Kenza Isnasni raconte le meurtre de ses parents par un sympathisant d’extrême-droite en 2002 à Schaerbeek

Pour le média marocain Welovebuzz, Kenza Isnasni est revenue sur le crime raciste dont ses parents ont été les victimes le 7 mai 2002 dans un appartement de Schaerbeek. Ahmed Isnasni et Habiba El-Hajji ont été assassinés par Hendrik Vyt, un octogénaire sympathisant d’extrême-droite. Un dramatique fait divers sur lequel Kenza Isnasni a accepté d’évoquer longuement dans une vidéo déjà vue plus de 180.000 fois en moins de 48 heures.

Le drame avait fait la Une de la presse à l’époque : dans la nuit du 6 au 7 mai 2002, Hendrik Vyt, un octogénaire, a abattu ses voisins Ahmed Isnasni (47 ans) et Habiba El-Hajji (45 ans), un couple de Marocains, dans leur appartement de la rue Vanderlinden, à Schaerbeek. Kenza, leur fille de 18 ans à l’époque, et ses frères ont heureusement réussi à s’enfuir grâce à un voisin, mais leurs parents n’ont pas survécu.

Seize ans plus tard, Kenza Isnasni a accepté de revenir sur les mois qui ont précédé ce drame. En septembre dernier, elle avait déjà adressé une lettre ouverte au Parlement bruxellois pour dénoncer le racisme et demander des actions concrètes pour assurer le vivre-ensemble.

Pour le média marocain Welovebuzz, elle se confie sur “l’événement qui a bouleversé toute (son) enfance et qui a été un tournant dans (sa) vie”. “Ce n’est pas un acte dû au hasard”, affirme-t-elle. “On se souvient tous de l’attentat contre les tours du World Trade Center le 11 septembre 2001 et, en général, la montée de l’extrême-droite en Europe. Tout cela a créé cette haine chez ce voisin qui vivait dans notre immeuble. Il était raciste, connu des services de police. Il avait une haine des autres incroyable. Tout le monde le savait”.

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Kenza Isnasni raconte comment elle est arrivée dans cette immeuble avec sa famille, elle qui est née et a passé toute son enfance en Belgique. “Une fois qu’on est arrivé dans cet immeuble, on avait entendu des rumeurs qu’une personne violente vivait dans cet immeuble. On n’avait pas l’impression que c’était un réel danger pour nous”, confie-t-elle. “Mon père disait même : ‘On l’invitera chez nous et on créera un climat qui fera qu’on s’entendra bien ensemble'”.

“Cela a duré quatre ans”

Rapidement, ce voisin d’un certain âge a commencé à insulter et à se montrer violent avec la famille de Kenza. “Il s’en est pris à nous physiquement. Et on s’est mis à avoir des doutes sur le fait qu’il avait des armes chez lui. Le nombre de fois où on a appelé la police… (…) Cela a duré quatre ans. On ne se sentait vraiment pas écouté. On se disait qu’il fallait partir”, affirme-t-elle. “Malheureusement, c’était trop tard. On a seulement su par la suite qu’il avait reçu un ordre d’expulsion. Mais en un mois, il a peut-être pu avoir le temps d’imaginer le scénario. (…) Il est entré dans l’appartement, il a mis le feu à tout l’immeuble”.

Cette nuit a été terrible pour Kenza et ses proches. “Moi, j’étais dans ma chambre, et je priais Dieu pour qu’il me sauve. J’étais tétanisée”, explique-t-elle. Elle a finalement pu se réfugier sur le balcon et a été secourue par un autre voisin, “mon héros, Gérard”. Ses frères ont également pu être sauvés. “Je me suis retrouvé à l’hôpital. Je n’arrivais pas à imaginer que c’était réel. C’est à l’hôpital qu’on a annoncé le décès de mes parents. C’est alors l’espoir qui s’éteint”. Hendrik Vyt, lui, avait bouté le feu à l’immeuble et continué à tirer sur la police avant d’être neutralisé.

“Je veux que la vie soit belle pour les autres”

La jeune fille de 18 ans à l’époque a alors organisé les funérailles, en Belgique et au Maroc. “On a été soutenu dans les deux pays. Cela m’a beaucoup aidé à tenir. Ma foi en Dieu et en l’être humain m’ont permis de tenir”, explique Kenza. “Il m’a d’abord fallu le temps avant que je me mette en tête que c’était un acte raciste, et non juste une dispute entre voisins. Cet homme était notoirement raciste, il était actif dans des partis d’extrême-droite. La conclusion, c’est qu’on n’a pas été à l’écoute à nos cris de détresse. Personne n’a réagi au moment où il le fallait. On se retrouve du coup avec une famille décimée”.

Les années suivantes, Kenza tente de poursuivre le travail de mémoire, afin que ce crime ne soit pas oublié. “J’ai refusé la haine. Merci pour l’éducation de mes parents. Je me devais d’honorer ça”, explique-t-elle. “Leur rendre hommage, c’est être encore debout aujourd’hui. (…) Je suis vraiment chanceuse même si je suis passé par beaucoup de douleurs. J’ai surmonté cela grâce à des personnes qui se sont retrouvées dans mon cheminement, pas par hasard. Aujourd’hui, je veux redonner ce que j’ai reçu, et aider les autres. Je veux que la vie soit belle pour les autres”, confirme celle qui travaille désormais dans le milieu associatif. “On est tellement exposé à la violence et à la cruauté humaine tous les jours. Mais j’ai tellement vécu de très belles histoires avec les gens. Je me dis qu’il y a encore des choses belles qui peuvent se produire et on doit tous y contribuer”.

“J’ai vécu la cruauté dans sa pure forme. Mais j’ai aussi vécu l’opposé”, conclut-elle.

Gr.I. – Photo : capture Facebook Welovebuzz

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27 décembre 2018 - 10h53
Modifié le 27 décembre 2018 - 21h56