Les Bruxellois de la flottille pour Gaza de retour, Alexis Deswaef se dit “soulagé”, mais inquiet pour ceux toujours détenus

Six militants de la flottille Global Sumud ont retrouvé mardi matin le sol belge après plusieurs jours passés en détention en Israël, parmi lesquels quatre participants belges, Alexis Deswaef, Latifa Gharbaoui, Navid Lari et Saddie Choua.

Leur avion en provenance d’Athènes a atterri vers 10h30 à Brussels Airport, et ils ont fait leur apparition vers 11h00 dans le hall d’arrivée, toujours vêtus de l’ensemble gris clair des prisonniers israéliens, chaussés de simples sandales et le reste de leurs affaires rassemblé dans de maigres sacs plastiques, pour la plupart. Des dizaines de sympathisants et militants étaient venus les accueillir, ainsi que leurs familles, restées sans contact direct avec eux depuis l’interception de leurs embarcations par la marine israélienne dans la nuit du 1er au 2 octobre et jusqu’à lundi soir.

■ Reportage de Camille Tang Quynh et Frédéric De Henau

© C.TQ

Les six ex-détenus de la prison de Ketziot, visiblement émus mais combattifs, ont fait leur apparition sous des applaudissements nourris et au rythme des slogans scandés par la foule, de “Nous sommes tous des enfants de Gaza” à “Stop, stop génocide”. 

Comme Greta Thunberg ou l’eurodéputée française Rima Hassan avant eux, les Belges ont témoigné de la dureté du séjour dans la gigantesque prison israélienne, et des violences subies. Avant même de pouvoir serrer dans ses bras ses enfants et sa femme, Alexis Deswaef brandissait dans le hall des arrivées un bout de plastique blanc: un colson. “Ces quatre derniers jours, nous étions menottés la plupart du temps”, lance-t-il dans un mégaphone. “Nous avons sauvé une menotte, gardé une preuve”, ajoute l’avocat, par ailleurs vice-président de la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH).  “All eyes on Gaza. L’histoire à raconter, ce n’est pas nous”, a encore insisté l’avocat, soulignant que les cellules de Ketziot hébergent encore des participants de la flottille Global Sumud. 

Alexis Deswaef, mais aussi Navid Lari, n’ont pas manqué d’égratigner au passage le gouvernement fédéral. “Si le politique nous avait soutenu, non pas après mais avant (l’interception des bateaux), avait soutenu la flottille, on y serait sans doute arrivé, dans la bande de Gaza”, assure Alexis Deswaef. L’avocat est en colère, et demande à voir dans quelle mesure les autorités belges ont mis en garde Israël de ne pas malmener la flottille civile humanitaire en outrepassant ses droits. “Je demande officiellement à Maxime Prévot de nous montrer les messages envoyés au gouvernement israélien, quand on était sur les bateaux!”

Les embarcations sur lesquelles les six militants se trouvaient avaient été interceptées dans les eaux internationales dans la nuit de mercredi à jeudi dernier par la Marine israélienne, “à 45 miles nautiques de la bande de Gaza”, précisent-ils. Des centaines de participants ont alors été emmenés à la prison de Ketziot, en plein désert.

Prison où ils ont reçu, peu après leur arrivée, la visite du ministre israélien de la Sécurité nationale, Itamar Ben-Gvir (extrême-droite), venus les traiter de “terroristes” et de “tueurs de bébés”, comme l’a raconté Saddie Choua mardi. 

Environ 160 de ces militants détenus après leur interception en mer ont été expulsés par Israël lundi vers la Grèce, dont les quatre Belges, la Luxembourgeoise et l’Irlandaise arrivés à Zaventem mardi.

Ketziot, une prison où l'on considère les détenus "comme des animaux"

Après leur arrivée en fin de matinée à l’aéroport de Bruxelles-National, les membres belges de la flottille Global Sumud libérés lundi par Israël ont témoigné des conditions de détention à la prison de Ketziot, d’une visite humiliante du ministre israélien d’extrême-droite Itamar Ben-Gvir aux violences physiques et psychologiques que l’on peut assimiler à de la torture, a souligné Alexis Deswaef.

L’interception de la flottille avait déjà donné le ton. “Notre bateau a été visé par un canon à eau, sans raison, avec pour unique but de nous humilier. Nous étions trempés.” D’où l’apparition des militants en training gris clair de la prison mardi matin à l’aéroport: les vêtements qui n’ont pas été jetés ont été laissés à moisir après l’arrestation (eux parlent de “kidnapping”, l’interpellation ayant eu lieu en eaux internationales).  

