Attentats de Bruxelles : Orphée Vanden Bussche, 1ère victime de Maelbeek entendue, confie ne pas réaliser être en vie

Orphée Vanden Bussche a survécu aux attentats du 22 mars 2016.

Son témoignage était attendu. Orphée Vanden Bussche est en effet la première victime de l’attentat de Maelbeek que la cour entendait depuis le début du procès.

La coiffeuse âgée aujourd’hui de 40 ans a raconté, ce mardi, son témoignage de l’horreur. Elle était présente dans la deuxième voiture de la rame de métro lorsque le kamikaze a actionné sa bombe. “Je ne suis pas entrée dans le premier wagon, car il y avait beaucoup de monde. Je suis entrée dans le suivant”, a raconté la victime. “J’entends une dame âgée qui crie: ‘ça a explosé à Zaventem’ et un homme demander à regarder sur son GSM. Je préférais rester debout comme j’avais mon café chaud en main. Une dame me propose de m’asseoir, mais je lui laisse ma place, lui disant que je descends bientôt, puis c’est le trou noir”, a-t-elle raconté.

La victime reprend ses esprits dehors alors qu’elle est assise rue de la Loi. “Un monsieur m’avait trouvée dans le métro en train d’errer par terre dans le wagon, pas loin du kamikaze. On m’a marché dessus, à ce qu’il parait. Il y avait une plaque en métal sur moi. Je n’ai pas de souvenir de ça”, explique-t-elle. Depuis lors, Orphée Vanden Bussche, survit. Devant la Cour, elle a aussi expliqué les différentes étapes de son traumatisme. Avec une question centrale : pourquoi a-t-elle survécu ? “Pourquoi moi je suis en vie? Pourquoi la mère de famille qui avait trois enfants n’est plus là et moi je suis là?“, a-t-elle exprimé.

Depuis près d’une semaine, on avait avant tout écouté les témoignages de victimes de l’attentat à l’aéroport de Bruxelles-National à Zaventem.


16h – “Je me sentais coupable de la chance que j’ai eue”

Après ce premier témoignage, c’est une autre victime qui s’est exprimée à propos des attentats. Valérie Vervoort a échappé au pire à l’aéroport de Zaventem alors qu’elle était présente avec son fils de 5 mois contre son torse. Elle devait prendre un vol pour New-York et se trouvait au comptoir d’enregistrement lorsque les bombes ont retenti. “J’ai entendu la première explosion. Je me suis baissée derrière l’appareil où on met les bagages. J’ai pensé au Bataclan et je m’attendais à des tirs. Quelques secondes plus tard, il y a eu la deuxième explosion. J’ai vu la boule de feu, j’ai senti la chaleur…”, a-t-elle expliqué.

Après coup, elle avoue avoir connu des symptômes post-traumatiques. “Je me sentais coupable de la chance que j’ai eue”, a-t-elle avoué. Elle a également poursuivi en expliquant que la guerre en Ukraine avait ravivé de mauvais souvenirs. “Je me suis rendue compte qu’il y avait quelque-chose en moi que je n’avais pas assimilé. J’évite certaines dates pour prendre des vols, je fais des cauchemars la veille d’un départ et j’ai peur de partir en laissant mes enfants seuls. J’ai toujours la peur d’être au mauvais endroit au mauvais moment.”

Aujourd’hui, son enfant, qui n’a pas pu participer à l’audience, est âgé de 7 ans. “Je remercie mon fils. C’est son histoire aussi. C’est surtout grâce à lui que ma cicatrice est relativement petite. Il est mon ange gardien, ma lueur d’espoir, ma raison de vivre”, a-t-elle exprimé.


17h03 – “J’ai dû faire le deuil de ma famille d’avant”

Une jeune femme de 26 ans a témoigné, mardi en fin d’après-midi, devant la cour d’assises de Bruxelles, au procès des attentats du 22 mars 2016, du traumatisme qu’a vécu sa sœur aînée, Claire. Cette dernière se trouvait à l’aéroport de Bruxelles-National à Zaventem, revenant de Berlin, lorsque le plafond s’est effondré sur elle. À l’étage du dessus, dans le hall des départs, deux kamikazes venaient d’actionner leur bombe.

