Procès des attentats de Bruxelles : la défense de Sofien Ayari demande l’acquittement pour assassinats et tentatives d’assassinats

Mes Laura Séverin et Isa Gultaslar dérouleront leurs arguments pour défendre ce Tunisien qui s’était enfui, en compagnie de Salah Abdeslam, d’une planque de la cellule terroriste à Forest lors d’une fusillade avec la police, le 15 mars 2016.

Sofienn Ayari avait ensuite été arrêté en sa compagnie à Molenbeek quelques jours plus tard. D’après les messages audios retrouvés sur un ordinateur ayant appartenu aux terroristes, l’arrestation des deux hommes a été l’un des facteurs décisifs qui ont incité la cellule djihadiste à frapper plus tôt que prévu.

Pour le parquet, tout comme Salah Abdeslam, Sofien Ayari doit être considéré comme co-auteur des attentats, et donc d’assassinats terroristes et de tentatives d’assassinats terroristes, même s’il se trouvait derrière les barreaux le jour des faits. Il aurait en effet apporté “une aide essentielle” à la commission des attaques.

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En décidant de rester en Belgique, en résidant dans les planques, en réalisant des achats pour le compte de la cellule terroriste, en nettoyant des armes… le Tunisien a bel et bien participé aux activités d’un groupe terroriste, avait ainsi soutenu le procureur fédéral. Pour Bernard Michel, on peut, en outre, être co-auteur des attaques du 22 mars sans être physiquement sur place. Il avait, de la sorte, anticipé l’argument selon lequel Sofien Ayari ne peut être tenu responsable des attentats puisqu’il était en prison.

Le procureur avait aussi pointé le silence qu’avait gardé l’accusé après son arrestation le 18 mars 2016, rendant de telle sorte la commission des attaques possible. De son côté, le Tunisien affirme avoir rejoint ce qui restait de la cellule parisienne après les attentats du 13 novembre 2015 dans l’espoir de pouvoir retourner en Syrie. Il soutient qu’il n’était donc pas au courant des plans et des préparatifs d’un attentat en Belgique.


Me Laura Séverin a demandé l’acquittement de Sofien Ayari

Me Laura Séverin a demandé mercredi, devant la cour d’assises chargée du procès des attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, l’acquittement de Sofien Ayari pour les chefs d’accusation d’assassinats et de tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste. “Si M. Ayari avait fait demi-tour après son départ en Syrie, s’il avait retrouvé sa vie, ses amis en Tunisie, les attentats auraient quand même eu lieu“, a affirmé la pénaliste.

Pour la femme de loi, le parquet n’a pas réussi à démontrer l’intention de l’accusé de participer aux attaques du 22 mars. “Tous les éléments à charge invoqués sont issus du dossier de la rue du Dries à Forest pour lequel M. Ayari a déjà été jugé“, a-t-elle expliqué.

“Contrairement à ce que prétend le parquet, la rue du Dries n’est pas le point de départ d’une nouvelle cellule. C’est la cellule de Paris qui se retrouve et qui change de planque pour des raisons de sécurité”, a détaillé Me Séverin, insistant sur le fait que l’appartement n’était pas un lieu conspiratif. “C’est une cache, elle n’a pas été choisie pour sa proximité avec Forest National, elle n’a pas servi à fabriquer du TATP (explosif utilisé pour les bombes, NDLR) et les premiers achats de précurseurs datent de début mars 2016, alors que Najim Laachraoui (qui supervisait la confection des bombes, NDLR) ne se trouve plus à la rue du Dries.

Et l’avocate de pointer, à l’instar de plusieurs de ses confrères, “les raccourcis” du ministère public. “Le parquet a dit que ce n’était pas un hasard si on retrouvait une guirlande, des feux d’artifice et des détonateurs à la rue du Dries mais ce ne sont pas des objets illégaux.” Les feux d’artifice étaient encore emballés, il n’a jamais été question de guirlande dans la confection des explosifs et le SEDEE a assuré que les détonateurs n’avaient rien avoir avec ceux utilisés pour les bombes, a alors détaillé Me Séverin.

Du point de vue de cette dernière, la fuite de Sofien Ayari lors de la fusillade de la rue du Dries prouve qu’il n’était pas prêt à mourir en martyr. “Sa fuite a lieu quelques minutes après le premier échange de tir. S’il avait vraiment eu l’intention de mourir en martyr, pourquoi fuit-il ? Il aurait pu tenter de tuer un maximum de personnes à ce moment-là.

Pour en finir avec le dossier de la rue du Dries, Me Séverin a contredit les affirmations du parquet sur le fait que son client avait apporté une aide indispensable à la cellule en faisant des courses. “Ce sont des produits de première nécessité, de la nourriture, des médicaments. En quoi cela représente-t-il une aide indispensable ?  Tout ce que Sofien Ayari a fait à la rue du Dries relève de la participation aux activités d’un groupe terroriste, mais pas de la complicité de l’organisation des attentats.

