Procès des attentats de Bruxelles : fabrication de bombes, stock d’armes… Le rôle de l’appartement de la rue Max Roos décrypté

L’appartement de la rue Max Roos a été au cœur de l’audience ce mardi. Les premiers devoirs d’enquête sur l’attentat à Maelbeek seront abordés mercredi. Les enquêteurs expliqueront notamment l’analyse des vidéos Stib et l’identification du kamikaze et d’un suspect en fuite. L’après-midi devrait être consacrée a la découverte de la planque rue des Casernes.

Les enquêteurs chargés du dossier Zaventem des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles ont détaillé mardi, devant la cour d’assises, les allées et venues dans l’appartement “conspiratif” situé au 4 rue Max Roos à Schaerbeek, depuis la location de celui-ci jusqu’au jour des attentats.

Pour rappel, dix hommes sont accusés dans le procès des attentats à Bruxelles et en périphérie. Oussama Atar, qui serait mort en Syrie, fait défaut. Huit autres – Mohamed Abrini, Osama Krayem, Salah Abdeslam, Sofien Ayari, Bilal El Makhoukhi, Hervé Bayingana Muhirwa, Ali El Haddad Asufi et Smail Farisi – sont accusés de participation aux activités d’un groupe terroriste, d’assassinats terroristes sur 32 personnes et de tentatives d’assassinat terroriste sur 695 personnes. Le neuvième, Ibrahim Farisi, ne doit répondre que de participation aux activités d’un groupe terroriste.

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10h52 – Le bail de la rue Max Roos a été signé deux mois avant les attentats

Le commissaire Thibault Bauwin, qui était enquêteur à la police judiciaire fédérale à l’époque des faits, a d’abord rappelé brièvement aux jurés comment l’adresse de l’appartement “conspiratif” de la rue Max Roos était arrivée dans l’enquête. C’est le témoignage du chauffeur de taxi ayant transporté les kamikazes et l’accusé Abrini à l’aéroport qui a permis très rapidement de s’y rendre.

Après un bref rappel de la configuration des lieux, le commissaire Bauwin a entamé la chronologie de l’occupation des lieux.

C’est le 19 janvier qu’a lieu le premier contact (dont la police a une trace) entre le propriétaire et Ibrahim El Bakraoui, qui se présente comme “Miguel Dos Santos”. Deux jours plus tard, le 21, un bail locatif est signé entre les deux hommes. Le loyer s’élève à 650 euros + 100 euros de charges, et Ibrahim El Bakraoui s’acquitte des deux premiers mois de loyers (février/mars) et de la garantie (1.300 euros), via un compte technique de la poste. “Un procédé classique du milieu criminel“, selon la juge d’instruction Bernardo Mendez.

La police photographiée lors d’une reconstitution dans la planque de la Rue Max Roos à Schaerbeek, le jeudi 19 mai 2016. Belga

Pour conclure le bail, Ibrahim El Bakraoui fournit de fausses fiches de paye “grossières” au propriétaire. Sur celles-ci, il est nommé “Miguel Do Sonto”, tandis que son identité sur le contrat de bail est “Dos Santos Miguelerjan”, et sur sa fausse carte d’identité “Miguel Dos Santos”. “Il s’agit d’une forme de négligence“, estiment les enquêteurs.

Le bail débute le 1 février, les premiers occupants de l’appartement arrivent vers le milieu du mois.

Quatre matelas ont été retrouvés dans le séjour de l’immeuble lors de la perquisition du 22 mars, mais le propriétaire dit n’avoir été en contact qu’avec “Miguel Dos Santos”.


11h30 – Tensions autour de la pause déjeuner

La reprise de l’audience après une première pause a été marquée par une intervention de l’accusé Ibrahim Farisi. Celui-ci, visiblement très remonté, s’est plaint d’avoir reçu une remarque de la part d’une policière, car il mangeait un sandwich en salle d’audience durant la pause.

On me provoque. Ils viennent ici pour me dire que j’aurais mangé un sandwich“, a-t-il crié. “Ils le font délibérément, ils disent que j’ai mangé un sandwich. Je ne peux manger nulle part ici, je n’ai pas de carte de crédit, ils m’ont tout pris. Je veux pouvoir manger assis, pas debout comme un chien“, a-t-il ajouté avant de quitter la salle.