Ma sœur était au niveau des arrivées. Elle était couverte de débris mais n’a pas été blessée. Néanmoins, elle souffre d’un choc post-traumatique très sévère“, a relaté la témoin. “Moi, j’étais au Tennessee. Je ne l’ai retrouvée que début juin 2016. Je sais qu’elle est très seule. Elle essaie de nous préserver, mais elle souffre seule. Elle vit tous les jours en alerte, dans une extrême vigilance. J’aimerais porter un peu du fardeau de ma grande sœur. Certains professionnels disent que ses troubles datent d’avant l’attentat, ils ne font que semblant de comprendre“, a-t-elle dit. “J’ai grandi dans une famille formidable, mais j’ai dû faire le deuil de ma famille d’avant“, a-t-elle poursuivi, expliquant que le traumatisme vécu par sa sœur a des répercussions sur elle-même et sur ses parents. La jeune femme a néanmoins assuré, photos d’une famille solidaire à l’appui, que cette épreuve les avait “soudés plus que jamais“. Elle a terminé son témoignage en saluant l’entraide entre les survivants des attentats ainsi que le soutien de l’association Life4Brussels.


17h37 – “Jamais, au grand jamais, je ne leur pardonnerai !”

Jamais, au grand jamais, je ne leur pardonnerai!“, a asséné mardi après-midi une victime collatérale des attentats à Zaventem du 22 mars 2016 devant la cour d’assises chargée de juger ces attaques. Témoignant aux côtés de son mari Youssef Solhi, Corinne Rousseau a évoqué l’impact sur la personnalité et la santé de l’homme qu’ont eu les deux explosions de l’aéroport.

Le jour des faits, le quinquagénaire, entraîneur d’une équipe de jeunes du club de foot de l’AS Eupen, s’apprêtait à prendre l’avion avec vingt jeunes de 15 ans pour Barcelone afin d’y disputer un tournoi international durant une semaine. Youssef Solhi avait fixé rendez-vous aux adolescents à 8h00 dans le hall des départs. Après avoir entendu la première explosion, alors qu’il se trouvait, seul, devant le tableau d’affichage du hall des départs, l’homme se réfugie à l’extérieur du terminal, d’où il assiste à la deuxième détonation. Il commence alors à venir en aide aux blessés avant de s’inquiéter du sort des jeunes dont il avait la charge. Après quelques dizaines de minutes, il finit par avoir des nouvelles de l’ensemble des jeunes. Le groupe prendra finalement la route de Barcelone le soir-même, en car, afin de disputer le tournoi malgré les difficiles circonstances et afin que le traumatisme ne s’installe pas trop parmi les jeunes.

Corinne Rousseau ne se trouvait pas aux côtés de son mari le 22 mars 2016. Lorsque Youssef Solhi l’appelle, il est paniqué au téléphone. “Je ne l’ai jamais entendu comme ça“, se souvient-elle. “Le ciel m’était tombé sur la tête.” Elle retrouvera son compagnon quelques heures plus tard, à leur domicile, les vêtements pleins de sang. Au retour de Barcelone, le couple a énormément discuté des attentats. L’entraineur a commencé à faire des cauchemars et à développer des problèmes de santé alors qu’il n’avait jamais eu le moindre souci avant ça et ne prenait jamais de médicaments, a relevé sa compagne.

Son caractère a également changé. “Il est devenu très soupe au lait, très agressif, avec tout le monde. Mais ça ne dure pas. Ça monte, ça descend“, décrit sa femme. “Il peut être joyeux et très aimable pendant des heures puis, subitement, en une fraction de seconde, il y a un changement dans son comportement.” En 2017, on finit par diagnostiquer un cancer du sang chez le quinquagénaire. “C’est notre bataille au quotidien. La seule chose à faire est de stabiliser la situation”, confie à ce sujet Corinne Rousseau.  Le couple est formel: l’élément déclencheur de ce cancer est bien l’attaque dont Youssef Solhi a été victime. Avant la maladie, l’homme se demandait toujours pourquoi les autres étaient morts et pas lui. Il était habité par un profond sentiment de culpabilité, se remémore encore sa compagne. Lorsqu’il était en congé de maladie, il se demandait tout le temps quelle était encore son espérance de vie.

Mais on doit continuer à avancer“, a conclu l’ancien entraîneur de jeunes, dont la santé ne lui permet plus d’occuper cette fonction. “On est tous touchés à l’intérieur. On n’est pas préparés à ça. C’est difficile de voir ça, c’est difficile de comprendre qu’un humain puisse faire ça.

 

Belga

■ Reportage de Camille Tang Quynh et Charles Carpreau, avec Corinne De Beul