“Rien à fêter”, “illusions estivales”, “une drache de mesures antisociales” : l’opposition réagit à l’accord de l’été

Les principaux ministres du gouvernement fédéral ont bouclé leur accord de l’été, a annoncé le Premier ministre Bart De Wever. Celui-ci est intervenu lundi vers 04h00 du matin, après une nouvelle nuit de négociations. Plusieurs partis de l’opposition ont réagi aux premières informations concernant cet accord.
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Des réformes retenues et un glissement important vers la gauche
L’accord auquel a abouti le gouvernement Arizona au bout de la nuit ne va pas assez loin dans les réformes et donne trop de place aux thèses de gauche, a jugé lundi matin la cheffe du groupe Open Vld à la Chambre, Alexia Bertrand, dans une première réaction à celui-ci.
Le gouvernement Arizona a engrangé divers accords sur la réforme des pensions, la réforme fiscale, la modernisation et la flexibilisation du marché du travail, et sur la loi-cadre sur les soins de santé. “Notre pays a besoin de réformes profondes. À en juger par la conférence de presse du Premier ministre et les premiers articles de presse, il est clair que, bien que certaines réformes du marché du travail et des pensions aillent dans la bonne direction, il y a eu un autre glissement important vers la gauche. Toutefois, le prix avait déjà été payé sous la forme de la taxe ‘impôt sur les plus-values“, a déploré la cheffe du groupe libéral flamand, dans un bref communiqué. Pour celle-ci, à travers un accès plus souple à la pension minimale, des règles plus souples pour l’obtention d’un emploi et la retraite anticipée, “la liste des souhaits rouge a été presque entièrement cochée“. En revanche, la réduction des charges sur le travail n’a pas été mise en avant, alors qu’il s’agissait d’une promesse claire, a-t-elle déploré.
Des “illusions estivales” à la réalité du mouvement social à l’automne
L’accord de l’été du gouvernement De Wever a certes intégré des concessions au mouvement social sur la question des pensions, mais il engrange le plus grand recul social des quarante dernières années en matière du droit du travail, a vivement déploré lundi le PTB. “Cet accord d’été glacial va se heurter à un automne chaud“, a prévenu la députée et cheffe du groupe Sofie Merckx.
Le PTB relève comme autant de concessions sous la pression du mouvement social l’absence de sanction par un malus sur la pension des périodes de chômage économique, après une première avancée concernant les courtes périodes de maladie. Une troisième adaptation est attendue pour les périodes de maladie plus longues. Pour Kim De Witte, spécialiste des pensions pour le PTB cité dans le communiqué du parti d’extrême gauche, les gens n’acceptent pas ce malus injuste sur les pensions qui pénalise les personnes qui ont commencé à travailler jeunes dans un métier pénible, raison pour laquelle “nous continuerons, avec les syndicats, à exercer une pression jusqu’à la suppression complète de ce malus“.
“Sur le plan du droit du travail, la Belgique risque de devenir le Far West, où la protection collective des travailleurs — acquise par la lutte au fil des années — est mise en danger. L’augmentation massive des heures supplémentaires non imposées, la suppression de l’interdiction du travail de nuit et la suppression du temps de travail hebdomadaire minimum ne sont que quelques exemples du recul social que le gouvernement Arizona veut imposer aux travailleurs“, a encore dénoncé Sofie Merckx. “Nous soutenons tous ceux et celles qui rejettent cette casse sociale et qui descendront dans la rue le 14 octobre pour forcer ce gouvernement à reculer encore davantage“, a-t-elle conclu.
Il n’y a rien à fêter pour les travailleurs et surtout les travailleuses
“Il n’y a rien à fêter pour les travailleurs et surtout les travailleuses“, a lancé lundi Ecolo à la suite de l’accord de l’été conclu au sein du gouvernement le jour de la Fête nationale. Les écologistes ont dénoncé la “brutalité” des politiques soutenues par le MR et les Engagés au sein de l’Arizona: “les économies ? Ils les feront dans les mauvaises poches, sur les plus faibles et la classe moyenne : ce sont les travailleurs et les pensionnés qui paient l’addition“.
Ecolo s’inquiète des mesures qui pousseront la dérégulation du marché du travail: “les Engagés et le MR tournent le dos à la santé des travailleurs, à leur vie familiale et à l’équilibre entre temps de travail et celui qu’on a pour le reste de nos vies“, s’inquiètent la co-présidente Marie Lecocq et la députée Sarah Schlitz. “Les travailleurs vont devoir se plier en quatre pour un salaire inférieur, travailler tard ou tôt avec des horaires imprévisibles. Les décisions du MR et des Engagés, alliés à la NVA, vont accélérer l’épidémie de burn-out“. Les Verts ont aussi en ligne de mire le bonus-malus pension, notamment pour son effet sur les femmes. “Pas moins d’une salariée sur deux est concernée par la pénalité sur les retraites, contre seulement une sur cinq pour les hommes. Les femmes assument encore la majorité des responsabilités familiales non rémunérées, travaillent plus souvent à temps partiel et occupent des emplois moins stables“, ont rappelé Mmes Lecocq et Schlitz. Ecolo regrette l’absence de nouvelles mesures en matière de transition écologique. “Tout au plus, la Belgique honorera ses engagements. Aucune solidarité avec ceux qui font face au dérèglement climatique, ni d’accompagnement des ménages vulnérables“, a affirmé le parti.