Après un long trajet, les militants arrêtés ont reçu à la prison la visite du ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben-Gvir, ont relayé Alexis Deswaef et Saddie Choua. “On avait été placé en plein air, c’était avant que l’on doive donner nos vêtements. Il y avait des journalistes, je pense, qui l’accompagnaient. Il expliquait qu’on était des terroristes, des baby killers. Il n’arrêtait pas de répéter ça: ‘baby killers'”, raconte cette dernière, qui donne habituellement cours dans l’enseignement supérieur artistique en Flandre. Comme les autres, elle avait jeté son téléphone à l’eau au moment de l’interception de son embarcation par les forces israéliennes. Avant cela, elle avait tenté d’envoyer toutes les vidéos réalisées à bord. Elle indique avoir été une des premières à passer devant le juge, sans avoir eu de contact avec un avocat. C’était “après environ 36 heures, sans boire et sans manger”, raconte-t-elle. “Il y avait de l’eau dans la cellule, mais elle était de couleur brune. Ça s’est éclairci après quelques jours.”  À un moment, des téléviseurs ont été installés dans la prison, montrant des vidéos sur le 7 octobre, l’attaque sanglante du Hamas. “On a aussi dû s’installer au soleil, pour regarder le film”, expose Saddie Choua, qui assure que cela n’a en rien changé ses convictions. 

 Plusieurs témoignent, comme d’autres militants expulsés vers la Grèce lundi, de mauvais traitements de la part des gardes. Saddie Choua dit avoir été, à un moment, trainée à terre et jetée dans sa cellule. Et “on a dû si souvent faire du bruit” pour exiger une réaction de la part des gardes. Par exemple quand “dans la cellule d’à côté, quelqu’un s’était évanoui”. 

Un récit similaire est relayé par Alexis Deswaef, selon lequel un détenu de la cellule d’en face avait été séparé de son insuline, pourtant nécessaire. “On a dû crier toute l’après-midi: ‘insuline for 16!’ (le numéro de la cellule, NDLR) Plus tard, on nous a crié: ‘désolé, nous n’avons pas de médecins pour animaux'”.  L’avocat dresse un parallèle avec Guantanamo. “Nous sommes là, maintenant, pour témoigner de la façon dont on est traité dans cette prison, où l’on ne nous considère pas comme des humains, mais comme des animaux”. 

Les quatre Belges ont fini par entamer une grève de la faim, à des moments différents. “C’était éprouvant, surtout dans cette ambiance de stress et d’humiliation permanente (…) La nuit, on venait nous réveiller, pour nous priver de sommeil”, indique Alexis Deswaef. Ces choses sont “des éléments de torture”, constate-t-il. “Tout ça, je connais, je l’ai lu, je l’ai défendu devant des tribunaux”. Il a passé du temps menotté avec un colson, “qui se serrait chaque fois qu’on nous tirait, qu’on nous guidait comme un animal, tête baissée”.  

Dans l’avion vers la Grèce, “jamais un plateau repas ne nous a autant goûté”, assure-t-il.  Et maintenant? “On va réfléchir avec nos avocats”, indique le vice-président de la FIDH. “Dix minutes de repos, puis on reprend la lutte!”, lance Navid Lari, trentenaire bruxellois, qui lance un appel global à “faire tomber l’oppression partout” (“à bas l’Arizona!”, scandera-t-il face à la foule).  “Nous avons subi d’horribles abus de droits humains, mais nous sommes conscients que les Palestiniens traversent encore bien pire”, indique quant à elle l’Irlandaise installée à Bruxelles Catríona Graham, qui regrette le sentiment d'”impunité”, selon elle, des autorités israéliennes.

 Navid Lari confirme: en prison, “c’était beaucoup plus dur pour ceux qui parlaient arabe, c’était du harcèlement permanent”. Tous ont en effet une pensée pour ceux qui sont encore détenus là-bas, qu’ils soient participants de la flottille ou palestiniens. “Il y en a qui étaient partis en isolement, qui n’ont pas été libérés. Et puis surtout, il y a des prisonniers palestiniens, derrière d’autres murs. Parfois, on chantait en espérant qu’ils nous entendent, pour qu’ils sachent que le monde ne les oublie pas”, indique Alexis Deswaef.

Belga – Photos : Belga

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