L’éditorial de Fabrice Grosfilley : pour réformer les institutions francophones, le sens du détail

Dans son édito de ce jeudi 28 septembre, Fabrice Grosfilley revient sur les possibles réformes de la Fédération Wallonie-Bruxelles.

Les francophones, réussiront-ils à réformer leurs propres institutions ? Toiletter, dégraisser ou moderniser (au choix) la Fédération Wallonie-Bruxelles, pour la rendre plus compréhensible, plus efficace, plus proche du citoyen, plus économe en moyens aussi : voici l’enjeu d’une grande discussion lancée entre présidents de parti francophones depuis quelques mois. Discussion qui a donc permis d’aboutir à de grands principes sur lesquels les présidents de la majorité actuelle au sein de cette fédération (Paul Magnette pour le PS, Georges-Louis Bouchez pour le MR et Jean-Marc Nollet pour Ecolo) auraient donné le feu vert annonce le journal Le Soir ce jeudi matin. Il faut nuancer tout de suite, parler d’un accord est un peu abusif, on en reste pour l’instant à des grands principes, il y a encore beaucoup de points à régler. Et ce ne sont pas des points de détails.

Pour être franc avec vous, depuis 30 ans que je fais ce métier, j’entends tous les ans ou presque qu’on réformera la Fédération Wallonie-Bruxelles, qu’on appelait autrefois la Communauté Française…Qu’il faut la fusionner avec les régions, qu’elle ne sert finalement à rien, ou pas grand-chose, qu’elle n’est pas suffisamment financée, qu’il faut mettre de l’ordre dans tout cela, qu’il y autre trop de niveaux de pouvoir auxquels le citoyen ne comprend rien, et donc faisons simple, donnons un grand coup de balai. Et puis, tous les ans ou presque, on se rend compte que les choses sont beaucoup plus compliquées qu’il n’y parait. Que la Communauté (ou la Fédération) a sa raison d’être (servir de trait d’union entre francophones de Bruxelles et Wallonie et gérer les politiques qui leur sont communes.) Que transférer ses compétences aux régions ce n’est pas forcément être plus efficace, et surtout que Bruxelles n’étant pas une région à 100% francophone, on ne peut pas y transférer des compétences qui ne concernent pas les néerlandophones.

Reprenons. Nos présidents de partis se sont surtout accordés sur une réduction de la taille du gouvernement de la Fédération. On y ferait siéger des ministres qui sont déjà dans le gouvernement wallon ou dans le gouvernement bruxellois. C’est ce qu’on appelle “la double casquette.” Le ministre de l’emploi wallon pourrait par exemple être ministre de la recherche et de l’enseignement supérieur à la Fédération. Double casquette, mais simple salaire, précisons-le, un moyen de montrer à l’opinion qu’on fait des économies (anecdotiques en réalité, mais c’est symbolique.) Une exception est  envisagée pour le ministre-président qui continueraient à ne siéger que dans un seul gouvernement. Autre idée sur la table  :une réforme du parlement de la Fédération où le principe de “double casquette” est déjà appliqué (les parlementaires de la Fédération Wallonie-Bruxelles sont les parlementaires du Parlement Wallon augmentés d’une délégation du Parlement Bruxellois, qui siègent une semaine sur deux dans le Parlement communautaire, et là aussi ils ne perçoivent qu’un seul salaire.) On pourrait diminuer leur nombre et aussi diminuer le nombre de séances.

L’essentiel de la réforme (si on en veut une) n’est pas là, mais plutôt dans le transfert de compétences. Une revendication de longue date des régionalistes wallons qui estiment que la Fédération s’occupe de matières qui serait gérées plus efficacement par le niveau régional. Quelles matières transférer ? La petite enfance (l’ONE, les crèches) , l’aide à la jeunesse, les sports, les maisons de justice pourraient être concernées. L’éducation et la culture ne le seraient pas. Cela n’a pas vraiment de sens d’avoir deux programmes scolaires distincts entre wallons et bruxellois, et on a visiblement intégré dans les états-majors que deux administrations de l’enseignement, avec au final deux corps d’inspecteurs, et des diplômes qui n’auraient plus la même valeur ne relevait pas de l’efficacité.

Il reste donc un problème de taille que les présidents n’ont pas résolu. Où transférer ces compétences qu’on souhaite retirer à la Fédération ?  À la Région Wallonne pour la Wallonie, c’est facile. À Bruxelles en revanche, c’est plus compliqué. À la Région Bruxelloise ? Non, par ce que cette institution gouverne des francophones et des néerlandophones. Elle ne peut donc pas gérer des matières qui ne concerneraient pas tout le monde. Les flamands sont-ils prêts à transférer les mêmes matières pour avoir une symétrie entre les deux groupes linguistique ? On peut en douter (c’est une litote). Il faudrait donc transférer ces matières à la Cocof, la Commission Communautaire Française. Sauf que la Cocof est déjà en difficulté financière. Il faudrait donc la refinancer. Là, on n’a pas la solution. Même pas de piste de solution. Et malgré tout le respect qu’on a pour la COCOF, en termes de simplification, de modernisation et de lisibilité pour le citoyen, on est quand même très loin du compte. Ce plan est donc à ce stade très wallon, et quasiment inapplicable en Région Bruxelloise. L’intention est donc là. Pour la concrétisation, il y a encore un peu de travail.

Fabrice Grosfilley