Ville de Bruxelles : Unibail souhaite-t-il toujours construire Neo 1 sur le plateau du Heysel?
Où en est-on dans le projet de réaménagement du plateau du Heysel? En octobre dernier, la Ville de Bruxelles décidait d’abandonner définitivement le deuxième volet du projet Neo, à savoir la construction d’un centre de congrès et d’un hôtel. Mais aujourd’hui, c’est Neo1 pour qui le temps presse. Ce mardi, le principal investisseur, Unibail, tient son assemblée générale. En difficulté, la société pourrait revoir ses plans d’investissements.
Rien n’est jamais simple lorsqu’on décide d’aménager un nouveau quartier, mais depuis quelques années, le plateau du Heysel va de projet en projet sans que rien de concret ne voit le jour. Les promeneurs peuvent simplement constater la fermeture du parc aquatique Océade et du village à côté du cinéma Kinepolis. Pour le reste, les engins de chantier ne sont pas près d’arriver.
Pourtant, cela fait plus de 10 ans maintenant que la Ville de Bruxelles, rejointe par la Région bruxelloise, a décidé du réaménagement du plateau. Tout en conservant le stade Roi Baudouin, il faut construire du logement, un centre commercial, une zone de loisirs intérieurs et extérieurs, des infrastructures sportives, deux crèches, un centre de congrès… Enfin, c’était le plan de base. Depuis, les temps ont changé.
Voici un an, Neo 2, c’est-à-dire l’aménagement d’un centre de congrès et d’un hôtel, était mis sur pause le temps d’étudier la possibilité de rénover les palais du Parc des expositions. La question était : faut-il réellement construire un nouveau centre alors que les palais sont là? Finalement, une étude démontra qu’il serait moins onéreux pour les pouvoirs publics de rénover les palais que d’en construire un nouveau.
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Neo 1 est-il toujours réaliste?
La construction de Neo 2 était financée par Neo 1. Pour rappel, Neo 1, c’est un centre commercial de 72.000m², 575 logements, 15.000m² de zone de loisir, un nouveau cinéma, deux crèches, une résidence pour seniors, 3.700 places de parking et des bureaux. La superficie des infrastructures était justifiée par le fait que les revenus de Neo 1 permettrait la construction de Neo 2, un centre de congrès étant par nature déficitaire les premières années.
Pour la Ville et la Région, il serait possible de revoir les proportions si Unibail, l’investisseur principal, le souhaite, mais hors de question d’abandonner le projet.
Seulement, pour Unibail, la question semble ne pas être si hors de propos. Ce mardi 10 novembre a lieu une assemblée générale du groupe aux 72 milliards d’euros d’actifs à travers le monde. Le cours de l’action d’Unibail-Rodamco-Westfield est en perte de vitesse depuis plusieurs années. Il s’agit donc d’une perte structurelle qui s’est évidemment accentuée avec la pandémie. En un an, l’action a perdu les deux tiers de sa valeur. Il y a 5 ans, elle atteignait les 250 euros. Aujourd’hui, elle vaut 34,90 euros.
Même si les actifs valent plus que les actions en bourse, Unibail traverse une mauvaise passe financière. Lors de l’assemblée générale de mardi, les actionnaires recevront le plan Reset. Le groupe espère lever 3,5 milliards d’euros de capital. A cela s’ajoutera la cession d’actifs et de projets en développement de 5 milliards.
600 millions d’euros d’investissement
Neo, c’est un investissement de 600 millions d’euros pour Unibail. Même si Bruxelles reste stratégique, le projet prend du retard. C’est en 2012 que le groupe a été désigné. Huit ans plus tard, il a dépensé des millions d’euros en études, bureaux d’architectes, d’urbanisme, de frais d’avocats et s’est engagé à payer un canon de 160 millions d’euros sur 10 ans pour pouvoir exploiter les lieux pendant 99 ans. Mais rien ne s’est affiché du côté des recettes.
Dans le contrat, il est indiqué que le permis d’urbanisme devait être octroyé au plus tard au 31 décembre 2020. Le 09 novembre, le permis est loin d’être prêt. Les certificats d’urbanisme et d’environnement sont là mais le PRAS (plan régional d’affectation du sol) est annulé ce qui empêche la délivrance de permis. Le PAD (plan d’aménagement directeur) mené par la Région bruxelloise et qui pourrait palier l’annulation du PRAS, n’est toujours pas terminé. Le permis pour la bretelle d’accès et la transformation de la A12 a été refusé par la Flandre. Sur ce point précis, les négociations semblent être en bonne voie maintenant mais rien n’est officiel.
Bref, pour Unibail, tant que rien n’est officiel, rien n’est fait. Et à partir du 1er janvier 2021, l’investisseur pourrait même se retirer du projet en invoquant un manquement de la part de la Ville de Bruxelles et de la Région. Il aurait alors la possibilité de demander des dédommagements dont le montant pourrait avoisiner les 15 millions d’euros.
Neo n’est plus dans le portefeuille de développement de l’investisseur
Du côté de la Ville de Bruxelles, on assure avoir eu, voici quelques semaines, les garanties de la part des directeurs d’Unibail que le projet ne sera pas abandonné. Pourtant, aujourd’hui, Unibail préfère rappeler que le PRAS a été annulé au premier semestre 2020 ce qui ralentit le projet. “Le projet n’apparaît plus dans le portefeuille de développement du groupe en raison de cette situation administrative, nous a répondu Unibail. Le portefeuille de développement du groupe n’inclut pas tous les projets sur lesquels le groupe travaille mais seulement ceux qui sont contrôlés ou engagés selon les définitions du groupe, qui supposent d’avoir reçu toutes les autorisations administratives nécessaires.”
Unibail affirme vouloir résoudre cette situation dans les prochains mois mais les retards successifs et les difficultés du groupe pourraient avoir raison des meilleures volontés. Dans le dernier planning présenté en septembre 2019, le chantier devait débuter en 2020 pour une ouverture dgu centre en 2023 et la finalisation des derniers logements en 2029. On en est loin et tout ne peut pas être imputé au covid-19.
Pour la Ville, la Région doit maintenant avancer rapidement et donner elle aussi des garanties au groupe qui pourrait revoir sa stratégie d’investissements pour les prochaines années. Si Neo 1 devait échouer, il faudrait tout repenser. Une opportunité pour certains mais surtout l’assurance d’un statu quo de longue durée. Sans Unibail, il semble impossible de trouver un investisseur prêt à mettre autant d’argent dans ce quartier. Le plateau du Heysel pourrait rester en l’état pendant de longues années.
Vanessa Lhuillier – Photo: Unibail