Pas un feu d’artifice mais une drache de mesures anti-sociales
Le PS a vivement dénoncé lundi l’accord de l’été conclu durant la nuit par le gouvernement fédéral, en particulier les mesures touchant les pensions, la santé et le droit du travail. A ses yeux, il est injuste, déséquilibré et brutal.
“Cet accord, c’est une drache de mesures antisociales, une explosion de reculs pour les travailleurs, pour les pensionnés, pour les malades. Pour les travailleurs, pour les pensionnés et les classes moyennes tout deviendra plus difficile“, a déploré le chef de groupe à la Chambre, Pierre-Yves Dermagne. “Et pendant que l’on rogne sur les droits sociaux, que fait ce gouvernement pour le pouvoir d’achat? Il n’annonce pas 500 euros de plus par mois … mais à peine une centaine d’euros qui s’évaporeront comme neige au soleil au regard des économies annoncées, des nouvelles taxes et l’affaiblissement des services publics ! Et la réforme fiscale, soi-disant emblème de cette coalition, devient un trompe-l’œil, une promesse creuse. On nous avait promis une politique pour celles et ceux qui se lèvent tôt : ils se lèveront tôt mais pour moins, moins de droits, moins de sécurité, moins de justice sociale“, a-t-il poursuivi.
Selon les socialistes francophones, après la réforme du chômage, ce nouvel accord fragilise encore une partie de la population qui doit se battre pour tenir la tête hors de l’eau. Quant à la fusion des zones de police, elle constitue “une nouvelle victoire pour les partis flamands sans garantie pour améliorer la sécurité des Bruxellois, sans garantie de refinancement et en mettant en péril la police de proximité“. “Le MR et les Engagés ont, une nouvelle fois, servi les intérêts de la Flandre au détriment des Francophones“, a affirmé le PS.
Le PS, Ecolo-Groen et le PTB réclament une réunion de la Chambre cette semaine
Le PS, Ecolo-Groen et le PTB ont réclamé lundi que le gouvernement vienne s’expliquer cette semaine encore à la Chambre sur l’accord conclu durant la nuit.
Le parlement fédéral a terminé jeudi passé sa session avant les vacances. Mais l’opposition entend obtenir des explications sur l'”accord de l’été” de l’équipe De Wever, qui porte sur plusieurs sujets majeurs: pensions, salaires, horaires de travail, etc. Ecolo-Groen et le PTB ont annoncé qu’ils enverraient un courrier au président de la Chambre, Peter De Roover (N-VA), pour organiser un débat parlementaire à bref délai.
“Alors que tout le monde est en congé et que le Parlement ferme ses portes, l’Arizona s’accorde sur des sujets qui préoccupent: pensions, salaires et horaires de travail. Cela mérite un débat sérieux. Nous demandons un débat parlementaire cette semaine“, a souligné la cheffe de groupe PTB, Sofie Merckx.
Une réforme du marché de l’emploi qui néglige les plus précaires
La réforme du marché de l’emploi préconisée par le gouvernement de Bart De Wever dans son accord estival conclu lundi, ne tient pas compte de la situation des travailleurs les plus précaires, déplore DéFI dans une réaction.
Pour le parti d’opposition, la vision de la coalition Arizona (N-VA, Vooruit, CD&V, MR et Les Engagés) sur le marché du travail est trop simple. Elle risque de laisser sur le côté les familles monoparentales et “tous ceux qui n’ont pas le choix de leurs horaires“. “Notre marché du travail fonctionne grâce à un équilibre. Il était, selon nous, possible de flexibiliser ce marché, de créer de l’emploi, sans négliger à ce point la situation des travailleurs les plus précaires“, insiste la formation.
Essentiellement présent à Bruxelles, DéFI regrette la concrétisation de la fusion des zones de police, “une catastrophe pour la sécurité dans la capitale“. Le conseil des ministres restreint a en effet confirmé ce lundi le projet de fusion des six zones de police de la Région bruxelloise. Le parti amarante tance au passage Les Engagés qui “n’ont rien obtenu de plus que les 55 millions d’euros déjà promis” pour accompagner financièrement cette réforme. En conférence de presse tôt ce matin, Maxime Prévot (Les Engagés) a précisé que ce montant, réparti sur cinq ans, constituait un “socle de base“.
Enfin, DéFI s’inquiète que l’accord prévoit d’autoriser des visites domiciliaires de lieux où se trouvent des personnes qui refusent de coopérer à leur retour et qui représentent un danger pour l’ordre public. “Le gouvernement de Charles Michel avait dû reculer sous pression de la société civile. Laisserons-nous faire cette fois-ci?“, interroge le parti.
Avec Belga – Photos : Belga