Procès des attentats de Bruxelles : de nouveaux blocages, mais le chapitre Maelbeek a pu être ouvert
L’audience de ce jeudi devait concerner l’enquête sur l’attentat de Maelbeek, elle a à nouveau été consacrée en grande partie aux fouilles corporelles des accusés détenus.
Pour la troisième journée consécutive, le procès des attentats du 22 mars 2016 a été monopolisé par les questions autour des fouilles à nu avec génuflexion qui sont imposées aux accusés avant leur transfert de la prison jusqu’au bâtiment Justitia, où est exceptionnellement installée la cour d’assises. En effet, les avocats de la défense ont demandé que ces fouilles soient justifiées et non plus systématiques, comme le réclame une directive ministérielle de Vincent Van Quickenborne, datée du 2 janvier dernier.
Ce mercredi, le commissaire général de la police fédérale Marc De Mesmaeker a promis de fournir les documents individualisés motivant les fouilles à nu avec génuflexion. Ces documents ont été fournis jeudi matin et donnent des informations précises sur les faits et propos de l’ensemble des accusés.
► Voir aussi | Retour sur l’audience de mercredi, marquée par de nouveaux débats autour des conditions de transfert (vidéo)
Ce jeudi matin, la présidente de la cour d’assises Laurence Massart a confirmé la réception de ces documents pour sept des sept accusés (les documents concernant Osama Krayem sont manquants). Avant de déclarer que ceux-ci sont en néerlandais, alors qu’ils doivent normalement être en français pour la bonne tenue du procès. Elle a donc demandé à une interprète de venir traduire ces documents pour qu’ils soient ensuite versés au dossier. L’audience du jour a donc été consacrée à la lecture de ces images de risques effectuées par la police. Rapidement, certains avocats de la défense ont affirmé à la cour que des “erreurs factuelles” ou des “justifications stéréotypées” se trouvaient dans ces analyses de risques.
Par ailleurs, des documents justificatifs ont été transmis pour les audiences des 4 et 5 janvier, mais pas pour le 3, pourtant “promis sous serment” devant la cour d’assises par le commissaire général de la police fédérale mercredi, a regretté Me Paci, conseil de Salah Abdeslam.
En fin d’après-midi, les premières vidéos de l’explosion à Maelbeek ont finalement été diffusées devant la cour.
Dans le box des accusés, seul Bilal El Makhoukhi était présent ce jeudi.
Revivez le direct de cette journée ci-dessous :
10h05 – Mohamed Abrini et Ali El Haddad Asufi ne sont plus représentés
Après la lecture des images de risques concernant Mohamed Abrini, les avocats de Mohamed Abrini et d’Ali El Haddad Asufi ont annoncé qu’ils n’ont plus de mandat de leur client. Or, ces deux accusés doivent être représentés s’ils sont absents. En attendant, l’audience est suspendue alors que la présidente de cour d’assises va prendre contact avec la bâtonnière.
11h13 – Les avocats désormais commis d’office
La présidente de la cour d’assises de Bruxelles a rendu, en fin de matinée, deux arrêts déclarant que les avocats de deux accusés qui étaient sans mandat sont désormais commis d’office à la défense de leurs clients. Me Jonathan De Taye, ancien conseil d’Ali El Haddad Asufi, est ainsi commis d’office à la défense de ce dernier. Et Me Stanislas Eskenazi, ancien conseil de Mohamed Abrini, est désormais commis d’office à la défense de celui-ci. Le procès peut donc se poursuivre.
13h17 – Des incidents lors de précédents transferts
Les interprètes se sont succédé pour traduire du néerlandais vers la langue de la procédure, le français, les analyses de risques fournies par la police aux avocats de la défense. Outre les condamnations antérieures des accusés, les risques d’évasion, leur radicalisme et pour la plupart leur agressivité et absence de respect pour la vie humaine, les cinq premiers rapports, des accusés Abrini, Krayem, Abdeslam, Ayari et El Haddad Asufi, font état de certains incidents antérieurs.
Le 7 décembre, lors du transfert depuis la prison de Haren, Mohamed Abrini se serait adressé, en arabe, à deux co-accusés (Krayem et Abdeslam), leur disant qu’il voulait “causer des problèmes”. Ces derniers lui auraient répondu que ce n’était pas “le bon moment” et qu’il devait “attendre la fin de la lecture de l’acte d’accusation”, qu’ils agiraient alors simultanément. Le même jour, Abrini aurait parlé de cacher un couteau, et lancé en sortant du box des accusés que “ce n’est pas comme ça qu’on traite les serviteurs d’Allah”.
Le lendemain, des incidents ont été notés avec Salah Abdeslam et Ali El Haddad Asufi lors des fouilles. C’est ce jour-là que le deuxième avait affirmé avoir subi des violences policières, dont notamment un étranglement. Selon le rapport d’analyse de risques de la police, l’accusé, a d’abord refusé d’entrer dans le local de fouilles, en se tenant à la porte et a simulé une asphyxie. Il se serait ensuite laissé tomber au sol à plusieurs reprises, jusque dans le fourgon de police.
La lecture des analyses de risques pour les accusés détenus Bilal El Makhouki, seul accusé présent dans le box ce jeudi, et Hervé Bayingana Muhirwa, doit reprendre à 14h00.
13h43 – Une victime se dit “rassurée” par l’efficacité de la police
L’une des victimes des attentats, Philippe Vandenberghe, a réagi positivement après avoir entendu les justificatifs des fouilles des accusés, rédigés par la police. “Vu la dangerosité des personnes et vu l’actualité qui a été faite de la police, qui rappelle qu’en effet des choses inquiétantes étaient en préparation, nous sommes rassurés par l’efficacité de la police”, a déclaré Philippe Vandenberghe. “Cela prend du temps pour avoir les justifications des mesures prises [étant donné la traduction], et les explications de la nouvelle directive, mais c’est très éclairant sur les choses qui se sont passées récemment”, a-t-il ajouté.
