L’Exécutif des Musulmans au cœur de vives tensions avec le gouvernement fédéral

Après de multiples déclarations, les tensions entre le gouvernement fédéral et l’Exécutif des Musulmans sont à leur paroxysme

La tension est particulièrement forte, ces derniers jours, entre le gouvernement fédéral et l’Exécutif des Musulmans : depuis le début de la semaine, les prises de position se multiplient, autant du côté de l’Exécutif que des autorités. Ainsi, le ministre de la Justice, Vincent Van Quickenborne (Open VLD) a suspendu une subvention destinée à la formation des imams (à hauteur de 250.000 euros), et lancé une seconde mise en demeure.

Dans un même temps, un rapport de la Sûreté de l’Etat a fuité mercredi dans la presse, pointant notamment la mosquée limbourgeoise de Mehmet Üstün, le président de l’Exécutif, comme proche du parti du président turc et d’un asbl responsable de la propagation d’idée extrémistes, rapportent certains de nos confrères. De quoi pousser le ministre à demander une enquête approfondie.

► Article | Le ministre de la Justice a demandé une enquête sur l’Exécutif des Musulmans (07/10/2021)

Ce à quoi l’Exécutif des Musulmans a réagi, par communiqué, en dénonçant une “chasse aux musulmans”, et en parlant d’une atteinte à la séparation entre les cultes et l’État. Contacté, Ramadan Gjanaj, le conseiller du président de l’Exécutif, nous explique aussi que “ce qui nous étonne le plus, c’est de voir des documents de la Sûreté de l’Etat qui fuitent, dans les médias ou ailleurs. Nous ne remettons absolument pas en cause le travail de la Sûreté de l’Etat, qui est tout à fait dans son rôle d’établir des rapports sur différents groupes, sur différentes institutions et sur différentes personnes. Mais ce qui pose problème ici est plus large : cela ne concerne pas uniquement l’Exécutif des Musulmans de Belgique. La question qui se pose est comment des documents sensés rester secrets se retrouvent sur la place publique. Cela pose une énorme question quant à la fiabilité, la confidentialité, la sécurité des rapports établis par la Sûreté de l’État

Nous posons le débat : pour quelle raison, systématiquement lorsqu’il s’agit de l’Exécutif des Musulmans ou de musulmans en général, on retrouve ces rapports en place publique. C’est ce qui nous pose problème. Il y a une chasse aux musulmans car c’est systématique“, ajoute Ramadan Gjanaj.

Interview de Ramadan Gjanaj, conseiller du président de l’Exécutif des Musulmans

Alexander De Croo s’exprime à la Chambre

Ce jeudi, c’était au tour d’Alexander De Croo (Open VLD), de s’exprimer à la Chambre, en séance plénière. Le Premier ministre a commencé par confirmer que la subvention de 250.000 euros est bien gelée, et a estimé qu’un audit financier serait indiqué.

Il a également indiqué qu’il “faut veiller à ce que la liberté de culte soit respectée, que la séparation entre l’Eglise et l’État soit également respectée. Mais soyons clairs : si l’Exécutif des Musulmans travaille avec des fonds publics, il est logique qu’il n’y ait pas le moindre doute quand à la façon dont ces fonds publics sont utilisés. Ce type de magouilles, on mérite beaucoup plus que ça dans notre pays. De qui qu’il s’agisse, on ne peut pas accepter cela, quelle que soit la communauté religieuse ou l’activité dont il s’agit”.

Intervention d’Alexander De Croo, ce jeudi à la Chambre

Du côté de l’Exécutif des Musulmans, on conteste les “magouilles” évoquées par le Premier ministre : “Les termes nous ont surpris, bien que nous avions très bien compris que le Premier ministre, pour qui on a un énorme respect, n’a fait que reprendre ce que le ministre de la Justice, absent lors de cette séance plénière, aurait déclaré. Toutefois, nous contestons et dénonçons les termes de magouilles et falsifications, étant donné que nos comptes sont non seulement établis par des comptables de profession, ensuite nous passons par un réviseur d’entreprise externe et indépendant qui les valide, et ensuite il y a le parcours légal et institutionnel : l’inspection des finances, la Cour des Comptes, le SPF Justice et ses services, avant d’atterrir au Parlement pour décider de l’octroi de budgets annuels“, nous explique Ramadan Gjanaj.

Je peux vous assurer que depuis 2014, depuis que cet Exécutif est en fonction, nous n’avons ni décelé aucune anomalie dans nos comptes“, ajoute le conseiller du président de l’Exécutif.

Des tensions en interne

Des tensions importantes entre le gouvernement et l’Exécutif des Musulmans qui interviennent alors que l’Exécutif fait également face à d’autres difficultés internes. Ainsi, trois membres se sont tournés vers la justice, rapportait il y a quelques jours l’agence Belga, pour demander la nomination d’un administrateur provisoire et des élections internes, pointant du doigt des dysfonctionnements, notamment en matière de comptes annuels, de budget et de procédures liées au CA.

Article | Des membres de l’Exécutif des Musulmans dénoncent l’absence d’élection et vont devant le tribunal de l’entreprise (30/09/2021)

Ils dénonçaient aussi des pressions de différents pays, comme la Maroc et la Turquie.

Sur ces points, l’Exécutif des Musulmans a réfuté le tout en bloc, et a indiqué qu’une élection interne devrait avoir lieu prochainement.

 

ArBr – Photo : BX1