Pour leur rentrée, les magistrats bruxellois s’inquiètent d’un arriéré judiciaire “inquiétant”

Le procureur général ainsi que la présidente de la cour d’assises de Bruxelles Laurence Massart ont profité de la cérémonie de rentrée judiciaire de la cour d’appel de Bruxelles pour évoquer les améliorations nécessaires, à ses yeux, pour aider la justice.

Créer un fonds pour la justice, de manière à renforcer le fonctionnement de la police judiciaire fédérale, du ministère public et des cours et tribunaux en matière pénale, c’est l’idée que le Procureur général près la cour d’appel de Bruxelles, Johan Delmulle, a avancée jeudi, lors de la cérémonie de rentrée judiciaire de la cour. Alors que celle-ci analyse encore les recommandations faites par le Conseil Supérieur de la Justice (CSJ), de manière à pouvoir faire face à ses missions malgré la charge de travail et le peu de moyens, le Procureur estime que la création d’un fonds, alimenté par une partie des transactions pénales conclues et des amendes payées par les condamnés, est une solution pour favoriser une justice pénale plus rapide.

“L’idée n’est en rien révolutionnaire. Nous connaissons tous le Fonds de sécurité routière, duquel la police, le SPF Mobilité et le SPF Justice entre autres sont bénéficiaires […]. Un autre exemple très récent est le projet de loi visant à modifier le Code maritime belge […]. Dans celui-ci, on notera la création d’un Fonds […] qui servira principalement à améliorer l’application […] des lois sur la navigation”, avec un versement de 30% des amendes relatives à des infractions au Code maritime, a exposé le Procureur.

“Je préconise la création d’un tel fonds pour la Justice, en plus du budget ordinaire. Je note que le ministre de la Justice a déclaré, le 15 juin 2022, concernant la situation précaire de la police judiciaire fédérale, qu’il n’est pas fermé à cette idée. Eh bien, développons-la“, s’est exprimé le magistrat.

Des solutions pour faire face au retard de dossiers

Revenant sur l’audit du CSJ au sujet du fonctionnement de la cour d’appel de Bruxelles, Johan Delmulle a fait observer que le document dévoile que le nombre de dossiers entrant à la cour n’est pas plus élevé que dans d’autres cours. Mais, le problème est qu’elle est confrontée à “un plus grand nombre d’affaires de protection de la jeunesse […] et elle est aussi clairement confrontée à un nombre plus élevé d’affaires d’assises et d’affaires relevant de la compétence du parquet fédéral”, dont les dossiers sont souvent très volumineux, a-t-il expliqué.

Il constate que l’arriéré est toujours “préoccupant”. Notamment, les affaires arrivant devant la chambre des mises en accusation ont encore augmenté et les cours d’assises accusent de nouveau un retard dans l’examen des dossiers.

“Il faut réinventer fondamentalement le traitement des affaires d’assises et des affaires du parquet fédéral. Cet exercice requiert une intervention législative”, a estimé le Procureur. “La création – au sein de la cour d’appel de Bruxelles – d’un cadre légal spécifique et particulier de magistrats, greffiers et personnel administratif, également mutatis mutandis pour le parquet général de Bruxelles, chargés exclusivement du traitement des procès d’assises, pourrait être la solution”, a-t-il avancé.

“Concernant les affaires pénales du parquet fédéral, la solution devrait à mon avis comporter deux volets. D’une part, il faudrait une compétence exclusive pour le traitement d’affaires pénales fédérales par un seul tribunal de première instance (deux pour Bruxelles) et par une seule cour d’appel par ressort. Et, d’autre part, il conviendrait de créer au sein de la cour d’appel de Bruxelles une chambre des mises en accusation néerlandophone et une chambre des mises en accusation francophone, ainsi que deux chambres correctionnelles respectivement francophone et néerlandophone, exclusivement chargées du traitement d’affaires pénales fédérales”, a-t-il encore partagé.

■ Images de Jean-Christophe Pesesse et Charles Carpreau.

Avec Belga – Photo : BX1