Samusocial : les ex-ministres Huytebroeck et Grouwels parlent de “pressions sur les cabinets socialistes”

La Commission d’enquête parlementaire sur le Samusocial a repris ses auditions ce mardi matin. Elle a entendu les ex-ministres du gouvernement bruxellois sortant, Evelyne Huytebroeck (Ecolo), et Brigitte Grouwels (CD&V).

Evelyne Huytebroeck (Ecolo), ex-ministre bruxelloise de l’Environnement et de l’Énergie et en charge de l’Aide aux personnes au sein de la Commission Communautaire Commune entre 2009 et 2014, a été la première politique auditionnée par la commission d’enquête parlementaire, ce mardi matin. L’ancienne cheffe de groupe Ecolo à la Chambre confirme que les cabinets du gouvernement bruxellois ont vécu à l’époque “un bras de fer” avec le conseil d’administration du Samusocial, principalement sur la question de sa gestion financière. Elle explique n’avoir “jamais été mise au courant” des rémunérations et des jetons de présence distribués aux administrateurs-délégués. “On suspectait un manque de transparence” au sein des finances de l’ASBL, confirme Evelyne Huytebroeck, mais le gouvernement bruxellois n’a pu se mettre d’accord sur l’envoi d’un observateur au sein de l’ASBL ou le simple envoi d’une lettre au CA.

“Une pression politique”

“L’importance de la Ville de Bruxelles, et de son président de CPAS (NDLR : Yvan Mayeur à l’époque), faisaient une pression politique sur les cabinets socialistes et sur les ministres socialistes”, explique Evelyne Huytebroeck. “Quand on refuse un observateur ou qu’une lettre soit envoyée, je pense qu’il y avait des contacts pris qui ont fait que des choses n’ont pu se faire”.

Evelyne Huytebroeck a également brossé un tableau de quelque vingt ans de dissension autour de la lutte contre la pauvreté à Bruxelles. Cette tension fut, selon elle, perceptible dès les années ’90 entre les associations actives dans le secteur, entre le Samusocial et les cabinets ministériels, et entre les partis politiques au sujet des modalités de création d’une association publique et d’un centre de référence. Le centre de référence a été partiellement créé sous forme de centre d’appui en 2007 (NDLR: La Strada). Sa direction a été confiée à l’ex-présidente du CPAS d’Ixelles Anne Herscovici (Ecolo), sur base de ses seules compétences, au terme d’une procédure de sélection, a précisé l’ex-ministre.

“Sans certaines pressions, on aurait été plus loin dans le contrôle”, confirme Grouwels

Brigitte Grouwels était invitée à témoigner devant les commissaires de son expérience de ce dossier dont elle a eu la charge en tant que ministre bruxelloise bi-communautaire de l’Aide aux Personnes, entre 2009 et 2014, aux côtés de la ministre Evelyne Huytebroeck. Comme celle-ci, l’ex-ministre démocrate chrétienne flamande a fait part de son respect pour le travail sur le terrain des collaborateurs du Samusocial, comme des autres organisations du secteur, en ce compris, sur le plan humain, pour la directrice du Samusocial Pascale Peraïta. A ses yeux, la difficulté des discussions avec celle-ci étaient liées à la gestion financière du Samusocial renforcé dans sa situation de “quasi-monopole” à partir de 2011, après l’appel à ses services pour l’accueil des demandeurs d’asile en 2011.

Mme Grouwels a précisé qu’elle était elle-même partisane d’un financement structurel du dispositif hivernal, finalement accordé à partir de l’hiver 2014-2015. D’après elle, le recours au pré-financement des subsides du Samusocial via le CPAS de la Ville a affaibli la position de la Commission Communautaire dans les discussions. “Le Samusocial adoptait un style très agressif pour obtenir à chaque fois de nouveaux subsides”, a-t-elle commenté dans ce contexte. D’après l’ex-ministre, l’administration de la CCC n’était pas pressée d’exercer un contrôle – que son cabinet et celui de Mme Huytebroeck voulaient accroître sur l’utilisation des deniers publics par l’asbl -, parce que l’association était de type privé, mais aussi en raison du “tempérament colérique” de Pascale Peraïta dont certains fonctionnaires dénonçaient le “régime de terreur”.

Brigitte Grouwels a encore dit que le cabinet du ministre-président PS, à l’époque Charles Picqué, avait été mis sous forte pression par la direction du Samusocial pour éviter l’envoi d’un observateur au Conseil d’administration du Samusocial. “Sans cela, on aurait été beaucoup plus loin”, a-t-elle ajouté, laissant entendre que le dossier n’aurait pas pris l’ampleur des dernières années. Elle a toutefois jugé que le PS avait une “attitude assez diffuse à l’égard du Samusocial”. En atteste, selon elle, la confidence que lui a faite Charles Picqué en 2013, satisfait de constater qu’un audit aurait lieu. Enfin, Mme Grouwels n’a pas écarté la possibilité que Pascale Peraïta ait pu bénéficier d’un double financement de son salaire, ce que n’a pu établir l’audit de 2013. Pour ce qui relève de la CCC, son salaire était payé à la hauteur du barème d’un directeur de l’administration, a-t-elle dit.

Vendredi, ce sera au tour des ministres actuellement chargés de l’Aide aux personnes au sein de la Commission Communautaire Commune, Pascal Smet (sp.a) et Céline Fremault (cdH), d’être auditionnés.

Le ministre-président Rudi Vervoort (PS) et le ministre Guy Vanhengel (Open VLD) répondront quant à eux aux questions des commissaires le lundi 11 septembre prochain.

Le Bureau de la commission s’est par ailleurs accordé lundi pour prolonger la phase des auditions jusqu’à la mi-octobre avant la remise d’un rapport intermédiaire pour la Toussaint.

Gr.I. avec Belga, photo BX1

  • Duplex de Jean-Christophe Pesesse.