“Rien sans mon consentement” : le plan d’action contre les violences sexuelles de la Ville de Bruxelles
La Ville propose un plan de 77 mesures pour lutter contre le harcèlement et les violences sexuelles. Il se base sur trois axes principaux : la prévention, l’action et le suivi.
Le plan d’action sera mise en place par la Ville en collaboration avec la zone de police Bruxelles Capitale-Ixelles et la Brussels by Night Federation. Concrètement, des mesures structurelles, d’accueil des victimes de mobilité sont prévues.
” L’objectif, c’est que toute personne qui se rend dans un lieu festif se sente en sécurité tant en dehors qu’au sein de l’établissement. Un sentiment de sécurité qui sera renforcé par la formation de près de 290 agents de police chaque année. Il est d’une importance capitale pour les victimes que la Ville ait cette approche globale afin de mettre un terme à ces violences inacceptables,” explique Philippe Close, Bourgmestre de la Ville de Bruxelles.
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Dans les quartiers festifs de la capitale, les éclairages publics vont notamment être améliorés et de nouvelles caméras de surveillances installées. La mobilité, elle aussi, sera renforcée. Par exemple, en collaboration avec les Taxis bleus, un code spécial “safe taxi” sera élaboré. Il sera transmis directement soit au chauffeur de taxis, à l’opérateur du call center et via l’application. Lorsqu’une course est commandée, cela permettrait d’envoyer en priorité d’un taximan informé de la problématique et qui pourrait adopter les réflexes adéquats à la personne.
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Dans les boites de nuit, des “Safer Zones” vont être mises en place. Elles permettront d’accompagner celles et ceux dans un état d’ébriété avancé, en overdose ou intoxiqués. À noter aussi que la formation du personnel de ces établissements ainsi que de la police est prévu. Un marché public sera très prochainement lancé pour désigner une association chargée de la dispenser.
“Il y a des lieux qui ont déjà mis des mesures en place et d’autres qui ont du progrès à faire, mais nous allons les accompagner” déclare Delphine Houba, échevine de la Culture et des Grands événements de la Ville de Bruxelles. “L’objectif est de le faire ensemble, prendre ses responsabilités pour faire en sorte que la nuit soit plus sûre à Bruxelles. Le secteur de la nuit doit prendre conscience du problème. On change de paradigme de société : il y a un problème, on le reconnait, comment faire en sorte ensemble que ça n’arrive plus.”
Par ailleurs, la Ville entend déployer d’autres moyens concrets avec notamment 30% de places supplémentaires dans les CPVS ainsi que l’engagement d’un coordinateur spécifique pour le harcèlement et le harcèlement de nuit.
Finalement, une charte nocturne sera instaurée. Tous les établissements et tous les organisateurs d’événements à Bruxelles devront s’engager à la respecter ainsi qu’un protocole réalisé en collaboration avec les associations féministes. Il devient une condition pour l’obtention d’une autorisation délivrée par les autorités communales. Si le protocole n’est pas mis en place, l’autorisation sera refusée et des amendes pourront également être perçues en cas de non-respect des règles.
“Avec ces nouvelles mesures, nous entendons impliquer directement les acteurs de terrain du monde de la nuit”, précise Lydia Mutyebele, échevine de l’Égalité des chances de la Ville de Bruxelles. “Le but de cette campagne est de responsabiliser les auteurs, et non pas d’accuser les victimes qui souffrent déjà beaucoup.”
Les collectifs féministes rassurés mais mitigés
l’UFIA (l’Union féministe inclusive autogérée), qui regroupe plusieurs collectifs dont #balancetonbar, salue le travail fait. “Ça va dans le bon sens, c’est rassurant”.
Mais les militantes n’ont pas été intégrées au processus. “Une proposition de rencontre avec le bourgmestre n’est arrivée qu’à la veille de sa présentation à la presse” nous communique Laura Baiwir, une des représentantes du collectif des Sous-entendu.e.s qui fait partie de l’UFIA. “Nous n’avons eu aucune visibilité sur le reste du plan, il y a une opacité méthodologie“. À noter que l’UFIA a déjà pu rencontrer Brussels By Night Federation en amont lors d’une réunion, des affiches leur ont été présentées avec un projet déjà fini, ce que déplore les militantes.
Une tentative de réconciliation aura lieu mi-mars.
Se révèle aussi un étonnement sur la confusion entre les différents niveaux de pouvoir. “Il y a un manque de coordination” déplore la représentante. « En quelques mois ça a bougé, alors que ce problème se sait depuis longtemps à tout niveau de pouvoir. Le milieu de la nuit est dénoncé, allions nous et luttons de manière systémique et pas juste pour récolter des voies ». Le collectif soupçonne cette sortie médiatique en vue des élections de 2024.
Une conférence de presse au Fuse
Le Fuse, haut lieu de la vie nocturne bruxelloise. Un choix qui n’est pas anodin. Pour Lydia Mutyebele, la boite de nuit est une “safe zone”. “C’est un bel exemple qui prouve que c’est un travail quotidien. Ici le personnel est formé. Cela prouve que c’est possible et réalisable.”
Mais l’UFIA ne l’entend pas de cette oreille. “Il y a un gros questionnement quant à l’association au Fuse. La boite n’a pas été réceptive aux différentes accusations et qui n’a pas souhaité nous rencontrer. Il n’est pas exemplaire” selon Laura Baiwir.
Un manque d’inclusivité et d’intersectionnalité
Autre bémol, le manque de représentation. L’UFIA déplore un manque d’intersectionnalité et d’inclusivité. “La campagne est très hétérocentrée, cis-centrée, blancs-centrée. Les personnes racisées, transgenre ou non-binaires subissent, elles aussi, des agressions“.
Ma. Ar. et Anaïs Corbin – Photo : Belga/Juliette Bruynseels