Submergés par la gestion du Covid, la colère des écoles et des PSE gronde

Suivi des contacts, fermetures de classes, vaccination : la surveillance de l’épidémie de Covid-19 a changé la vie des établissements scolaires, et notamment des directions et des centres PSE. À tel point qu’aujourd’hui, certains font part ouvertement de leur ras-le-bol.

On savait les directions d’écoles débordées, bien avant l’apparition du coronavirus dans notre pays… Mais avec la crise sanitaire, la charge de travail des directeurs et directrices s’est considérablement alourdie : en effet, elles doivent assurer, conjointement avec les PSE (les centres de promotion de santé à l’école), le tracing des cas positifs, et à cela s’ajoute aussi la gestion des absences et des fermetures de classes.

Le CoBra, collège des directeurs de Bruxelles et du Brabant Wallon, qui regroupe environ 200 directions fondamentales catholiques, dénonce cette situation, devenue intenable selon eux. “C’est très lourd, et on est très mal pris de devoir jouer un rôle de contrôleur médical : ce n’est pas notre fonction (…) C’est nous qui devons dire aux parents de faire respecter la quarantaine, de renvoyer des élèves, etc. On nous fait jouer un rôle qui n’est pas le nôtre, et donc il y a vraiment un ras-le-bol. On va devoir dire simplement stop !“, explique Eric Lefebvre, président du CoBra, par ailleurs directeur d’une école primaire everoise.

► Reportage | Les directions d’école épuisées : exemple à l’école Notre-Dame de Lourdes à Jette (12/10/2020)

C’est un gros surcoût de travail, avec des cas qui se multiplient et des fermetures de classes dans certaines écoles. En terme de travail, de suivi, de communication avec les parents (…), c’est très lourd. Les directeurs dans le fondamental n’en peuvent plus de la charge de travail, déjà avant la crise du Covid, mais c’est devenu infernal, et beaucoup de directions sont à la limite du burn-out ou carrément en burn-out“, ajoute-t-il.

Le directeur, et président du CoBra, souligne également la charge administrative, notamment le nombre élevé de circulaires, “c’est de la sur-information, parfois très différente, venant de l’ONE, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, de la commune, etc. C’est complètement ingérable“.

Interview d’Eric Lefebvre, président du CoBra

► Article | Enseignement : le primaire du réseau libre mécontent des obligations de tracing (22/09/2021)

Du côté du SeGEC, le secrétariat général de l’enseignement catholique, on estime également que ces missions ne sont pas du ressort du milieu scolaire. “On l’a vu, en particulier à Bruxelles : on a fermé les centres de vaccination, et la responsabilité de la vaccination s’est déplacée vers d’autres acteurs, notamment les centres PSE, et la responsabilité du tracing s’est déplacée vers les écoles. Cela crée une charge de travail pour les directions qui sont déjà souvent saturées dans leur emploi du temps“, commente Etienne Michel, son directeur général.

C’est certain : la vaccination ne relève pas des écoles, on n’imagine pas des directions d’écoles faire des piqûres. La question du tracing, c’est extrêmement limite, cela relève de la politique sanitaire, et je ne vois pas pourquoi on charge les écoles de cette mission supplémentaire. On est dans une situation épidémiologique relativement contenue, mais si cela ne devait plus être le cas dans les semaines qui viennent, la surcharge de travail serait telle que cela serait totalement ingérable dans les écoles“, ajoute-t-il également.

Du côté de notre directeur d’école, celui-ci propose “qu’il y ait des formulaires à remplir par les parents, comme le PLF quand on revient de congés. Un document préparé par la Fédération, que les parents doivent remplir avec notre aide s’ils ne savent pas le faire. Mais que ce soit fait automatiquement, avec des réponses automatiques, un suivi informatisé“.

► Les dossiers de la rédaction | Enseignement fondamental : les directions d’école s’épuisent, et n’ont toujours pas de solution en vue (05/10/2021)

 

La colère gronde aussi chez les PSE

En première ligne, également, quant à la gestion du Covid en milieu scolaire : les centres PSE. Ceux-ci dénoncent aussi une surcharge de travail, alors qu’ils doivent s’occuper du tracing (conjointement avec les écoles), des contacts avec certains parents, de la gestion des conséquences des confinements sur les élèves, et également de la vaccination, pour les élèves qui rentrent désormais dans la catégorie d’âge y ayant accès… Et ce, en plus de leurs missions d’origine, comme les visites médicales ou les vaccinations habituelles.

Je n’appelle pas ça des nouvelles missions, mais plutôt de nouvelles injonctions (…) Ce ne sont pas les missions reprises dans le décret qui régit les activités du PSE. Pour moi, gérer le Covid c’est aussi s’occuper de la santé globale des élèves : nos missions sont là, normalement ! Et tout ce qui vient nous prendre du temps, comme le tracing en école ou l’organisation de la vaccination, cela nous détourne de nos missions“, nous indique le docteur Olivier Costa, médecin-coordinateur du PSE Libre de Bruxelles.

Une seule solution, pour ce médecin : que ces tâches supplémentaires, qui incombent aux PSE et aux écoles, soient assurées par les dispositifs déjà existants, mais réservés à la gestion épidémique hors-milieu scolaire. Olivier Costa plaide ainsi pour que le tracing scolaire soit assuré par les call-centers, et que la vaccination des jeunes soit assurée par les centres et antennes de vaccination.”On est majoritairement d’accord sur ce point-là : il existe des structures qui ont la capacité opérationnelle, la formation, la structure et qui font ça depuis un laps de temps suffisant. Donc le rapatrier chez nous, en nous demandant d’acquérir ces compétences-là, sur notre temps de mission habituel, c’est un problème car on est dévié de ce que nous devons faire habituellement“, explique-t-il.

Les PSE envisagent, d’ailleurs, de déposer un préavis de grève face à la situation actuelle.

Interview d’Olivier Costa, médecin-coordinateur du PSE Libre de Bruxelles

► En Immersion | Les indispensables, ces métiers dans l’ombre de l’école (10/09/2021)

 

La vaccination des jeunes à la traîne

Des plaintes du milieu scolaire, qui interviennent alors que la vaccination des élèves bruxellois est bien plus basse qu’ailleurs.

Ainsi, selon le dernier relevé de Sciensano, l’institut de Santé publique, 32% des 12-17 vivant à Bruxelles ont reçu une première dose (22% ont une vaccination complète), contre 83% en Flandre et 60% en Wallonie.

Données : Sciensano (22/09/2021)

► Versus | Mesures Covid à l’école : jusqu’où aller ? (24/03/2021)

Une vaccination plus importante des jeunes Bruxellois : il s’agit d’une des solutions avancées par le SeGEC. Il y a un mois, le secrétariat général de l’enseignement catholique plaidait déjà pour une évolution de la gestion pandémique dans les écoles, avec une vaccination obligatoire des enseignants, un pass sanitaire et davantage de sensibilisation.

La seule option possible, c’est l’augmentation significative des taux de vaccination, tant chez les enseignants que chez les élèves. On a beaucoup parlé de la vaccination des enseignants, en Wallonie on est à un taux assez élevé, à Bruxelles on ne sait pas très bien. Mais il faut s’intéresser aussi à la vaccination des adolescents de 12 à 17 ans, dont le taux est plus élevé en Flandre“, analyse Etienne Michel, le directeur général du SeGEC.

Interview d’Etienne Michel, directeur général du SeGEC

 

Arnaud Bruckner – Photo : Belga (illustration)