Hausse de 40% du nombre de partenariats locaux de prévention en deux ans

S’organiser entre voisins pour repérer les rôdeurs, surveiller les comportements suspects et garder le contact en permanence avec la police: une pratique de plus en plus courante qu’encourage et structure le SPF Intérieur. Le nombre de ces dispositif vient de passer à 13 dans la capitale.

Le premier a vu le jour au début des années 2010 à Brecht, dans la Province d’Anvers. Dix ans plus tard, l’ensemble du territoire belge en compte un peu moins de 1.200 avec la bénédiction du SPF Intérieur qui encourage les citoyens à se lancer dans l’aventure. Répondant au doux nom de partenariat local de prévention (PLP), le dispositif est chaque fois entièrement porté par des citoyens qui veulent accroître la sécurité de leur quartier. Le concept est simple: tenir à l’œil sa rue et signaler tout comportement suspect ou problématique à la police via un point de contact privilégié.

Le système des PLP fait véritablement un carton en Flandre (900) et suscite un relatif engouement en Wallonie (environ 250). Moins à Bruxelles, car la forte densité de population ne facilite pas l’émergence de tels dispositifs, selon la DG Sécurité & Prévention du SPF Intérieur. Reste que leur nombre a quand même bondi, ces deux dernières années, de 40% en valeur absolue. BX1, qui s’est penché sur la question, en dénombre aujourd’hui au moins 13. Parmi ceux-ci, un a vu le jour en 2018 et quatre autres en 2019. Un quatorzième est d’ailleurs en cours d’élaboration dans le sud de la capitale.

Deux communes particulièrement fans

Les deux premiers PLP de la capitale ont été mis en place, en 2011 et 2013, à Ganshoren et Anderlecht. Le premier dans le quartier Albert, le second dans celui de Scheut. Le troisième comité de vigilance citoyenne a ensuite vu le jour en 2014 dans le quartier Plateau de Stockel – Hélice à Woluwe-Saint-Pierre. C’est le premier d’une longue série dans la commune. Car deux entités pèsent à elles seules les deux tiers des partenariats locaux de prévention sur le territoire régional: Woluwe-Saint-Pierre donc et Berchem-Sainte-Agathe.

Outre celui mentionné ci-dessus, la commune du sud de Bruxelles en compte en effet quatre autres (Lutens, Saint-Michel, Sportcity et Woluwe Europe) et la seconde pas moins de trois (Ruelens, Berchem Center et Sud). Détail notable: les trois de Berchem ont été mis en place ces deux dernières années. Les PLP Escaut-Rotterdam à Molenbeek (2016), Sablon à Bruxelles-Ville (2018) et Châtelain à Ixelles (2019) complètent enfin la liste.

Pourquoi Woluwe-Saint-Pierre et Berchem?

D’une part, parce que les autorités communales soutiennent activement le dispositif et sensibilisent la population sur son existence, d’autre part parce leur multiplication donne des idées aux voisins d’à côté. Dans certains quartiers de ces communes, une population plus âgée s’avère aussi davantage encline à se lancer dans l’aventure. “Je n’en pense que du bien. C’est un excellent outil de partage d’informations entre la police, la commune et les habitants. Pour nous, ça fait partie des éléments de prévention dans la commune et on informe activement les habitants sur son existence”, explique le bourgmestre sampétrusien Benoît Cerexhe (CDH). “C’est aussi un bel outil en matière de solidarité et de convivialité. Des fêtes de voisins sont même par exemple organisées par les PLP. Il faut savoir que, dans certains quartiers, il y a un grand nombre de personnes isolées”. 

Même son de cloche positif du côté de son homologue berchemois Joël Riguelle (CDH): “On est tout à fait favorable à ce dispositif. On en a trois et on espère à terme que tout le territoire de la commune sera couvert. Il ne reste plus que deux quartiers sans PLP, ceux de la rue des Chats et celui du côté du cimetière. On n’oblige personne néanmoins. Cela doit être une initiative des habitants”. Pour le maïeur humaniste, le dispositif permet par exemple à la police de récolter des informations à des endroits sans caméras. “Imaginons que des riverains repèrent une camionnette venant souvent décharger des déchets, ils préviennent la police qui se mettra en planque et coincera le petit comique. Mais tout cela permet aussi aux habitants de se connaître, de se rencontrer. Ça crée du lien”, souligne-t-il.