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La présidente de la cour, Laurence Massart a demandé a ce qu’une solution soit trouvée pour les pauses déjeuner d’Ibrahim et de son frère Smail Farisi, qui comparaissent libres.


12h50 – Selon l’enquête, I. El Bakraoui, Abrini, Laachraoui et Krayem ont vécu à Max Roos

Pour arriver à cette conclusion, les enquêteurs se sont basés sur les traces ADN et empreintes des quatre hommes retrouvées sur des objets de la vie quotidienne, mais aussi sur les déclarations d’accusés en audition. Responsable de la location de l’appartement, Ibrahim El Bakraoui aurait également été le leader de cette cellule, selon les enquêteurs. Il aurait coordonné la préparation du TATP et les achats nécessaires, il aurait aussi donné des directives à Osama Krayem pour l’achat de deux sacs de randonnée.

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Selon l’enquête, Najim Laachraoui aurait été l’artificier du groupe. “Il semble maîtriser la confection de TATP“, d’après l’enquêteur, une hypothèse qui est confirmée par des enregistrements retrouvés dans le PC de la rue Max Roos. Il a également effectué des achats liés à la fabrication des bombes. Mohamed Abrini a vécu “un mois, un mois et demi” dans l’appartement, comme il l’a reconfirmé ce mardi devant la cour. Il dit avoir passé deux nuits chez Hervé Bayingana Murhiwa, mais les dates qu’il avance fluctuent. Les empreintes et le profil ADN d’Osama Krayem permettent également d’affirmer qu’il a vécu dans l’appartement où ont été fabriquées les bombes. Lors d’une audition, il confirmera avoir vécu une quinzaine de jours à Schaerbeek, avant de passer une nuit chez Hervé Bayingana Murhiwa et puis de passer les derniers jours avant les attentats dans l’appartement de l’avenue des Casernes à Etterbeek.

Les relevés de traces et empreintes permettent aux enquêteurs d’affirmer que Khalid El Bakraoui, Ali El Haddad Asufi et Bilal El Makhoukhi sont tous les trois passés à l’appartement, ne serait-ce qu’une fois. Ce qu’ils ne nient pas. Aucun élément tangible ne permet par contre d’affirmer qu’Hervé Bayingana Muhirwa et Sofien Ayari soient passés par l’appartement. Ils le contestent d’ailleurs et aucun accusé ne dit qu’ils y sont allés.

Interrogé par la présidente, Sofien Ayari a réaffirmé ne pas connaître l’adresse, sous-entendant que si cela avait été le cas, il n’aurait peut-être pas été “arrêté dans la cave de quelqu’un” qu’il ne “connaissait pas” après sa fuite de la rue du Dries.


15h26 – L’appartement Max Roos a servi de lieu de confection des bombes des deux attentats

L’appartement de la rue Max Roos a servi de lieu de conception, de fabrication et de stockage des engins explosifs improvisés (IED) utilisés pour les attaques à l’aéroport de Zaventem et dans la station de métro Maelbeek lors des attentats du 22 mars 2016, a expliqué le commissaire Bauwin.

Lors de l’une de ses auditions, Mohamed Abrini a révélé que Najim Laachraoui lui avait spécifiquement demandé de trouver un appartement en hauteur. “C’était impossible de le faire (le TATP, NDLR) ailleurs, car il fallait que les odeurs partent vers le haut, comme Najim me l’a expliqué“, a-t-il affirmé, précisant que le TATP n'”a été préparé que là“.

En se basant sur les achats effectués par les membres de la “cellule Max Roos”, listés plus tôt dans la journée, les enquêteurs estiment que la fabrication de l’explosif improvisé commence le 5 mars, ce qui coïncide avec l’achat des premiers précurseurs, produits utilisés pour la fabrication de la substance explosive, par Ibrahim El Bakraoui. La chambre de l’appartement est alors transformée en laboratoire, aux alentours du 7 mars.