S’attaquant au dossier des attentats à Bruxelles, l’avocate a assuré avoir “peu d’éléments à plaider puisque tout vient du dossier Dries“. “Le parquet affirme qu’il y a un lien entre M. Ayari et la rue Max Roos, car son ADN est retrouvé sur un sac à dos qui est passé de Dries à Max Roos, mais Osama Krayem avait déjà ce sac durant son retour de Syrie en compagnie de Sofien Ayari”, ce dernier l’a donc probablement touché à plusieurs reprises.

Un short portant de l’ADN de l’accusé et des traces de TATP a également été retrouvé dans la planque de l’avenue de l’Exposition à Jette. “C’était le point de départ des kamikazes de Paris et ils y ont donc transité avec les ceintures d’explosifs, mais il n’y a pas eu de fabrication de TATP dans cet appartement“, a rappelé Me Séverin.

Enfin, à propos du manuscrit aux noms d’Abdelaziz, Omar et Hamza (les noms de guerre respectifs de Mohamed Belkaid, Osama Krayem et Sofien Ayari), la femme de loi a insisté sur le fait qu’il ne s’agissait que de fragments de document qui ne pouvaient être datés et pouvaient donc remonter au dossier de Paris.

Me Laura Séverin a terminé sa plaidoirie par une partie plus théorique sur la participation par omission et l’application au cas de son client. Après avoir détaillé plusieurs jurisprudences et les éléments nécessaires pour qu’une personne soit reconnue coupable de participation par omission, la pénaliste a conclu qu'”au vu des éléments matériels, les éléments de participation par omission ne sont pas réunis et nous demandons donc l’acquittement pour les chefs d’assassinats et tentatives d’assassinat dans un contexte terroriste.

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14h50 – Sofien Ayari victime “d’accablement par substitution”, selon Me Gultaslar

Me Isa Gultaslar a estimé, au cours de sa plaidoirie, que son client Sofien Ayari était victime “d’accablement par substitution” de la part du ministère public. Il a rejeté plusieurs théories du parquet, devant la cour d’assises de Bruxelles estimant que la date du 1er décembre 2015 avait été choisie comme début de la période infractionnelle afin de rattacher le dossier de la fusillade de la rue du Dries et ses protagonistes, Sofien Ayari et Salah Abdeslam, au procès.

À la rue du Dries, on retrouve les mêmes organisateurs, logisticiens et protagonistes qu’à Paris. Dire le contraire, c’est une fiction“, a soutenu l’avocat. S’adressant aux jurés, il est revenu sur la façon dont le réquisitoire du parquet avait été construit. “Le procureur fédéral a commencé son réquisitoire en demandant quelles étaient les motivations d’Ayari dans ce dossier“, a rappelé Me Gultaslar. “Il vous a dit : ‘selon certaines informations, Monsieur Ayari était impliqué, avant son arrivée en Belgique, dans une attaque menée à Tunis contre un bus de la garde présidentielle’.”

L’avocat s’est alors étonné que son client n’ait fait l’objet d’aucun mandat d’arrêt international dans un tel dossier. Il a rappelé avoir demandé aux juges d’instruction si un tel mandat leur était parvenu, ce qui n’était pas le cas. “En France, ces éléments (l’implication de Sofien Ayari dans une attaque en Tunisie, NDLR) étaient retenus dans l’acte d’accusation. Après dix mois, le parquet antiterroriste français n’a rien gardé de tout ça dans son réquisitoire“, a martelé Me Gultaslar.

“Incompatibilité temporelle”

Ce dernier a également pointé l’incompatibilité temporelle entre cet attentat et la présence de son client en Tunisie. “L’attaque contre la garde présidentielle, ça a eu lieu le 24 novembre 2015. Il était déjà en Belgique. Vous pensez que le parquet fédéral n’a pas tilté sur ça ?“, s’est interrogé l’avocat.

Autre élément du réquisitoire du procureur dans le viseur de l’avocat : l’appartenance présumée de Sofien Ayari à la Liwa as Saddiq, un commando d’élite de l’État islamique. “Dans ce dossier, nous disposons de deux PV de la DGSI (services secrets français, NDLR) sur cette unité de l’EI. On n’y retrouve aucune mention d’Ayari.” Me Gultaslar s’est également employé à démonter l’idée, défendue par le parquet, d’un lien fort entre Sofien Ayari et Mohamed Belkaid, mort dans la fusillade de la rue du Dries. “Il n’y a pas un seul élément, une seule déclaration qui attesterait d’une proximité forte entre Belkaid et Ayari. En France, on a pris toute une après-midi sur monsieur Belkaid. On sait qu’il a participé à plusieurs batailles. Mais aucune mention de connexion avec Ayari n’en est ressorti.”

La défense de Sofien Ayari a, en outre, critiqué la façon dont le parquet avait mobilisé un rêve de Khalid El Bakraoui, le kamikaze du métro bruxellois, pour appuyer l’existence d’un lien avec son client.

Belga | Photo : Belga

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28 juin 2023 - 12h37
Modifié le 29 juin 2023 - 10h43