L’expérience du quartier Albert à Ganshoren

La genèse et l’organisation de chaque PLP diffère chaque fois dans des proportions plus ou moins grandes. A Ganshoren, c’était une vague de cambriolages qui a poussé un groupe d’habitants à faire les démarches auprès de la police et du SPF Intérieur. Aujourd’hui, quelque 1.200 membres ont accès à un forum sécurisé installé sur un site Internet. “On fait surtout de la prévention. On se lit beaucoup, on s’informe, on surveille les maisons des uns des autres en cas de départs en vacances. On poste des photos parfois dans le groupe. Moi je le fais depuis une capture d’écran de ma caméra se surveillance. La convivialité dans le quartier a beaucoup augmenté”, explique André Masson, gestionnaire du site Internet.

L’homme de 87 ans est persuadé que le dispositif a permis de diminuer le nombre de vols, mais aussi d’augmenter la convivialité entre les habitants. “Quand on a suggéré la création d’un PLP aux autorités communales et à la police, elles n’étaient pas très enthousiastes à l’époque. Elles pensaient qu’elles auraient plus de travail. Avec l’aide du SPF Intérieur, on l’a créé et cela se passe très bien. Nos rapports avec la police et la commune sont aujourd’hui excellents”, indique André Masson. “On fait deux fois par an une réunion entre habitants avec le bourgmestre et le chef de zone. On a en général une cinquantaine de personnes. Un exemple de réussite du PLP? Une personne était entrée dans une habitation et on l’a signalée. On l’a revue ensuite huit jours plus tard. Elle a été arrêtée plus tard et aurait pris cinq ans de prison”.

L’expérience du quartier Sportcity à WSP

C’est Nicolas Sohet, retraité de 65 ans, qui se trouve à la base de sa création. “Il y avait déjà un premier PLP à côté de chez moi. Je me suis demandé ce que c’était et je me suis renseigné auprès de la commune. Dans mon quartier, on organisait déjà plusieurs petites fêtes des voisins et je me suis dit qu’on pourrait peut-être basculer dans ce dispositif. À la commune, on nous a aidés à délimiter une zone. Il faut veiller que ce soit ni trop grand ni trop petit. La zone compte au total environ 600 personnes. On a fait un petit flyer en expliquant le projet et on a invité les gens à faire une réunion d’information. Une cinquantaine de ménages font partie du PLP, ce qui représente environ 100 personnes”, explique-t-il.

Nicolas Sohet sert d’intermédiaire entre la police et les habitants du quartier: “Si un membre remarque quoique ce soit de suspect, il me prévient et je fais suivre à la police. Si celle-ci veut à l’inverse communiquer quelque chose aux membres du groupe, elle passe par moi. Si on nous dit par exemple qu’il y a beaucoup de vols de Toyotas de tel modèle, on sera particulièrement vigilant”. Si le coordinateur estime qu’il est trop tôt après un an pour faire un bilan en termes de sécurité, il souligne d’ores et déjà la plus grande convivialité dans le quartier. “Cela nous a aussi permis de mettre un visage sur la police. Les gens voient bien désormais qui est leur agent de quartier, leur commissaire”, complète Nicolas Sohet.

Des commerçants se lancent aussi

Le dispositif ne vise pas exclusivement les habitants d’un quartier. Les associations de commerçants qui le désirent peuvent également mettre en place un système de contact privilégié avec la police.  C’est le cas des trois PLP bruxellois: Scheut, Sablon et Châtelain.  “On a lancé ça, il y a une bonne année. Il y avait pas mal de vols autour du Sablon. On a contacté la zone pour savoir ce qu’on pouvait faire. On nous en alors parlé et on l’a mis en place. Ça nous permet d’échanger avec la zone et à celle-ci d’échanger avec nous. On a un groupe Whatsapp avec les commerçants. C’est moi qui reçoit les informations. J’envoie un mail à la police si ce n’est pas urgent. J’appelle si cela l’est. Mais je ne reçois pas des signalements tous les jours”, explique Jean-Charles Harzé, de l’association des commerçants du quartier des arts.

“On a aussi une relation plus directe avec la police. Et quand on a une question, on a une réponse rapidement”, indique-t-il encore. Du côté de la zone de police Bruxelles Capitale Ixelles, on voit le dispositif d’un bon œil. “Pour nous, cela permet de créer un contact plus direct entre les services de la Ville, les commerçants d’un quartier bien délimité et la police de proximité. C’était au départ une demande des commerçants d’avoir ce contact. Notre intention, c’est de resserrer les liens entre commerçants, les responsabiliser davantage entre les informant sur leurs droits comme citoyens et commerçants. On ne vise pas que les cambriolages, mais aussi les incivilités. C’est pour ça qu’on a une collaboration avec la Ville”, explique Bettina Merelle, référent de la zone pour le projet.

Julien Thomas – Photo: PLP Albert