Watermael-Boitsfort : l’amour entre les riverains et le Bercail n’est pas dans le pré
Jusqu’au lundi 8 février, les Boitsfortois peuvent se prononcer sur l’enquête publique visant la demande d’extension de ferme urbaine le Bercail, dans le site classé du couvent Sainte-Anne, avenue Léopold Wiener. Et les riverains sont nombreux à ne pas vouloir de ce projet qui ne respectent pas la législation.
En 2012 naît le projet du Bercail. Il s’agit de mettre quelques brebis laitières dans le parc classé du couvent Sainte-Anne, avenue Léopold Wiener à Watermael-Boitsfort. Le projet d’agriculture urbaine se rattache à une autre association, le Chant des cailles, situés à quelques rues. Là-bas, on pratique une activité de maraîchage et d’insertion socio-professionnelle. Les buts de ces structures suivent parfaitement la stratégie Good food de la Région bruxelloise pour l’autonomie alimentaire de la capitale.
Au couvent Sainte-Anne, les brebis entretiennent le parc et leur lait sert à fabriquer des fromages, des yaourts… Une grange est transformée grâce à un permis d’urbanisme en 2014 ainsi que la bergerie. Grâce à son permis d’environnement obtenu en 2013, le Bercail peut détenir 30 moutons. Cependant, comme le site est classé, il ne peut pratiquer d’activité commerciale sur place et doit vendre ses produits à la ferme du Chant des cailles, dans les restaurants ou au marché.
Seulement, l’activité fonctionne bien. Le nombre de bêtes augmente. Le Bercail veut s’agrandir mais ne demande pas les autorisations nécessaires. Les riverains alertent à plusieurs reprises la commune de Watermael-Boitsfort dès 2019 en expliquant qu’il y a trop d’animaux sur la parcelle de 1,7 hectare. De plus, une fromagerie a été construite, vraisemblablement sans permis d’urbanisme. Or, dans un site classé, seules des constructions temporaires peuvent prendre place à certaines conditions.
Le temps passe, mais rien ne bouge. Finalement, fin 2020, plusieurs demandes de permis sont déposées. Les dossiers sont jugés incomplets et il est demandé au Bercail d’introduire un seul dossier et de ne pas diviser les demandes en fonction des futurs pâturages des moutons. En effet, en plus du couvent Sainte-Anne, le Bercail souhaite mener ses animaux à la ferme du Chant des cailles ainsi que sur une prairie en zone Natura 2000, à la limite de la commune de Watermael-Boitsfort, nommée le Rouge-Gorge. Pour nourrir ces animaux, un terrain a aussi été loué à Overijse afin d’un faire du foin.
Le Bercail s’exécute et un permis d’urbanisme pour l’agrandissement de la bergerie, une construction de salle polyvalente, d’un abri pour un tracteur, d’un autre pour la paille et le foin ainsi que d’une fosse de 35m² pour le fumier est actuellement à l’enquête publique. A cela s’ajoute une demande de permis d’environnement pour la détention de 110 moutons sur 1,7 hectare. La commune a aussi demandé de regrouper les terrains. Une nouvelle demande de permis pour 155 moutons (75 adultes et 80 agneaux) sur 4 sites pour un total de 3,7 hectares (Couvent Sainte Anne, Chant des Cailles,Rouge-Gorge et Héronnière) ont été réintroduite. A cela, il faut encore ajouter les surfaces de pelouses pâturées par les brebis éco-pâtureuses ( 3 ha).
Respect du parc classé
En matière d’urbanisme, lorsqu’un lieu est classé, on ne peut plus y faire ce qu’on veut “mais on a tout de même une petite marge d’interprétation“, a expliqué le secrétaire d’Etat à l’Urbanisme, Pascal Smet (one.brussels), en commission aménagement du territoire à la députée humaniste Céline Fremault. Dans l’arrêté de classement comme dans le PPAS (plan particuliers d’aménagement du sol) qui a été confectionné, la zone est un espace vert lié à la végétation et au plan d’eau. Seule une activité didactique peut être exercé sur place et non commerciale. Il ne peut pas non plus y avoir le stationnement de véhicule motorisé. Or, pour exploiter le Bercail, il est prévu l’achat d’un tracteur ainsi que l’évacuation du fumier, l’acheminement de foin pour l’hiver… soit environ 499 véhicules pour 6 mois d’exploitation. Avec l’exploitation du terrain à Overjise, le Bercail réduira le nombre de semi-remorques.