14h15 – L’avocat d’Ali El Haddad Asufi dénonce “des contre-vérités”
L’avocat de l’accusé Ali El Haddad Asufi, Me Jonathan De Taye, a contesté le contenu du justificatif de la fouille à nu de son client : “Ce qu’il y a dans ces rapports c’est un tissu de contre-vérités”, a commenté le pénaliste. “Ils prennent même l’agression de mon client comme justificatif de la fouille”, a-t-il dit. Me De Taye a rappelé qu’il avait déposé plainte au parquet de Bruxelles pour ce fait. “J’en suis à cinq rappels au parquet, qui ne bouge pas”, a-t-il déclaré. De plus, pour l’avocat d’El Haddad Asufi, ces justificatifs contiennent “des fichages qui sont en fait des fichages unilatéraux de la police et ne correspondent à aucune réalité”.
15h44 – L’analyse de risques de l’accusé Hervé Bayingana Muhirwa laisse perplexe
Selon l’analyse de risques de mercredi, ayant été lue par erreur à la place de celle de jeudi, Hervé Bayingana Muhirwa est connu pour utilisation d’armes, être radicalisé, rebelle et violent. Selon le document, c’est un récidiviste et il représente un danger élevé d’évasion. Un portrait loin des faits, selon sa défense. “De qui se moque-t-on de dire qu’il est récidiviste? C’est faux. (…) Mon client n’a jamais été condamné“, a réagi Me Lurquin. “Relisez l’acte d’accusation, c’est n’importe quoi.”
Le conseil de Salah Abdeslam, Me Paci, a également affirmé à la cour que des “erreurs factuelles” se trouvaient dans l’analyse de risques de son client, le document de la police affirmant notamment qu’il s’était rendu en Syrie.
16h15 – Les premières vidéos de l’explosion à Maelbeek diffusées devant la cour
La cour d’assises de Bruxelles a débuté, jeudi après-midi vers 16h15, l’audition du commissaire divisionnaire Koen Van Overtveldt, qui était directeur du SPC (la Police des Chemins de fer) de Bruxelles au moment des attentats du 22 mars 2016. Celui-ci a montré et commenté les vidéos dévoilant l’explosion dans la station de métro Maelbeek.
À 09h10 et 29 secondes, une explosion s’est produite dans la deuxième voiture d’une rame de métro qui quittait la station Maelbeek. La rame venait de la station Schuman et se dirigeait vers celle d’Arts-Loi. Sur base des images de caméras de vidéo-surveillance de la Stib, l’auteur est vu descendant de la troisième voiture à Maelbeek, pour monter immédiatement ensuite dans la deuxième. Quelques secondes plus tard, il a déclenché sa charge explosive alors que la rame re-démarrait.
Des images de caméras à l’intérieur de la troisième voiture montrent les occupants propulsés après la déflagration puis fuir par une fenêtre brisée de la rame. “Les juges d’instruction ont été impressionnés par la sérénité des gens. Il n’y a pas eu de bousculades“, a commenté le commissaire.
D’autres images filmées dans la station montrent une lumière aveuglante suivie d’un filtre de poussière gris, puis laissant apparaître des personnes fuyant les lieux en courant. Quant aux images à l’intérieur de la deuxième voiture, elles n’ont pas pu être récupérées.
18h00 – Les premiers soins aux victimes ont été la priorité du SPC de la Police fédérale
Le commissaire divisionnaire Koen Van Overtveldt a poursuivi son exposé devant la cour d’assises de Bruxelles, jeudi en fin d’après-midi, en présentant les missions de son équipe après l’attentat dans la station de métro Maelbeek.
“De nombreuses victimes brûlées ont été arrosées avec des bouteilles d’eau. La plupart d’entre elles étaient sous le choc. On crie, on pleure, on demande ses proches…“, a relaté le commissaire, précisant qu’un poste médical avancé a été installé à l’hôtel Thon, rue de la Loi, et un second, pour les blessés graves, chaussée d’Etterbeek. “Les victimes ont été identifiées sur base de documents ou de leurs propres dires. Elles ont ensuite été évacuées via les ambulances, escortées par des motards”
Le SPC a ensuite procédé à la fouille de la station, en recherchant tout d’abord les personnes encore vivantes. “Les victimes décédées ont été laissées sur place pour permettre les constatations judiciaires ultérieures“, a expliqué le commissaire. Le Service d’Enlèvement d’Engins Explosifs (SEDEE) a également effectué un “sweeping” de la station, à la recherche d’un éventuel colis dangereux qui serait encore sur place.
Enfin, le SPC a dressé les périmètres nécessaires: un périmètre d’exclusion judiciaire à l’entrée de la station, un périmètre un peu plus large dit “d’isolation judiciaire” à l’intérieur duquel les services de secours ont pu continuer à travailler, et un périmètre de dissuasion pour tenir à l’écart la population.
Le SPC a encore travaillé à la réouverture des gares, jusqu’à 23h00 le 22 mars, lesquelles avaient toutes été fermées immédiatement après les attentats. “On a eu le devoir de rouvrir un accès par grande gare et de fouiller tous les navetteurs qui y entraient“, a expliqué Koen Van Overtveldt.
“On n’avait jamais été confrontés à ce niveau de dégâts et de souffrances humaines“, a-t-il terminé. “Chacun ne va jamais oublier ces images. Elles auront un impact sur le reste de notre vie“.
Gr.I. avec Belga – Photo de couverture : Belga/Jonathan De Cesare