Le journal de bord de Sébastien du Samusocial (30 mars) : “Un troisième cas avéré”
Sébastien est directeur du (nouveau) Samusocial. Il partage avec nous quelques extraits de son quotidien et de celui des équipes de terrain, ces travailleurs de l’ombre qui vivent en première ligne le défi actuel : rester présents pour aider les personnes sans abri alors que l’épidémie de Covid-19 a complètement bouleversé l’organisation des activités du dispositif d’aide.
Nos équipes restent sur le pont mais l’absentéisme complique le travail. Ce week-end fut particulièrement compliqué pour le shift de nuit. Chapeau bas à Omar qui a dû gérer seul la coordination de deux centres. Tiens, ça existe la Légion d’honneur en Belgique ?
Ce matin, MSF a inauguré son site. Enfin, pas tout à fait, puisque le site n’ouvrira que fin de semaine. C’est devenu une tendance d’inviter la presse avant les ouvertures officielles. Une mode d’époque. L’information va plus vite que la réalité. On annonce, on publie et puis on voit si cela se réalise. Et quand cela ne se réalise pas, plus personne n’est vraiment là pour s’en étonner. Enfin, je dis cela, mais je sais que MSF ouvrira, donc faites comme si vous n’aviez rien lu.
Toujours est-il que la tension monte. Un troisième cas avéré a été déclaré sur notre centre Poincaré aujourd’hui. Rien ne nous dit que nous allons recevoir des tests, des blouses, des masques FFP2, même si nos équipes se considèrent autant à risque que beaucoup de fonctions infirmières. Dans ce climat de pénurie, les travailleurs sociaux passeront après l’hôpital qui se moquera de la charité, qui elle-même se moquera de l’absence de ces produits de première nécessité.
Ce soir, on nous a demandé de faire attention à nos budgets et de ne pas répartir le public sur trop de sites. Alors que le monde parle de confinement pour limiter les contacts, la logique pour les sans-abris pose question. Par manque d’alternative, on continue à concentrer des densités de plus de 300 personnes sur certains sites pour limiter les sites, et faire des économies d’échelle, en terme RH et en terme budgétaire. Cette logique risque d’augmenter l’effet de contamination si l’une ou l’autre personnes sont positives. Avec bien sûr la difficulté que sans test, notre staff médical est incapable d’identifier les asymptomatiques.
Toujours est-il qu’il est compliqué de remettre cela en question. On discute finalement peu de la bonne stratégie. Alors on applique un principe opérationnel de solidarité, pas complètement convaincu, mais conscient qu’il faut avancer. Comme le dit Kery James : « On apprend plus en la fermant qu’en affirmant.». L’essentiel est d’avancer, le temps des évaluations viendra après. On déménagera donc 330 personnes en familles dans un grand hôtel bruxellois.
D’autres aménagements suivront afin d’aérer l’accueil des personnes isolées.
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Photo : Pierre Lamour/Samusocial