Le Bercail parle aussi d’une fromagerie. A l’origine, il s’agissait du local à outils qui a été transformé “mais sans permis d’urbanisme. Nous avons dénoncé cela auprès de la commune sans que cela ne change, explique Cécile Robyns, riveraine et membre du comité de quartier. Dans leur nouvelle demande, ils font comme s’ils avaient un permis pour la fromagerie et ont trompé l’administration régionale et la Commission royale des monuments et sites. Cependant, ils ont reçu un permis pour la bergerie uniquement. Il faudrait demander un changement d’affectation du sol pour être en règle.”
Face à ces faits, Pascal Smet a demandé un rapport pour connaître la situation exacte sur le site car c’est la Région bruxelloise qui devra se prononcer sur le permis d’urbanisme
Un problème environnemental
A cela s’ajoute le permis d’environnement. Cette fois, c’est la commune qui devra l’octroyer. Le permis d’environnement doit permettre au Bercail d’avoir 110 moutons. Actuellement, il ne peut en détenir que 30. Pourtant, on compte dans les relevés fournis par le Bercail, 43 brebis laitières, un bélier, d’une quarantaine d’agneaux (le chiffre varie selon la période de reproduction) et de 8 brebis retraitées qui servent à un projet d’écopâturage afin d’entretenir les espaces verts de la commune.
Le troupeau change parfois de lieux de prairie, à l’exception des 45 brebis laitières qui doivent rester au couvent pour la traite. Elles se retrouvent donc sur 1,7 hectare ce qui n’est pas assez sans un apport en complémentaire. Pour les nourrir correctement, du foin est apporté de Dinant et elles s’attaquent aux troncs des arbres du verger classé. “Si on regarde les normes, il faut compter 10 moutons pour un hectare de prairie, explique Cécile Robyns. On devrait donc avoir 17 moutons et là on en demande 45 adultes plus les agneaux.”
Du fumier en grande quantité
Ces animaux produisent évidemment du fumier. Le Bercail estime que le troupeau en produira 50 tonnes par an. A partir de 51 tonnes, il faut demander un autre permis d’environnement avec d’autres contraintes. Déjà actuellement, les 39 tonnes produites annuellement sont stockées à même le sol dans le parc du couvent. “Le terrain est en pente. Les eaux ruissellent et la nappe phréatique n’est qu’à 9m sous-terre. On pourrait craindre une pollution à cause de l’ammoniaque et des vermifuges qui sont utilisés pour soigner les brebis. On pense avoir un projet écologique et pédagogique et finalement, on se retrouve avec une ferme qui veut aussi faire du profit en vendant la viande des moutons, leur laine, leur lait sous diverses formes…”
Du côté du quartier du Coin du balai, pour la prairie Rouge-Gorge, les voix s’élèvent aussi contre la possibilité d’organiser des transhumances entre les sites et de laisser des moutons et des bénévoles marcher et brouter sur le terrain qui est en lisière de forêt de Soignes.
Un collège boitsfortois indécis
Les commissions de concertation auront lieu le 23 février. Dans les deux dossiers, la commune aura un avis à donner. Or, jusqu’en mars 2019, l’échevine de l’Environnement, Odile Bury, celle de l’Urbanisme, Marie-Noëlle Stassart et l’échevin du Patrimoine, Daniel Soumillon, tous Ecolo, étaient membres de l’association la Ferme du Chant des Cailles dont fait partie le Bercail. Le comité de quartier a introduit une demande de récusation afin d’éviter tout conflit d’intérêt potentiel.
Vanessa Lhuillier – Photos: Le Bercail