Au début, ils préparaient les bombes dans la cuisine. C’était intenable. Surtout au niveau des odeurs“, a raconté Mohamed Abrini lors d’une audition. “Si je compte le nombre de jour avant le 22 mars, j’estime que la chambre a été transformée en labo 15 jours avant. C’est donc à ce moment-là que nous avons tous dormis dans le salon.” L’accusé a également décrit comment le séchage du produit était effectué à l’aide de ventilateurs soufflant de l’air chaud, augmentant les risques d’incidents. Il a également précisé que, ce séchage ayant également lieu dans le salon, tous les occupants étaient obligés de dormir avec des masques.

En tout, toujours selon Abrini, ce sont plus de 130 kilos de TATP qui seront fabriqués dans l’appartement rue Max Roos. La production ayant connu une intensification le 14 mars, lorsque Ibrahim El Bakraoui va acheter quatre nouvelles boites en plastique de 70 litres indispensable pour l’élaboration de l’explosif. Ce même jour, Mohamed Abrini a également été témoin d’un incident.

Il y avait Krayem, Laachraoui et El Bakraoui dans la cuisine, ils envoyaient des coups de seringues d’acide dans la préparation (…)  à un moment, ça a pris feu et ça a explosé. Krayem s’est brûlé le visage”, a-t-il expliqué aux enquêteurs. Cette version est soutenue par la liste des achats qui montre qu’Ibrahim El Bakraoui s’est rendu dans une pharmacie de garde ce même jour après 22h39 pour y acheter des pansements et de la pommade anti-brulure. Lui-même a dû se couper les cheveux, qu’il portait longs, car ceux-ci ont été brulés dans l’incident. Osama Krayem, de son côté, a toujours nié avoir pris part à l’élaboration du TATP et avoir été brûlé.

Les bombes seront terminées la veille des attaques, le 21 mars, jour où Osama Krayem ira acheter deux sacs à dos et convoiera les deux bombes destinées à Maelbeek de la rue Max Roos à l’avenue des Casernes.


18h06 – Seule la provenance de l’acide sulfurique utilisé pour le TATP a pu être retracée

Seule la provenance de l’acide sulfurique utilisé par la “cellule Max Roos” pour fabriquer du TATP (tri acétone/ tri peroxyde) a pu être retracée par les enquêteurs dans le dossier des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, a expliqué mardi après-midi le directeur d’enquête Gregory Moitroux. L’origine de l’acétone et du peroxyde d’hydrogène n’a pas pu être retrouvée.

Après la découverte de nombreux bidons dans l’appartement du 4 rue Max Roos, les enquêteurs ont mené une enquête de voisinage et parcouru les rues environnantes afin de trouver des commerces qui vendaient ce genre de produits, sans succès.

Le traçage de la carte Mobib de Ibrahim El Bakraoui les orientera vers le magasin Midi Brico 2000 dans le quartier Lemmonier. Là, leur attention sera attirée par le fait que le frère du gérant du magasin était déjà connu de leurs services. Des perquisitions sont menées et permettent de découvrir un entrepôt contenant des bidons de 5 litres d’acide sulfurique. Le gérant est placé sous mandat d’arrêt en 2017.

Niant dans un premier temps se souvenir de quoi que ce soit, l’homme finira par admettre avoir vendu plusieurs bidons de 5 litres, qu’il ne pouvait normalement pas vendre faute d’étiquette, à Ibrahim El Bakraoui, qu’il reconnaitra formellement. Questionné sur l’usage qu’il faisait de cet acide, ce dernier lui aurait dit qu’il s’occupait “du nettoyage de la tuyauterie”. Le mandat d’arrêt à l’encontre du gérant sera levé peu après cette nouvelle audition.

Les estimations finales de la quantité de précurseurs achetés par la “cellule Max Roos” s’élèvent à 510 litres d’acétone dont 430 ont été utilisés et 460 litres de peroxyde d’hydrogène dont 30 ont été retrouvés dans l’appartement. Leur provenance n’a pas pu être établie. Finalement seuls les 96 litres d’acide sulfurique provenant du magasin Midi Brico 2000 ont pu être retracés.

Avec ces produits, les enquêteurs ont estimé que le groupe avait pu produire 130 kilos de TATP.

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Avec Belga – Photos : Belga