Vaccination : une équipe mobile sur le terrain pour vacciner les personnes sans-abri

La vaccination des personnes sans-abri, migrantes et sans papiers a commencé hier. La campagne se déroulera au cours des quatre prochains mois et vise à vacciner dans une première phase 5000 personnes en situation de précarité, un public qui n’est pas couvert par les différentes phases de vaccination déployées jusqu’ici et n’a pas accès aux centres de vaccination. 

La campagne est organisée par la Cocom et menée sur le terrain par l’équipe mobile, “Mobivax”, constituée par le Samusocial, Médecins du Monde, Médecins Sans Frontières et la Croix-Rouge de Belgique. L’équipe est composée d’un médecin, une infirmière, un médiateur culturel, un pharmacien et un coordinateur. Elle se rende sur place, dans les lieux d’hébergement où vivent les publics visés. Les centres officiels pour commencer, ensuite les structures informelles, comme les squats.

La campagne de vaccination des personnes sans-abris a débuté

C’est le vaccin  de Johnson & Johnson qui a été réservé à ces publics vulnérables. “Il ne nécessite qu’une seule dose, ce qui est un avantage important dans une campagne de vaccination pour les personnes qui n’ont pas de domicile fixe, qui vivent dans l’ombre ou qui sont en transit dans notre pays”, expliquent les quatre organisations dans un communiqué de presse commun.

Une seule dose de vaccin pour les populations les plus défavorisées ?  (12 mars)

Écouter, expliquer, rassurer

La campagne de vaccination a commencé hier, au centre Lemonnier. Septante femmes isolées y sont hébergées, mais seule une trentaine a accepté de se faire vacciner. Beaucoup parmi ces groupes de population manifestent une certaine méfiance vis-à-vis des vaccins, en raison d’une mauvaise information. “Il y a des réticences“, explique Clément Froissart. Cet infirmier et coordinateur des équipes de promotion de la santé du Samusocial, est sur le terrain avec Mobivax, pour sensibiliser et informer.  La vaccination se fait sur base d’un consentement verbal individuel, et les éventuels effets indésirables seront surveillés. “Il y a des craintes, qui concernent notamment les effets secondaires. Notre travail consiste à écouter, expliquer et rassurer. Et nous parvenons ainsi à convaincre partiellement.” “Mais on constate assez largement un discours négatif sur les vaccins, lié aux difficultés d’accès à des informations vérifiées.”, poursuit-il.

Ce jeudi, l’équipe de Mobivax poursuit la campagne dans un centre qui accueille environ 170 hommes isolés à Evere. “Pour les plus réticents, on fait du porte à porte, pour aller au plus près de l’ensemble des bénéficiaires, et répondre aux questions de manière individuelle.”

L’objectif n’est pas de vacciner 100% du centre au premier passage. “Ce qui est important, c’est que les personnes puissent se rendre compte par elles-mêmes de la nécessité et de la fiabilité de la vaccination.”, ajoute encore Clément Froissart, qui croit aux effets bénéfiques du temps : “Cela va se faire sur la durée, à l’épreuve de la réalité, quand les uns et les autres verront que la vaccination s’est bien passé pour leurs voisins ou voisines de chambre.”

En outre, la vaccination n’est pas la priorité de personnes dont les principales préoccupations sont de savoir où elles vont passer la nuit, trouver de quoi manger et répondre aux besoins médicaux d’urgence, rappellent les quatre associations partenaires.

Relation de confiance

Les personnes hébergées sont pour beaucoup bien connues déjà de l’équipe mobile. En prévision de la campagne, celle-ci est passée par tous les centres pour préparer et informer le public, et répondre aux questions. Plus largement, le travail de sensibilisation par rapport au Covid a commencé depuis longtemps. “Cela fait plus d’un an que nous menons un travail sur le terrain, de sensibilisation, d’accompagnement et de promotion de la santé dans le cadre du Covid. Une relation de confiance s’est tissée au fil du temps, ce qui facilite le contact sur le vaccin aujourd’hui.” , observe encore Clément Froissart.

Prochaines étapes : le centre pour familles Hôtel Président, à côté de la gare du Nord, et le centre pour femmes isolées, à Molenbeek.

Première étape ?

Cette campagne de vaccination se concentre d’abord sur les centres reconnus. Elle visera ensuite les centres d’hébergement informels, comme les squats. Mais les équipent donnent la priorité aux abris d’urgence, dont certains pourraient fermer. “Nous sommes très préoccupés par la fermeture prévue d’un certain nombre d’abris d’urgence qui restent essentiels pour la protection des personnes vulnérables.“, s’inquiètent les associations.

5000 doses, c’est une première étape, insistent les quatre associations. Cela ne suffira pas, même s’il est difficile de donner un chiffre précis des besoins. “À Bruxelles, il y a au moins 5300 personnes sans-abri. Mais il faut y ajouter les personnes migrantes et sans-papiers, difficiles à dénombrer car vivant dans la clandestinité. Le nombre de sans-papiers est estimé entre 50.000 et 150.000 en Belgique, dont l’immense majorité vit à Bruxelles.”, indique Emmy Deschutteren de Médecins du Monde. “Nous espérons donc que cette campagne ne s’arrêtera pas à cette première phase, mais aussi que l’on rende les centres de vaccination accessibles à toutes et tous, y compris aux plus vulnérables et aux publics précarisés.”

De nouvelles doses seront mises à disposition si nécessaire, répond Inge Neven, directrice du service de l’hygiène à la Cocom. Celle-ci assure aussi que la vaccination des personnes sans-papiers devrait commencer prochainement. “Pour ce public difficile à toucher, on travaille avec un réseau d’associations, des acteurs locaux qui connaissent les familles et des solutions mobiles comme des antennes décentralisées.” Mais l’idée est aussi de rendre les centres davantage accessibles.

Reste la question des doses disponibles. Depuis plusieurs mois, la Région demande au Fédéral un complément de vaccins Johnson & Johnson, compte tenu de l’importance des publics concernés. Mais il faut compter aussi avec le retard de livraison au niveau européen.

S.R. – photo Albert Masias / MSF

■ Une interview de François Bertrand, directeur de Bruss’help, par Fabrice Grosfilley dans Toujours + d’Actu.