coronalert était lancée en grande pompe sur les plateformes de téléchargement. Près d’un an et demi plus tard, force est de constater que c’est un échec. Jamais l’application n’a réussi à se faire une place dans la stratégie de tracing de la Belgique.

Pendant des mois, le mantra du gouvernement belge comme un peu partout en Europe fût “tester, tracer, isoler”. Mais aujourd’hui, on ne teste plus et on ne trace plus les contacts à haut risque. On ne les isole plus non plus, mais les gestes de protection doivent être effectués scrupuleusement. Si on ne teste plus ni ne trace, c’est en partie parce que le système mis en place n’arrive plus à suivre.

Covid-19 : voici les règles de test et de quarantaine en vigueur à Bruxelles depuis ce 10 janvier

À Bruxelles, on dépasse les 9 000 tests quotidiens qui devaient être le maximum. Et côté tracing, en Flandre et en Wallonie, les call centers ne suivent plus depuis plusieurs semaines déjà.

Dans la capitale, la pression est maximale. Les gouvernements ont essayé de mettre en place le référencement par le citoyen de ses contacts à haut risque, mais peu de personnes se servent du système. Et lorsqu’une personne positive au covid est contactée, elle ne donne en moyenne que 2,6 personnes. Nous sommes certainement loin de la vérité.

Coronalert aurait pu aider

L’application Coronalert avait été développée dans le but de recenser de manière anonyme les contacts à haut risque. Pour rappel, l’application utilise la technologie Bluetooth. Elle enregistre pendant 14 jours, les signaux des téléphones que vous avez croisés à moins de 1,5 mètre pendant au moins 15 minutes. Si vous êtes positif et que le résultat de votre test est encodé dans l’application, les personnes que vous avez croisées dans un tram ou une file par exemple, seront prévenues, mais sans savoir que vous êtes le malade.

Coronalert, l’application beaucoup téléchargée mais peu utilisée

En mai 2021, l’application a connu une importante mise à jour. À présent, il est possible de charger son certificat de vaccination ou d’autres documents comme le Passenger Locator Form (PLF), un certificat de quarantaine ou de rétablissement. Les personnes peuvent aussi directement demander un test PCR et recevoir leur code ou encoder elles-mêmes le résultat. Elles doivent tout de même téléphoner à un call center pour avoir un numéro à 12 chiffres pour bien prouver leur identité. La manipulation n’est donc pas si simple, mais garantit la protection de la vie privée.

6% de tests encodés

Cette mise à jour devait faire de Coronalert une application performante pour le déconfinement. Seulement, force est de constater que l’application ne rencontre pas son public. Selon son concepteur, Axel Legay, environ 3,5 millions de Belges ont téléchargé Coronalert mais difficile de savoir combien l’utilisent encore réellement. À la date du 21 mars 2021, 577 000 tests y ont été encodés. Neuf mois plus tard, nous en sommes à 1,5 million de tests rentrés dans l’application.

Or, sur la même période, 24,5 millions de tests ont été réalisés en Belgique. Coronalert ne représente donc que 6,1% des tests réalisés en Belgique depuis octobre 2020. Si on prend la période entre le 21 mars 2021 et aujourd’hui, les tests encodés dans Coronalert représentent 5,8% des tests faits dans le pays. Cela signifie que les citoyens n’utilisent pas plus l’application aujourd’hui qu’avant la mise à jour.

Sur le 1,5 million de tests encodés, 168 000 cas étaient positifs et 37% des utilisateurs ont donné leur autorisation pour l’authentification de contacts. C’est une des complexités de l’application : pour que les personnes croisées soient averties, il faut donner manuellement l’autorisation. “Nous respectons parfaitement la protection des données“,complète Axel Legay. “Cependant, je pense que nous avons manqué de pédagogie envers le public. Certaines personnes ont téléchargé l’application parce qu’elles aimaient bien ma tête. D’autres ne l’ont pas fait, car elles préféraient la juriste de la Ligue des Droits humains, mais très peu l’ont fait parce qu’elles comprenaient l’utilité du tracing. Nous avons aussi été victimes des réseaux sociaux. Les commentaires négatifs y étaient nombreux et personne n’a pris le temps de faire de la pédagogie.”

Pas de communication

En mai 2021, une campagne de communication aurait dû être lancée pour promouvoir la nouvelle version de l’application. “Elle n’a jamais eu lieu”, reconnaît un peu amer Axel Legay. “Les ministres n’ont jamais mis Coronalert en avant comme Emmanuel Macron l’a fait en France avec Tous anticovid. Je n’ai jamais eu d’appel du ministre de la Santé, Frank Vandenbroucke pour me demander des explications.”

Contactée, la porte-parole de Frank Vandenbroucke affirme que Coronalert fonctionne. “Beaucoup de gens l’utilisent et nous n’avons pas prévu de faire de nouvelle campagne de communication dessus. Nous en parlons régulièrement et elle est bien ancrée.” À la vue des chiffres, il est possible d’en douter et d’ailleurs, la porte-parole ne souhaite pas les commenter.

“S’il y a une leçon que nous devons retenir de cette crise par rapport à l’application Coronalert, c’est qu’il faut éduquer la population au numérique“, conclut Axel Legay, spécialiste du risque et de la sécurité et professeur à l’UCLouvain. “Nous avons loupé une amélioration de la digitalisation. Le numérique doit s’apprendre dès le primaire. L’informatique ne peut être une matière obscure qui fait peur.”

Vanessa Lhuillier – Photo: Belga/Nicolas Maeterlinck

 

Partager l'article

11 janvier 2022 - 15h00
Modifié le 11 janvier 2022 - 16h42