Rentrer du Maroc, un parcours impossible pour les binationaux

On estime à environ 30.000 le nombre de Belges coincés à l’étranger actuellement. Le Ministère des Affaires étrangères fait tout son possible rapatrier ses ressortissants mais la situation évolue très rapidement et tous n’ont pas les mêmes possibilités. Pour les Belgo-marocains se trouvant actuellement au Maroc, la situation est plus complexe.

“Mon père a 78 ans et ma mère 69 ans. Ils étaient partis avant le confinement voir mon oncle atteint d’un grave cancer. Ils ne devaient rester que quelques jours mais depuis, le Maroc a fermé ses frontières. Ils ne peuvent pas rentrer en Belgique et mon père, cardiaque, n’a plus assez de médicaments. On ne nous aide pas.”

Des témoignages comme celui de Nora affluent. Cette Bruxelloise s’inquiète pour ses parents qui ont la double nationalité. “Mes parents sont dans le nord du Maroc, à Nador. Leur vol a été annulé alors je les ai inscrits sur le site des affaires étrangères belges. On leur dit qu’ils peuvent se rendre à Agadir ou Marrakech pour avoir un avion mais on ne leur garantit pas une place. Il y a 1.000km entre Nador et Agadir. Je ne peux pas les mettre dans un taxi et quand on voit le prix des billets d’avion, c’est fou.”

Certains on vu des billets Fès-Bruxelles à plus de 1.300 euros. D’autres racontent que les derniers tickets pour l’Europe ont été vendus directement à l’aéroport en liquide au plus offrant. “La situation est folle là-bas, explique  Lamia dont les parents et le frère sont bloqués sur place. Il y a quatre billets et le Ministère des affaires étrangères envoient un sms à 400 personnes. Mes parents sont âgés et malades et comme beaucoup de retraités, ils vont l’hiver dans leur maison marocaine. Mais que va-t-il leur arriver s’ils tombent malades ou s’ils sont à cours de médicaments?”

Certains Belgo-marocains pensent que la Belgique les abandonne, préférant rapatrier en premier des touristes venus à l’hôtel à Marrakech que des personnes âgées.

Des consignes venant du Maroc

Pour la Belgique, il n’est pas question d’abandonner ses ressortissants à l’étranger mais les personnes disposant d’une résidence ou de famille sur place sont considérées comme étant moins dans des situations d’urgence que des touristes ou travailleurs en voyage. La situation avance tellement rapidement que les rapatriements sont très complexes.

De plus, le Maroc a décidé de ne plus laisser sortir un seul de ses ressortissants de son territoire. Or, pour l’administration marocaine, un Belgo-marocain est avant tout marocain.  Du coup, il est très difficile pour les personnes sur place de revenir en Belgique même si leur résidence principal est ici. Nous avons tenté de joindre l’ambassade du Maroc à Bruxelles mais personne ne peut confirmer l’information qui circule pourtant parmi tous les Belgo-marocains. “A l’ambassade de Belgique, ici à Tanger, on nous dit qu’on ne peut pas rentrer car on est Marocain. C’est comme si on était apatride”, rapporte Mounir, coincé à Tanger.

Une situation très différente selon les personnes

Évidemment, du côté du ministre des Affaires étrangères, Philippe Goffin (MR), on est embarrassé par la situation mais on y travaille. La solidarité s’organise également. Ainsi, Gauthier Jansen, comédien et voyageur au Maroc, a créé la page Facebook, Belges corona-coincés. Son but : mettre en relation les Belges coincés partout dans le monde et leur donner des informations sur les possibilités de retour.

“Par chance, j’ai pu prendre le dernier vol Agadir-Bruxelles le 19 mars avec une reconnaissance de dette de 200 euros envers l’État belge. Depuis, je suis en contact avec le secrétaire de Philippe Goffin et je tente de relayer les informations. Je sais que la situation est très particulière pour les ressortissants marocains. Aujourd’hui, on conseille de ne pas se rendre à l’aéroport sans billet pour éviter la propagation du virus.”

Sur sa page Facebook ainsi que sur celle de la diplomatie belge, les conseils sont les mêmes. Il faut s’inscrire sur le site travellersonline.diplomatie.be et donner son numéro de GSM afin d’être contacté si un vol est affrété. “Si nous sommes assez nombreux, nous pouvons aussi faire pression sur les ministères et les compagnies aériennes pour qu’elles mettent à disposition un avion, ajoute Gauthier Jansen. Cela réduit les coûts et peut permettre à une majorité de personnes de rentrer.” 

Mise à jour, vendredi 27 mars 2020 à 15h45 : Face à cette situation, le député fédéral Samuel Cogolati (Ecolo) et la co-présidente d’Ecolo Rajae Maouane ont appelé le ministre Philippe Goffin à rapatrier rapidement ces citoyens belges. “Nous savons que le mercredi 25 mars, Air Canada a réussi à rapatrier plusieurs citoyens canadiens coincés au Maroc. Ce n’est pas donc pas une fatalité”, explique Rajae Maouane. “Nous demandons donc au Gouvernement fédéral de faire ce qui est en son pouvoir, éventuellement en coopération avec d’autres États européens, pour que tous les Belges bloqués à l’étranger, au Maroc comme ailleurs, puissent être rapatriés, peu importe qu’ils aient une deuxième nationalité ou non”.

Vanessa Lhuillier – Photo:Belga/Dirk Waem