Pensions à la Chambre : comment des hauts fonctionnaires et ex-présidents ont profité d’un traitement jugé “illégal”
Les débats sont vifs à la Chambre, en ce moment, suite à des révélations de la présidente Eliane Tillieux (PS) sur des indemnités accordées à des anciens présidents de la Chambre et hauts fonctionnaires à hauteur de près de 7 millions d’euros. Le Soir révèle que ce régime était en place depuis 1998.
Le quotidien Le Soir est revenu, ce mardi, dans un long dossier mené par Xavier Counasse et Guillaume Derclaye sur le dossier qui crispe les coulisses de la Chambre depuis près d’un mois. Ce dossier montre que des hauts fonctionnaires ont bénéficié durant plus de 20 ans d’indemnités complémentaires à leur pension, soit plus de 7 800 euros brut par mois, un revenu supérieur à la loi Wijninckx qui plafonne les retraites du service public.
Plusieurs ex-présidents de la Chambre ont également obtenu une indemnité mensuelle supplémentaire dès leur 60e anniversaire “pendant une période égale à celle de la durée du mandat présidentiel exercé par l’intéressé”, ce qui a permis à cinq ex-présidents de gagner ces indemnités en plus. À savoir Jean Defraigne, Charles-Ferdinand Nothomb, Raymond Langendries, Siegfried Bracke et Herman De Croo.
Contournement de la loi Wijninckx
Selon l’enquête du Soir, le Bureau de la Chambre a demandé en 1998 au Collège des questeurs, sorte de bureau réduit en charge de préparer les futures décisions du bureau, de s’intéresser aux indemnités gagnées par le Sénat et par la Chambre, afin d’éviter toute discrimination entre les deux institutions.
Le collège aurait alors rapporté que les sénateurs bénéficient d’indemnités supplémentaires et a donc proposé que la rente actuellement proposée aux pensionnés de la Chambre devienne une indemnité de départ spécifique. Un changement de terminologie destiné à contourner la loi Wijninckx, une sorte de régime d’exception donc.
Depuis lors, il est rapporté que le texte n’a jamais été validé par le Bureau de la Chambre et que les montants ont toujours été versés, sans autorisation du Collège des questeurs ou du Bureau.
Les informations autour de ces indemnités ont été rendues publiques le 1er mars dernier par l’actuelle présidente de la Chambre Éliane Tillieux (PS).
Le Soir révèle que l’alerte est venue du fait que trois hauts fonctionnaires bientôt à la retraite ont tenté en 2021 de modifier le moment lors duquel ils pourront obtenir ces fameuses indemnités. Mais la nouvelle équipe dirigeante s’est opposée à ce changement et Eliane Tillieux a demandé des avis juridiques sur ces fameuses indemnités, qui ont été jugées illégales.
Herman De Croo affirme avoir remboursé
Pourtant, des alertes ont déjà eu lieu par le passé, comme le révèle Le Soir. Le Sénat a par exemple arrêté son système d’indemnités pour frais de représentation en 2004, mais ne l’a pas signalé à la Chambre.
Le fisc s’est aussi intéressé à ces indemnités, à deux reprises, sans suite. Le Soir révèle en prime que ces paiements mensuels pour les hauts fonctionnaires étaient séparés par rapport aux autres paies de la pension. Les paiements pour les anciens présidents étaient par contre bien encodés dans le budget de la Chambre.
La présidente de la Chambre Éliane Tillieux explique avoir lancé des procédures pour récupérer ces montants jugés indus entre 1998 et 2023. Pour l’instant, seul Herman De Croo explique avoir remboursé ces montants. Siegfried Bracke a pour sa part lancé une tribune sur le site d’opinions Doorbraak en affirmant que le système n’était pas illégal ni frauduleux.
Les procédures sont en cours, donc, mais il est possible qu’une réforme soit mise en place pour qu’un contrôle externe de ce paiement des pensions soit mené à terme.
■ Les explications de Grégory Ienco dans Le 12h30.