Procès des attentats de Bruxelles : la défense d’Ali El Haddad Asufi tente de minimiser son rôle

Le procès des attentats de Bruxelles se poursuit ce mercredi avec les questions des avocats de la défense à destination des enquêteurs et des juges d’instruction. Après la défense de Mohamed Abrini et celle d’Osama Krayem, l’audience de ce mercredi a débuté avec les questions de la défense de Salah Abdeslam, puis celle de Sofien Ayari et d’Ali El Haddad Asufi.


11h43 – Une explication sur un texte d’Abdeslam “mal interprété” à Paris

Mardi soir, l’avocate de Salah Abdeslam Delphine Paci avait mis en évidence un texte de son client que les enquêteurs belges n’ont pas pu dater. Or ce texte, qui se trouve dans la motivation du verdict pour les attentats du 13 novembre 2015 à Paris, a été daté par les enquêteurs français aux 25 octobre 2015, 22 janvier et 19 mars 2016. La présidente de la cour d’assises de Bruxelles, Laurence Massart, avait donc ordonné aux enquêteurs de vérifier si l’expertise française contredisait leur enquête.

L’explication des enquêteurs mercredi matin a surpris la cour : selon la cellule de lutte contre la cybercriminalité, il s’agit d’une “mauvaise interprétation des données” par la cour d’assises de Paris. Une explication technique a suivi, la Computer Crime Unit précisant que le texte était composé de fragments trouvés dans le dictionnaire du traitement de texte Word. En résumé, les données auxquelles il est fait référence concernent uniquement l’utilisation du dictionnaire, et non l’utilisation de Word lui-même, ni le texte final tel qu’il a été reconstruit. Dans ce texte, Salah Abdeslam exprime son désir de “terminer le travail avec les frères” après les attentats de Paris.

L’avocate d’Abdeslam avait précédemment indiqué que l’accusé avait admis être l’auteur de passages du texte, mais qu’il n’avait pas écrit le texte tel que les enquêteurs l’ont reconstitué.


12h30 – La défense d’Ayari se concentre sur les exactions du régime syrien

S’adressant à l’islamologue Mohamed Fahmi, Me Gultaslar, l’un des avocats de Sofien Ayari, a posé une série de questions concernant les agissements du régime de Bachar al-Assad en Syrie. L’interrogé a confirmé que ce dernier avait recours à la torture, aux viols et à toute sorte de traitements inhumains envers des personnes détenues.

Il existait des sortes de camps de concentration, des camps de mort en Syrie“, a expliqué l’islamologue, précisant également qu’une plainte avait été déposée pour crime contre l’humanité à ce sujet. Il a également affirmé que le régime syrien avait tué proportionnellement largement plus de civils que l’État Islamique (EI). “Y avait-il des attentats suicides en Irak avant l’intervention américaine ? Al-Qaida existait-il ?“, a également interrogé Me Gultaslar. “Pas à ma connaissance“, a répondu Mohamed Fahmi, confirmant, suite à une autre question, que l’administration américaine avait commis des abus dans les camps de détention en Irak, que des armes prohibées avaient été utilisées et que l’armée américaine avait fait beaucoup de morts dans le pays.

L’accusé Sofien Ayari lors du procès des attentats de Bruxelles. Photo : Belga/Jonathan De Cesare

Enfin, l’avocat a rappelé, via une question, que les djihadistes afghans étaient appelés Moudjahidines (combattants de la liberté) par Ronald Reagan à l’époque et que la destitution de Mouammar Kadhafi s’était faite grâce à un djihadiste reconnu.

L’orientation des questions de Me Gultaslar a laissé perplexes plusieurs de ses confrères, qui défendent les autres accusés. La voie empruntée par le pénaliste laisse toutefois penser qu’il va tenter de justifier l’adhésion de Sofien Ayari à l’EI par les atrocités commises par le régime syrien et les Occidentaux.


14h30 – La défense d’Ali El Haddad Asufi tente de minimiser son rôle dans les attentats

Les avocats de l’accusé Ali El Haddad Asufi ont à leur tour interrogé les enquêteurs. Les avocats Jonathan De Taye et Jean-Christophe De Block ont tenté de minimiser certains éléments à charge de leur client.

L’avocat Jonathan De Taye a commencé par souligner que l’accusé El Haddad Asufi avait été condamné pour “participation à une association de malfaiteurs terroriste” et non pour assassinat terroriste dans le cadre du procès des attentats de Paris l’an dernier. Les experts n’ont d’ailleurs pas décelé de radicalisation chez l’intéressé, ont soutenu les enquêteurs. “Ali El Haddad Asufi avait-il une fausse carte d’identité ?“, a demandé l’avocat De Taye. “Non“, ont répondu les enquêteurs. “A-t-il une kounia (nom de guerre, NDLR)?” “Pas à notre connaissance.”

