Rue de la Loi : les consultations, dans quel ordre ? (J+2)
Les consultations sont le prélude aux négociations. On ne rentre pas dans le vif du sujet, mais on écoute. Quels sont les exigences de l’un, les impossibilités pour l’autre. Autant d’informations qui vont permettre de dessiner les contours d’une coalition possible. Une première phase menée directement par le Roi pour le niveau fédéral, et emmenée par le parti arrivé en tête lorsqu’il s’agit du niveau régional.
Théoriquement, dans cette phase de consultation, on doit donc recevoir tous les partis politiques… et l’ordre dans lequel on pratique l’exercice est déjà une indication. Par exemple, au niveau bruxellois, où les négociations seront organisées par Laurette Onkelinx et Rudi Vervoort, on recevra les partis par ordre décroissant d’importance. Les premiers entendus seront donc les écologistes. Ça tombe bien puisqu’en l’annonçant, Laurette Onkelinx a de nouveau plaidé pour un axe progressiste. On sent donc déjà très fort qu’à Bruxelles, socialistes et écologistes ont plutôt envie de gouverner ensemble. En Wallonie, par ordre décroisant toujours, Elio Di Rupo commencera par entendre le Mouvement Réformateur, ce qui permet au passage de rappeler la réalité des rapports de force. Alors qu’en Flandre, Bart De Wever a décidé de prendre l’ordre croissant. Il commence par le PVDA (le nom néerlandophone du PTB) pour une visite qu’on qualifiera de courtoisie (sans être certain que l’entretien sera si courtois que cela, mais la tradition veut que ces discussions soient protégées d’une forme de discrétion). Avantage de cette formule inversée pour Bart De Wever : il terminera par le Vlaams Belang, au lieu de commencer par lui. Une manière d’atténuer le symbole, et aussi l’occasion d’entendre d’abord ce que le CD&V et l’Open VLD ont à lui dire, avant de parler avec l’extrême-droite.
Dans tous les cas de figure, vous noterez qu’on invite les partis. C’est la puissance invitante qui fixe l’heure et le lieu du rendez-vous. Pour la phase de consultation fédérale, ce privilège appartient donc au roi Philippe. Lui consulte au Palais de Bruxelles, en plein cœur de la ville, alors que son père menait ses entretiens au château à Laeken, au fond d’un parc. Le roi Philippe prend les partis dans un ordre qui n’est ni croissant ni décroissant. D’abord, la NVA, 25 députés, puis le parti socialiste, 20 députés, c’était lundi après-midi, et l’ordre était logique. Il aurait ensuite dû enchainer avec le MR, mais il avait déjà reçu Charles Michel lundi matin en tant que Premier ministre. Il est directement passé à la famille écologiste, en entendant Ecolo puis Groen. Il n’avait pas encore entendu les libéraux flamands de l’Open VLD, et surtout, il a sauté le Vlaams Belang, qui avec 18 députés est pourtant devenu le 3ème parti de Belgique. C’est une manière très symbolique de dire que, même plébiscités par l’électeur, il y a des partis qui restent incompatibles avec l’idée que l’on peut se faire du Royaume de Belgique. Et que la monarchie belge, dans ces moments-là, sait très bien envoyer des signaux, qui dépassent le cadre protocolaire et sont, en réalité, très politiques.