L’éditorial de Fabrice Grosfilley : un plan sur les rails ?

Un plan, ou plutôt une feuille de route, avec une liste de 22 action à entreprendre, voici ce qu’ont mis en place hier matin les autorités fédérales et bruxelloises pour améliorer la sécurité dans le quartier de la Gare du Midi. Une annonce faite depuis  la salle de presse du 16 rue de la Loi, le cabinet du premier ministre. Un décor qui était le même que celui qu’on utilise pour un comité de concertation, signe de l’importance qu’on prête  désormais au sujet. A la tribune, côte à côte, Alexander De Croo (Open VLD), le ministre de la Mobilité Georges Gilkinet (Ecolo), la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden (CD&V) et le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort

Ce plan en 22 points est donc le résultat d’une nouvelle réunion organisée hier martin sous la direction du centre de crise. Du concret, enfin, serait-on tenté de dire, après plusieurs semaines d’appels à la mobilisation générale. On ne va passer en revue les 22 mesures mais on retiendra la promesse d’installer à nouveau un commissariat dans la gare (il sera accessible aux voyageurs mais aussi aux habitants du quartier), une interdiction de consommer de l’alcool, sauf si on est attablé dans un café ou une buvette, des toilettes gratuites pour les sans-abris, mais aussi un accès moins libre à certains quais de train et la promesse d’une présence régulière des forces de police. On citera aussi pêle-mêle l’effacement automatique des tags et graffitis, un meilleur éclairage, plus de caméras de surveillance, plus de maraudes et l’ouverture d’un centre d’accueil pour les mineurs non accompagnés.

Faut-il se réjouir  ? Oui, bien sûr. Parce que toutes ces mesures vont dans le bon sens et qu’ elles sont de nature à renforcer le sentiment de sécurité. Elles répondent en grande partie aux demandes des autorités locales, de la zone de police, de la patronne de la SNCB, des associations de quartier, bref, de tous les acteurs qui se sont exprimés ces derniers mois. Il faut saluer cette mobilisation et la possibilité enfin affichée de toutes les niveaux de pouvoir d’enfin pouvoir parler d’une seule voix. On ne se renvoie plus la balle, on coordonne les actions, on promet d’avancer dans le même sens.

Pourtant, nous restons sur nos gardes. On ne voit pas comment il pourrait en être autrement tant le plan annoncé hier semble se limiter aux déclarations intention. On a pris des décisions, on a dessiné une route, ou tracé une ligne si on veut être dans la métaphore ferroviaire, mais on n’a pas encore pu  rattacher tous les wagons, on ne sait pas quel carburant utiliser et on n’a toujours pas désigné le conducteur qui sera chargé de piloter la locomotive. Sur la coordination entre police locale et police des chemins de fer (la fameuse “unité de commandement”),  cela reste flou. Sur le nombre de policiers qui viendront en renfort, pas de chiffres. Sur le liex précis où l’on installera le commissariat et sur sa date d’ouverture, pas d’info non plus. Bref, on sait ce qu’on doit faire. On ne sait pas encore vraiment qui va le faire, quand et avec quel budget. A l’exception du centre pour mineurs non accompagnés qui est déjà dans les cartons de la Région bruxelloise, pour le reste il va falloir passer de l’intention à la concrétisation. Et cela, à 9 mois d’une élection, pourrait se révéler un peu inquiétant. On a un plan. Mais on sent bien que pour sa mise en musique, ce sera pour plus tard.

La vigilance va donc être la règle pour tous ceux qui s’intéressent à ce dossier. Il va falloir vérifier maintenant que tous les acteurs concernés, la ministre de l’Intérieur, le ministre des Transports, la SNCB, la Région, les communes, respectent bien la feuille de route qu’ils viennent de se fixer. Et on va émettre un second souhait : que ce qui vient d’être possible pour la Gare du Midi le soit aussi pour la Gare du Nord (qui  souffre des mêmes maux)  et pour les grandes stations de métro. Il vient de se passer quelque chose autour de la Gare du Midi. Notre lasagne institutionnelle a pris un aspect un peu plus appétissant que d’habitude grâce à la volonté des décideurs de se serrer les coudes et de travailler tous ensemble. Ces décideurs seraient bien inspirés d’appliquer la recette à d’autres dossiers sensibles.