Procès de la rue du Dries: “Abdeslam et Ayari ne voulaient pas faire un carnage”, affirme leur défense
Sven Mary qui représente Salah Abdeslam plaidera quant à lui jeudi après-midi.
Me Sven Mary est apparu jeudi peu après 8h au palais de justice de Bruxelles, où il plaidera devant le tribunal correctionnel de Bruxelles. Il a brièvement répondu aux journalistes qui se sont précipités sur lui, laissant entendre qu’il n’avait pas tenté de convaincre Salah Abdeslam de se présenter devant le tribunal.
Interrogé sur l’absence de son client Salah Abdeslam à l’audience de jeudi, Me Mary a indiqué, en néerlandais, que la réponse à cette question se trouvait dans celle donnée par Salah Abdeslam lundi matin devant le tribunal. Celui-ci avait indiqué qu’il ferait usage de son droit au silence et qu’il ne plaçait sa confiance qu’en Allah. “Non”, a ensuite laconiquement répondu l’avocat à un journaliste lui demandant s’il avait tenté de convaincre son client de se présenter devant le tribunal. Quelques instants après Me Mary, les avocats des parties civiles sont également entrés dans la salle d’audience.
L’avocate de Sofien Ayari a quant à elle commencé à plaider vers 10h30.
Il ne ressort d’aucun témoignage de policier étant intervenu rue du Dries le 15 mars 2016 que l’un d’eux a entendu deux armes lors de l’échange de tirs, a souligné jeudi au début de sa plaidoirie Me Laura Séverin, conseil de Sofien Ayari.
Me Lauea Séverin (avocate d’Ayari): « mon client n’avait pas la volonté d aider Belkaid mais de fuir » #abdeslam @BX1_Actu
— Camille Tang Quynh (@Camitaq) February 8, 2018
Les prévenus “ne voulaient pas mourir en martyre ni faire un plus grand carnage” après avoir fui l’appartement conspiratif de la rue du Dries, a affirmé Me Isa Gultaslar, conseil de Sofien Ayari.
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Salah Abdeslam est prévenu avec Sofien Ayari
Salah Abdeslam est prévenu, tout comme Sofien Ayari, pour tentative de meurtre dans un contexte terroriste et pour possession illégale d’armes à feu. Les deux hommes risquent une peine maximale de 20 ans de prison et c’est ce qu’a requis à leur encontre le parquet fédéral, lundi.
Au cours de la première journée d’audience, le tribunal a procédé à l’interrogatoire des deux prévenus. Salah Abdeslam a refusé de répondre aux questions que la présidente Marie-France Keutgen voulait lui poser, précisant qu’il ne reconnaissait pas la légitimité et l’autorité du tribunal.
“Je témoigne qu’il n’y a pas de divinité à part Allah et que Mohamed est son serviteur et son messager“, a-t-il déclaré. “Mon silence ne fait pas de moi un coupable ou un criminel, maintenant jugez-moi, faites ce que vous voulez de moi, moi c’est en mon Seigneur que je place ma confiance, je n’ai pas peur de vous, de vos alliés et de vos associés. Je place ma confiance en Allah, je n’ai rien à ajouter“, a-t-il déblatéré.
Sofien Ayari est resté très vague
Sofien Ayari, lui, a répondu aux questions du tribunal lundi, tout en restant parfois très vague. Ce dernier a admis qu’il se trouvait bien dans l’appartement de la rue du Dries, le 15 mars 2016, avec Mohamed Belkaïd et Salah Abdeslam, où il a passé “plusieurs semaines“. Il a aussi confirmé qu’Ibrahim El Bakraoui, l’un des auteurs de l’attentat à Brussels Airport, était venu plusieurs fois rue du Dries, principalement pour voir Mohamed Belkaïd, selon lui. Son avocat, Me Isa Gultaslar, a souligné que ce qu’on attendait du tribunal correctionnel de Bruxelles, c’était qu’il juge avec “mesure” et de manière “rationnelle”. Il s’est opposé à l’avocat de la partie civile Tom Bauwens, qui avait insisté sur la caractère “hors norme” du procès. “Non, le tribunal, c’est la norme“, a-t-il martelé.
L’avocat de Sofien Ayari déplore que le caractère terroriste des faits reprochés à son client semble acquis pour tout le monde. “On considère les prévenus comme encore plus dangereux parce qu’ils ont un drapeau (de l’Etat islamique, ndlr) et des livres“, a notamment fustigé Me Gultaslar, qui dénonce un “brouillage” du procès. “Je ne suis pas dupe des attentats qui ont été commis à Paris et à Bruxelles, mais ici on parle de la fusillade” de la rue du Dries, a-t-il insisté.
L’avocat estime que la guerre contre le terrorisme “normalise” les mesures d’exception et “modifie” le droit pénal. “Tout devient dérogatoire, mais ce qu’on attend du tribunal, ce n’est pas une réflexion dérogatoire, c’est la norme et non pas le ‘hors norme’“, a-t-il précisé en référence à une expression qui a été régulièrement utilisée depuis le début du procès. “Qu’il y ait chez les parties civiles de l’émotion, de l’incompréhension, de la colère, c’est légitime. Mais la justice, c’est la mesure et surtout la raison. Ce ne sont pas des théories de l’exception. En ces temps troublés, l’émotion prend parfois le pas, mais la justice doit être rationnelle.”
“Je suis content qu’il soit resté au lit“
Me Bauwens, qui représente deux agents des unités spéciales constitués parties civiles au procès , s’est dit jeudi matin “fatigué par l’opportunisme” des prévenus. L’un de ses clients, qui a subi une incapacité de travail totale, a vu sa carrière s’arrêter à la suite des faits après 22 ans de service, a-t-il souligné.
Le procès devant le tribunal correctionnel de Bruxelles est “hors normes”, notamment en raison des commentaires qu’il suscite de “ministres, juges, médias et confrères”, a fait remarquer Me Bauwens. L’avocat s’est dit “fatigué” par l’attitude des prévenus, et plus particulièrement par celle de Salah Abdeslam. “Je suis content qu’il soit resté dans son lit“, a-t-il ajouté en référence au fait que ce dernier ait décidé de ne pas se présenter à l’audience de jeudi. Me Bauwens a fustigé “l’opportunisme” des suspects, qui sont “musulmans quand ça les arrange, djihadistes quand ça les arrange”.
Salah Abdeslam “insulte notre Etat de droit, il ne reconnait pas le tribunal, mais il construit une défense basée sur cet Etat de droit“, déplore l’avocat. “Il se fait par moments porte-parole du monde musulman alors que c’est précisément ce monde qu’il est en train de heurter.” Le représentant des deux agents s’en est aussi pris indirectement à Sven Mary, et plus particulièrement au fait que celui-ci avait contesté la recevabilité de certains éléments du dossier sur la base de l’emploi des langues. Enfin, Me Bauwens a insisté sur le caractère exceptionnel de la démarche de ses clients. “C’est la première fois que des agents des unités spéciales se constituent partie civile, c’est leur métier de se faire tirer dessus.” L’un d’eux, qui était en première ligne tant à Forest qu’à Verviers en janvier 2015, a subi une incapacité permanente de plus de 55%, ce qui a provoqué la fin d’une carrière longue de 22 ans.
BX1 et Belga