Le journal de bord de Sébastien du Samusocial (31 mars) : “La peur ne nourrit jamais la relation”
Sébastien est directeur du (nouveau) Samusocial. Il partage avec nous quelques extraits de son quotidien et de celui des équipes de terrain, ces travailleurs de l’ombre qui vivent en première ligne le défi actuel : rester présents pour aider les personnes sans abri alors que l’épidémie de Covid-19 a complètement bouleversé l’organisation des activités du dispositif d’aide.
La situation actuelle nous apprend à faire preuve d’une certaine humilité (un mot que j’ai beaucoup trop utilisé ces derniers mois au Samusocial). On réalise subitement notre fragilité, notre vulnérabilité face à un virus si volatile. Pourtant avec le recul, on peut se demander comment nous avons pu croire que cela ne nous arriverait pas ? Étions-nous assez naïfs pour penser que les virus ne vaincraient pas les systèmes de santé européens alors même que chaque année, le budget de la santé diminue ?
En 2014, lors de l’épidémie Ebola qui ravagea l’Afrique de l’Ouest, une première répétition de ce qu’on appela alors la politique de la peur aurait pourtant pu nous servir d’avertissement. À l’époque, l’Europe a alors réussi ce qu’elle échouera avec le COVID-19 six ans plus tard, maintenir la menace hors des murs. Une stratégie de trumpiste trompettiste. On sonne l’alerte et on ferme. Ebola, quoique bien plus mortel, est nettement moins contagieux que le COViD. Ce qui explique sans doute notre échappée belle de 2014.
La peur, peu importe d’où elle vient ou vers qui elle se tourne, ne nourrit jamais la relation.
Nos budgets semblent enfin validés par les autorités régionales. Du moins, verbalement. Maintenant va commencer la lente valse de l’administration, des arrêtés, des signatures, des validations. Le diable est toujours dans le détail quand on parle argent. Une valse à 1000 temps dansée par des stylos et des papiers.
Paradoxalement, j’en suis arrivé à m’attacher à tous ces fonctionnaires. Ne s’attache-t-on pas à nos contraires ? La réputation sulfureuse de l’ex-Samusocial pousse à toutes les précautions possibles en terme de règles bureaucratiques, et finalement cela se comprend. Le droit à l’erreur n’est plus permis au sein d’une organisation qui porte le nom Samusocial. Autant que je le sache…
Sur le terrain, le paquebot Samu poursuit tant bien que mal sa route. Les équipes souffrent, on espère pouvoir les soulager bientôt avec l’ouverture de nouveaux espaces afin de réduire cette promiscuité dans les centres alors que c’est précisément l’inverse qui est recommandé. Mais nos travailleurs parviennent à aider plus de 1 000 personnes dans ces centres pour sans-abri et dans son centre pour demandeurs d’asile. Nos maraudeurs et leurs vestes bleues tournent dans la ville chaque jour et chaque nuit pour aider les « confinés dehors », comme on l’entend partout dans les communications des partenaires de l’aide aux sans-abri.
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Photo : Roger Job/Samusocial