Mariam El Hamidine : “Le train était en route et j’ai sauté dedans”
Mariam El Hamidine (Ecolo) est devenue bourgmestre faisant fonction de Forest en novembre 2020. Elle ne s’y attendait pas et a dû faire face au deuxième confinement. Elle a conservé une gestion collégiale de la commune.
Nous sommes en janvier 2020 et le nouveau coronavirus se répand en Chine. Quel est votre état d’esprit?
Quand j’ai entendu parler pour la première fois du virus, j’étais assise en terrasse avec mes parents à Alger et je ne pensais pas qu’on allait en arriver là. C’était une succession d’annonces et je me demandait si c’était un rêve.
Lors du premier confinement, vous êtes échevine de la Population et des Seniors. Comment se passe cette période?
Personnellement, je n’ai pas été confinée car il fallait répondre aux demandes des citoyens. En tant qu’échevine, j’ai réuni toutes les associations forestoises pour voir comment répondre à l’isolement des seniors. La solidarité a été impressionnante. Les Forestois sont venus nous aider pour distribuer des masques dans les boîtes aux lettres. On a décidé de certaines actions pour aider les seniors à faire leurs courses. On leur apportait les repas à domicile, on a fait de la gym depuis les balcons, des moments de papote aussi. On a mis en place un numéro d’appel et on appelait une fois par semaine les personnes en difficulté.
Les maisons de repos sont particulièrement touchées lors de la première vague. Avez-vous le sentiment qu’elles ont été abandonnées?
Je ne le pense pas. Au contraire, on a eu cet instinct de protection envers les aînés. Cette pandémie est arrivée si vite qu’on n’a pas eu le temps de réfléchir. Il y a un incendie, on appelle les pompiers. Là aussi c’était la survie. On devait fermer les maisons de repos. Le personnel a sûrement usé de stratégies incroyables pour que les aînés vivent au mieux cette période. Une amie qui travaille dans une maison de repos m’a raconté que quand elle voyait une personne âgée pleurer, elle la prenait quand même dans ses bras.
Vous devenez bourgmestre durant le deuxième confinement. Cela vous inquiète de prendre cette fonction à cette période?
Cela a été inattendu mais le train était en route et j’ai sauté dedans. Echevine depuis 2012 avec des compétences importantes, je connais bien le fonctionnement de la commune. Stéphane Roberti (le bourgmestre en titre) ne cachait pas les dossiers à ses échevins. Quand on commence quelque chose, on a une pression supplémentaire le temps de prendre ses marques. Alors oui mes journées commencent très tôt et finissent très tard, mais j’aime ma fonction.
Vous découvrez aussi la conférence des bourgmestres.
C’est vrai et c’est compliqué car tout se fait par vidéo conférence. Je ne les ai jamais vus en vrai. On ne se connait pas mais je trouve que ces réunions sont importantes pour l’échange d’avis. La coordination est aussi passé par le ministre-président Rudi Vervoort qui a toujours répondu à toutes les questions.
Vous devenez aussi cheffe de la police. Avez-vous craint une augmentation trop importante des tensions entre la police et les citoyens?
C’est resté relativement calme à Forest. Je pense que l’être humain n’est pas fait pour vivre enfermé. Je comprends que les gens qui vivent dans un petit appartement à plusieurs, sans jardin, aient envie de souffler dans un parc. La police œuvrait au dialogue et cela s’est relativement bien passé.
Pensez-vous que le terrain a été assez écouté?
Je suis quelqu’un de terrain. Nos suggestions et nos remarques, ce sont les réalités que nous vivons. Nous en avons fait part à la Cocom notamment pour la vaccination. Quand nous allons au marché pour inscrire les gens pour la vaccination, c’est une constatation de terrain.
Aujourd’hui, quel est votre état d’esprit?
Je reste dans l’inconnu par rapport au lendemain. Je veux être confiante, mais dans la vie, on ne sait pas de quoi sera fait l’avenir. La veille du confinement, on ne savait pas que ça allait arriver. Je veux vivre avec l’espoir que la crise est finie mais personne ne connait l’avenir. Est-ce qu’un nouveau confinement est possible ? Des personnes ont perdu beaucoup d’un point de vue professionnel, psychologique, familial. On parle de ce qui est visible mais pas de l’invisible. Des petits enfants qui nous voient avec un masque sur le visage et qui demandent à en porter un aussi pour faire comme les adultes. Est-ce que cela laissera des traces?
Qu’est-ce qui a été le plus dur pour vous?
J’étais tellement prise dans le mouvement que je fonctionnais au jour le jour. Je ne me projetais pas. Je trouvais très dur que des personnes âgées ne puissent plus voir leur famille. J’imagine des gens qui avaient 90 ans, en fin de vie, et qui n’ont peut-être plus revu leurs enfants. Et d’un point de vue personnel, le contact humain m’a manqué. Je n’ai pas vu mes parents depuis novembre. J’ai hâte d’aller chez eux.
Qu’est-ce qui vous a surpris?
La solidarité m’a surprise. Elle était inimaginable. Des gens nous ont téléphoné pour nous prêter des machines à coudre, ils sont venus avec de vieux draps. On a eu des gens qui nous ont contactés pour donner des livres. Le personnel communal a eu des idées fantastiques. Cette solidarité était belle.
Qu’est-ce qui vous a choqué?
Ce qui m’a choqué, c’est que la vie peut basculer à tout moment. Cela a remis l’important au centre de mes préoccupations.
Cette crise a changé quelque chose en vous?
Je crois en l’humain et cela m’a renforcé dans cette conviction. L’important c’est l’humain. Je voudrais revoir le bal populaire de la place Saint-Denis où tout le monde danse. Je suis allée assister à une pièce de théâtre au Brass jouée par les usagers du CPAS. On ne pensait plus que cette pièce verrait encore le jour. Ces personnes souriantes qui se prenaient dans les bras, cela m’a émue, vous ne pouvez pas vous imaginer. C’est ça la vie.
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Vanessa Lhuillier