Mesures sanitaires : qui organise les “Marches pour la liberté” ?
Dimanche aura lieu une nouvelle manifestation contre les mesures sanitaires. Depuis l’automne dernier, ces marches de protestation attire un public nombreux, mélangé, et aux motivations variées. Parmi les groupes et mouvements présents, à l’origine ou en soutien à ces rassemblements, certains ont des liens avec l’extrême-droite.
Qui se trouve derrière l’organisation des marches « pour la liberté » ? La première avait rassemblé quelques 35.000 personnes, selon la police (70.000 selon les participants) le 21 novembre dernier. Un public hétérogène, aux revendications multiples, qu’il faut distinguer des organisateurs et des groupes associés au mouvement. A côté des participants, en effet, il y a plusieurs dizaines de collectifs, plus ou moins structurés, idéologiquement très variés, avec des objectifs distincts, note Benjamin Biard, politologue, chargé de recherches au sein du secteur socio-politique du CRISP. Pour les uns, le refus catégorique pour des raisons philosophiques ou religieuses de la vaccination, pour les autres la contestation de l’obligation vaccinale, ou encore du CST. Certains étaient mobilisés pour défendre les secteurs de la culture ou de la santé, ou plus largement les libertés. « Bref, un mouvement hétéroclite. »
►Manifestation contre les mesures sanitaires le 21 novembre
Présence visible de l’extrême-droite
Mais on note aussi la présence au sein de ces manifestations de militants et de groupes d’extrême-droite, même si elle l’est de manière relative, ajoute le chercheur. On retrouve ainsi plusieurs types d’organisations, de collectifs, pas forcément organisés, notamment “Feniks“, collectif encore peu connu, si ce n’est par ses liens avec le groupuscule d’extrême-droite flamand Schild & Vrienden, dont il semble être une émanation. « En tout cas, il y a des liens entre eux par les personnes que l’on retrouve communément au sein de ces deux groupes. »
Pour le politologue, « la scène d’extrême-droite est très présente dans ces rassemblements comparativement à la place qu’elle a pu occuper par le passé lors de manifestations, où elle était nettement moins visible qu’aujourd’hui. » On a ainsi pu voir parader dans les récentes manifestations pour les libertés des groupes comme Nation, se vantant de marcher en première ligne contre la « dictature sanitaire ». Avec, en support, une communication facilitée et une visibilité renforcée grâce aux réseaux sociaux, leur principale caisse de résonnance, dont ont pu bénéficier également des collectifs plus confidentiels.
Militants du mouvement Nation lors de la “Marche pour la liberté” – Décembre 2021 (c. RésistanceS News)
Sur la vingtaine de groupes de soutien dont le sigle figure sur le premier appel à manifester, pour le 21 novembre dernier, à l’appel de la plateforme “Ensemble pour la Liberté”, six au moins sont d’extrême-droite ou en connexion avec elle, selon Het Observatorium, site web indépendant consacré à l’étude des formes contemporaines de l’extrême-droite. « Trois de ses collectifs sont clairement d’extrême-droite », affirme Manuel Abramowicz, fondateur de RésistanceS News. A côté de Feniks, apparaît également Civitas, organisation française catholique intégriste, dirigée par le belge Alain Escada. Autrefois actif au sein du Front National, Alain Escada est très visible au sein des manifestations “pour la liberté”. Lors de la dernière marche, le 9 janvier dernier, il partageait le podium avec les organisateurs, observe Manuel Abramowicz. La vidéo de sa prise de parole a été postée il y a quelques jours à peine en haut de la page Facebook d’Ensemble pour la liberté.
Militants de Civitas lors de la “Marche pour la liberté” – Décembre 2021 (c. RésistanceS News)
Enfin, Eveil est une jeune formation, qui se présente comme un nouveau parti politique, analyse Benjamin Biard. Elle ne rassemble que quelques dizaines de personnes, mobilisées autour des questions de libertés. Selon Manuel Abramowicz, Eveil a été fondé par des anciens du mouvement Nation.
A côté de ces groupes clairement connotés, poursuit le spécialiste de l’extrême-droite, d’autres entretiennent des liens troubles avec des mouvances ou des idéologies suspectes. C’est le cas de Viruswaanzin, ou Katholiekforum, où l’on retrouve le catholique ultra Dries Goethals. Benjamin Biard note pour sa part la jeunesse de nombre de ces mouvements, comme Eveil mais aussi En Colère, organisation née en octobre 2020, pour contester les mesures sanitaires.:
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Qui sont les organisateurs ?
La première manifestation a été organisée à l’appel d’Ensemble pour la liberté (Samen voor vrijheid). Pour Benjamin Biard, cette plateforme a pour objectif de rassembler le plus largement possible. « Pour ce faire, ils invitent et accueillent des groupes au profil idéologiquement varié. » Il ne s’agit pas en soi d’une organisation d’extrême-droite, selon le politologue, mais elle compte en son sein des groupes extrémistes qui peuvent être tentés d’instrumentaliser ces marches pour se donner davantage de visibilité.
Néanmoins les liens avec des mouvances extrémistes concernent aussi certains des organisateurs des marches, assurent tant Het Observatorium que Manuel Abramowicz. Ils visent en particulier Sarah Melis, qui, avec Ezra Armakye, membre fondateur du mouvement Vecht voor Vrijheid, se présente comme porte-parole d’Ensemble pour la liberté. Inconnue du grand public il y a quelques mois encore, Sarah Melis a attiré l’attention des observateurs pour avoir pris la parole le 21 novembre, vêtue d’un sweat-shirt arborant le logo du groupe Feniks. Pour Manuel Abramowicz, la jeune femme a au minimum côtoyé des personnalités proches de l’extrême-droite. « On la voit notamment sur une photo assister, au côté de Dries Goethals, au pèlerinage de Dixmude organisé par l’extrême droite flamande. On distingue également des militant du groupe nationaliste flamand Voorpost. Que fait-elle en si mauvaise compagnie ?», interroge-t-il.
Aout 2021 – Photo exclusive RésistanceS News
Sarah Melis et Ezra Armakye sont toujours très présents lors des rassemblements, mais les appels à manifester ont ensuite été diffusés par Simonjan Sarkis, au nom de Belgium United for Freedom et désormais Europeans United for freedom.
Les manifestants dans leur grande majorité n’ont rien à voir avec des positionnements extrémistes, tiennent à souligner nos interlocuteurs. Manuel Abramowicz a pu y observer lors des différentes éditions de l’événement, une foule bigarrée, “un public familial, des jeunes militants de gauche, des personnes de toutes origines, etc. Beaucoup manifestent pour la première fois“. Ces manifestations sont relativement inédites, relève encore Benjamin Biard. Elles ne sont pas structurées comme le sont les grands rassemblements syndicaux. Les médias sociaux y jouent un rôle essentiel, comme c’était le cas pour les Gilets Jaunes. Le public est hétérogène, ses revendications et positionnements politiques sont variés, mais l’extrême-droite est présente, et elle ne s’en cache pas, conclut Manuel Abramowicz.
S.R. – Photo : Arch. BX1