Logement à Bruxelles : la Cour constitutionnelle valide le moratoire hivernal sur les expulsions
La Cour constitutionnelle a rejeté jeudi le recours du Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires contre l’ordonnance bruxelloise qui modifie la procédure d’expulsion d’un locataire de son logement, en particulier la mesure qui suspend l’exécution d’un jugement d’expulsion pendant l’hiver.
Le Parlement bruxellois avait adopté en 2023, une ordonnance qui aménage la procédure pouvant aboutir à l’expulsion d’un locataire. Plusieurs mesures de cette ordonnance peuvent entraîner le report de l’exécution d’un jugement d’expulsion. En particulier, il est en principe interdit d’exécuter une expulsion du 1er novembre au 15 mars, ce qu’on appelle le « moratoire hivernal ».
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La Cour constitutionnelle a rejeté le recours contre ce dispositif. Elle a jugé que la Région de Bruxelles-Capitale était bien compétente pour adopter l’ordonnance attaquée. En outre, les diverses mesures qui reportent l’exécution d’un jugement d’expulsion ne violent ni le droit d’accès au juge, ni le droit au respect des biens, a-t-elle fait valoir. Selon la Haute instance, le moratoire hivernal ne produit pas d’effets disproportionnés. Il vise à éviter des situations contraires à la dignité humaine en l’absence de solution de relogement. Si le locataire ne paie pas l’indemnité d’occupation (en principe équivalente au loyer) pour la période du moratoire hivernal, le propriétaire peut en réclamer le paiement intégral au Fonds budgétaire régional de solidarité, a-t-elle fait observer.
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De plus, quatre exceptions au moratoire hivernal sont prévues. Une expulsion reste possible si le locataire a trouvé une solution de relogement, si le bien présente un danger pour ses occupants, si le locataire a un comportement dangereux pour autrui ou pour le bien et, enfin, si le propriétaire doit occuper personnellement le bien en raison d’un cas de force majeure, a-t-elle également épinglé.
Plus de 600 familles expulsées chaque année
Pour la secrétaire d’État bruxelloise en charge du Logement, Nawal Ben Hamou (PS), cet arrêt “est une très bonne nouvelle pour tous les locataires, les propriétaires responsables, les CPAS et toutes les structures qui œuvrent tous les jours à la réalisation du droit au logement pour toutes et tous, mais aussi pour la Région, qui économise 70.000 euros par famille relogée avant une expulsion.” “Ce moratoire visait à éviter des situations contraires à la dignité humaine et on ne peut que se féliciter de le voir ainsi confirmé par la Cour”, a-t-elle ajouté. “Aux portes de l’hiver et alors que le gouvernement fédéral supprime le financement du plan Grand Froid, la Région bruxelloise voit sa politique sociale du logement et de prévention des expulsions soutenue et confirmée définitivement dans un arrêt longuement motivé”, dit-elle encore.
D’après la secrétaire d’État, tous les jours, onze ménages bruxellois reçoivent une demande d’expulsion. Chaque année, ce sont plus de 600 familles qui sont expulsées de leur logement, parfois sans aucune solution de relogement, et avec des enfants en bas âge ou des personnes en situation de handicap. Ces chiffres qui datent de 2018 ont encore augmenté. Pour prévenir ces situations de sortie de logement, le Code du Logement prévoit désormais trois mesures préventives: une procédure d’expulsion adaptée pour permettre au CPAS d’intervenir à chaque étape de la procédure judiciaire, avant et après l’expulsion.
Le logement est ensuite immunisé contre les expulsions pendant toute la période hivernale, soit du 1 novembre au 15 mars, sauf cas de force majeure. Enfin, un fonds de solidarité est mis en place pour indemniser les bailleurs empêchés d’expulser pendant la période hivernale. Toujours d’après Mme Ben Hamou, en 2024, au moins 927 ménages répartis sur 16 communes ont pu retrouver une solution de relogement avant ou après l’expulsion grâce aux modifications qu’elle a initiées. L’administration de Bruxelles Logement a confirmé, selon la secrétaire d’État, que l’indemnisation des bailleurs ne posait aucune difficulté. Quelque 103 demandes ont été introduites en 2024 et 67 en 2025 avec un taux d’octroi de 70%.
Une victoire pour les locataires plus précaires, selon des associations
Pour les associations du secteur du logement qui étaient intervenues en faveur du dispositif, cet arrêt est “une victoire pour tous les locataires de la Région bruxelloise, en particulier les plus précaires et les plus exposés aux expulsions”. Celles-ci ont notamment épinglé le fait qu’outre le Syndicat National des Propriétaires, trois juges de paix avaient remis en cause l’ordonnance en décidant de ne pas appliquer le moratoire “sous prétexte, entre autres, une atteinte abusive du droit de propriété: or, un juge ne peut aucunement se dispenser d’appliquer une norme législative, comme l’a confirmé le tribunal de première instance de Bruxelles en janvier 2024. Suite à cela, les juges de paix des cantons de Molenbeek-Saint-Jean et d’Uccle ont adressé des questions préjudicielles à la Cour Constitutionnelle concernant la conformité du moratoire au regard des droits fondamentaux”. “A présent, nous voulons insister sur le fait que des moyens suffisants doivent être déployés afin que les mesures puissent effectivement être mises en œuvre, notamment à travers un refinancement des CPAS, à rebours des tendances actuelles, pour qu’ils puissent jouer leur rôle de prévention et d’accompagnement des personnes menacées d’expulsion”, ont insisté, dans un communiqué commun, les associations Loyers négociés, Rassemblement Bruxellois pour le Droit à l’Habitat (RBDH), Syndicat des locataires, la CSC, les Equipes populaires, la Fédération Bruxelloise Unie pour le Logement, la FGTB, Inter Environnement Bruxelles et le Mouvement Ouvrier Chrétien.
Belga





