Le journal de bord de Sébastien du Samusocial (4 avril) : “Des choix lourds de conséquences”
Sébastien est directeur du (nouveau) Samusocial. Il partage avec nous quelques extraits de son quotidien et de celui des équipes de terrain, ces travailleurs de l’ombre qui vivent en première ligne le défi actuel : rester présents pour aider les personnes sans abri alors que l’épidémie de Covid-19 a complètement bouleversé l’organisation des activités du dispositif d’aide.
« On vous conseille d’aller dormir au Samusocial ». Voilà les mots que s’entend prononcer une dame qui sort de son hospitalisation et est confirmée COVID-19. Le Samusocial se doit d’être là pour les plus démunis. Ce matin, MSF a enfin ouvert les premières places pour patients confirmés ou suspectés sur Tour & Taxis. Nous avons ainsi pu transférer les hommes de notre site de Rempart 7 vers Tour & Taxis. Seul hic, les femmes ne peuvent encore être accueillies.
La dame qui sort de l’hôpital est donc envoyée à notre unité d’isolement « Rempart 7 » vendredi. Le Samusocial n’a pas été contacté pour préparer un éventuel accueil, on joue l’effet de surprise. Malheureusement pour elle, même le Samusocial a ses limites. Nous lui avouons que nous ne pouvons accepter les cas confirmés de COVID-19. Nous n’avons ni le matériel de protection nécessaire, ni la capacité de les isoler des autres cas suspects. Héberger cette dame risquerait de provoquer un conflit social, surtout sans discussion préalable avec les équipes. On sortirait de l’accord passé jusqu’ici. Le choix est lourd de conséquences. À la différence des clichés sur les managers, défendre les travailleurs est souvent la priorité qui s’impose sur les autres.
Ce week-end, les discussions ont repris sur l’acceptation des femmes confirmées positives sur Rempart 7. Finalement, notre médecin et l’équipe acceptent de mettre en place les mesures manquantes pour prendre en charge les femmes confirmées. Un étage sera bloqué uniquement pour ces femmes-là, afin d’éviter tout contact physique avec des femmes seulement « suspectes » qui sont peut-être négatives. MSF a accepté, comme c’est devenu une habitude, de nous fournir le matériel manquant et nous aider dans la mise en place de cet espace spécifique.
La commune de Forest a appelé à une régularisation des sans-papiers pour faciliter le confinement. Une position visionnaire. C’est dans les moments de crise qu’il faut être capable de saisir les opportunités humanistes. À l’image de ce qu’a fait le Portugal. Dans le contexte actuel, priver de soins de santé, de toit, de droits sociaux, des personnes installées en Belgique n’a aucun sens, que ce soit en terme de stratégie de santé publique ou en terme de perspectives économiques. La problématique du sans-abrisme est intimement liée à la problématique de l’immigration.
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Photo : Pierre Lamour/Samusocial