Me De Taye a ensuite obtenu la confirmation par les juges d’instruction belges que son client avait été placé sous surveillance électronique pendant la période de détention préventive et que cette décision avait été confirmée “une dizaine de fois” (tous les deux mois, NDLR).

Les conseils d’Ali El Haddad Asufi ont par la suite souhaité préciser certaines informations concernant des numéros d’appel liés à l’accusé. Un numéro attribué à un phone shop en Hongrie a notamment été évoqué. Ce numéro a été relié par les enquêteurs à Ibrahim El Bakraoui, sauf qu’El Haddad Asufi a reçu un appel de ce numéro le 23 mars, le lendemain de la mort d’El Bakraoui. Un élément qui remet en doute, selon la défense, l’attribution de ce numéro au kamikaze de Zaventem et donc les contacts présumés entre ce dernier et El Haddad Asufi.

Puis, des publications Facebook attribuées à Ali El Haddad Asufi ont été évoquées. Me De Taye a souligné que leur nature n’est pas claire et que les données ne permettent pas d’établir avec certitude le degré d’implication de l’accusé dans ces partages.

M. El Haddad Asufi publiait surtout au sujet de la religion musulmane ou sur l’oppression des musulmans dans le monde, ou concernant la Palestine“, a précisé un témoin.


17h28 – Focus sur son rôle dans la recherche d’armes

La séance s’est poursuivie dans l’après-midi avec de nombreuses questions sur le rôle de l’accusé dans la recherche d’armes pour le compte des terroristes du 22 mars.

L’enquête a révélé qu’Ali El Haddad Asufi aurait aidé Ibrahim El Bakraoui dans la recherche d’armes, via les contacts qu’a son cousin avec des trafiquants d’armes néerlandais. “Le parquet établit un lien entre les Pays-Bas et les armes du 22 mars, or l’arrêt de la cour d’assises de Paris dit qu’il n’y a pas eu vente d’armes“, a souligné Me Jean-Christophe De Block. “Il s’agit bien de recherches d’armes“, a confirmé le parquet.

Dans l’enquête sur les attentats de Paris, des données téléphoniques avaient révélé que l’accusé parlait via WhatsApp à son cousin aux Pays-Bas dans ce qui semblait être un langage codé. Il était question de cinq “Clios”. Pour les enquêteurs, ces Clios correspondent à des armes, l’accusé disant, lui, qu’il s’agissait de cannabis. Dans son arrêt, la cour d’assises de Paris a également estimé qu’il s’agissait d’armes et non de stupéfiants.

Les enquêteurs n’ont pas retrouvé d’armes au domicile d’Ali El Haddad Asufi, ont-ils indiqué après une question en ce sens. Ils ont en revanche trouvé des stupéfiants, à savoir une petite quantité de cannabis.

L’accusé Ali El Haddad Asufi et son avocat Jonhathan De Taye aux procès des attentats de Bruxelles. Photo : Belga/Jonathan De Cesare

Me De Block a également évoqué le récépissé d’envoi par fax d’un certificat médical retrouvé dans la voiture de son client au moment de son arrestation, sur laquelle étaient notées les références de deux armes légères. L’écriture est celle d’Ibrahim El Bakraoui, est-il apparu. Par ses questions, Me De Block a tenté d’établir que les armes mentionnées sur ce papier se trouvaient dans un sac ramené à l’époque par Ibrahim El Bakraoui.

Les conseils d’EL Haddad Asufi ont ensuite fait référence à une série de dossiers extérieurs à celui des attentats de Bruxelles : une cache d’armes découverte à Bressoux, un box contenant des armes trouvé à Anderlecht,…

Il a également évoqué le dossier d’un homme connu de la justice pour trafic d’armes, un certain Léonardo Polino, et qui s’est trouvé en prison avec un des deux frères El Bakraoui. L’individu aurait déclaré que les frères l’avaient sollicité à leur libération pour savoir où se procurer des kalachnikovs, selon les enquêteurs.

Ali El Haddad Asufi a été condamné à 10 ans de réclusion pour son implication dans les attentats de Paris le 13 novembre 2015. La période de sûreté ayant été purgée, il pourrait sortir de prison dans l’hypothèse où il est acquitté dans le dossier des attentats de Bruxelles.

La Rédaction (avec Belga) – Photos : Belga