Pension minimum, travail effectif, bonus… : les détails de la réforme des pensions du fédéral

Le gouvernement fédéral est parvenu à trouver un accord dans le dossier de la réforme des pensions, a annoncé mardi peu après minuit le Premier ministre Alexander De Croo (Open VLD).

L’un des points les plus compliqués des longues négociations qui ont débouché sur cet accord portait sur l’accès à la pension minimum, que le gouvernement fédéral a déjà revalorisée. Pour la première fois en Belgique, celui-ci est soumis à une condition de travail puisqu’il faudra dorénavant 20 ans de carrière effective, à minimum 4/5 temps ou plutôt 5 000 jours,, pour y accéder. Remplir ces conditions ne signifie pas que le retraité reçoit la pension minimum complète. Le calcul se fait toujours au prorata de la carrière. Une carrière de 30 ans donne droit à une pension minimum de 1 085 euros bruts.

Des dispositions transitoires, âprement discutées, seront mises en place pour permettre un temps d’adaptation selon un tableau de dégressivité. Aucun travailleur qui a 60 ans ou plus aujourd’hui ne devra remplir de condition de travail effectif. Le régime des 20 ans s’appliquera pour les gens qui auront 55 ans en 2024.

La condition de travail effectif sera allégée pour les travailleurs qui ont connu des périodes d’invalidité. Dans le cas d’une personne qui a subi une période d’invalidité de 20 ans, elle serait réduite à 11 ans ou 3 500 jours.  La mesure concerne de nombreuses femmes, a insisté la ministre des Pensions, Karine Lalieux (PS) (photo). Les jours de congé de maternité, d’allaitement ou pour soins palliatifs ainsi que les périodes durant laquelle une personne est reconnue en situation de handicap compteront comme jours de travail effectif.

Un nouveau bonus de pension est introduit pour inciter les travailleurs à ne pas prendre de retraite anticipée. Ce bonus s’élèvera à un montant compris entre 2 et 3 euros par jour presté, avec un maximum de 3 ans. Cela pourrait représenter de 30 à 40 euros nets par mois par année supplémentaire, soit de 90 à 120 euros par mois si le travailleur choisit le maximum de 3 ans. “Une sorte de 13e mois”, selon la ministre des Pensions, Karine Lalieux. Le temps partiel sera revalorisé dans le calcul de la pension, à concurrence de 25%.

En bouclant ces discussions avant le terme annoncé du 21 juillet, le gouvernement résout un dossier qui risquait de miner considérablement les relations entre les partenaires.

Relire l’édito de Fabrice Grosfilley | Minuit moins cinq pour les pensions (vidéo)

Inégalités femmes-hommes

L’un des objectifs poursuivis par la Vivaldi était la réduction des inégalités entre les femmes et les hommes en termes de pensions. Celles-ci sont prises en compte, en veillant à ce que les personnes qui ont travaillé dans le passé à temps partiel – souvent des femmes – pour pouvoir s’occuper de leur(s) enfant(s) voient leurs pensions revalorisées. Le Premier ministre a mis en avant la valorisation du travail effectif dans la réforme : “qui travaille effectivement voit sa carrière valorisée par une meilleure pension”, a-t-il dit.

Karine Lalieux a, quant à elle, salué un “accord qui soutient l’emploi et les femmes”. “Après la hausse de la pension minimum, qui sera de 1 630 euros nets en 2024, la réforme des pensions s’étoffe de deux mesures positives, un bonus avantageux et une revalorisation du temps partiel dans le calcul de la pension minimum, ce qui augmentera le pouvoir d’achat des travailleurs et des femmes”, a-t-elle expliqué dans un communiqué.

Ecolo, par la voix du vice-Premier ministre Georges Gilkinet, a également insisté sur la situation des femmes. “Pour les écologistes, il était prioritaire de préserver au mieux les femmes et leur ouvrir de nouveaux droits”, a-t-il dit, avant de se réjouir que le régime particulier de pension du personnel roulant de la SNCB (un temps évoqué dans les discussions avec celui des militaires avant d’en être retiré, NDLR) soit préservé.

Réactions diverses entre gauche et droite

S’il salue l’accord, le président du MR, Georges-Louis Bouchez, a toutefois fait entendre une note plus critique.Cette réforme des retraites ne va certainement pas assez loin si l’on veut garantir le financement de notre modèle, mais constitue un pas important dans la bonne direction avec une plus grande valorisation de l’effort : 20 ans de travail effectif pour la pension minimale !”, a-t-il déclaré sur Twitter.

L’accord sur la réforme des pensions ne constitue pas une réforme majeure, a réagi pour sa part Conner Rousseau, le président de Vooruit : “Ma génération s’inquiète pour sa future pension. Pour y parvenir, nous devons vraiment oser réformer. Tant sur le plan fiscal que sur celui des pensions. Et ce n’est pas le cas. Je suis déçu. (…) Vooruit souhaite que les personnes qui commencent à travailler à 18 ans puissent prendre leur retraite à 60 ans. Mais il faut aussi que les gens aient effectivement travaillé s’ils veulent prendre une pension anticipée.”

“Cet accord n’est pas le point final de la réforme des pensions, mais un premier pas raisonnable”, a pour sa part réagi, dans un communiqué, le co-président de Groen, Jeremie Vaneeckhout.
“Cet accord prend en compte les personnes qui avaient un travail à temps partiel et accorde ainsi à de nombreuses femmes une pension minimum avec laquelle elles peuvent vivre”, a estimé le responsable des écologistes flamands.

Du côté des Engagés, dans l’opposition, on s’interroge sur le message du gouvernement fédéral “aux pensionnés qui ont travaillé dur avec une pension bien plus basse que dans les autres pays? À ceux qui cumulent différents statuts ? À ceux qui ont un métier pénible ? Aux jeunes à qui on remballe la patate chaude ?”, comme l’indique Catherine Fonck, la chef de groupe des Engagés à La Chambre, sur Twitter.

Pour DéFI, ces annonces sont une “réformeke” qui n’a “rien pour rassurer les citoyens sur la manière dont le gouvernement compte financer leurs pensions aujourd’hui, et surtout demain”. “La Vivaldi a accouché péniblement de quelques mesures qui, au mieux, corrigent certaines injustices mais ne répondent nullement aux défis d’aujourd’hui mais surtout de demain : assurer la pérennité et la justice de notre système de pensions”, réagit le président de DéFI François De Smet.

► Découvrez les détails de la réforme lors de la conférence de presse du gouvernement fédéral à voir ci-dessous :

■ Reportage de Valérie Leclercq, Béatrice Broutout et Laurence Paciarelli.

Avec Belga – Photo : Belga/Nicolas Maeterlinck

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19 juillet 2022 - 17h50
Modifié le 20 juillet 2022 - 07h27