L’éditorial de Fabrice Grosfilley : la saga du métro et l’arbitrage électoral
Est-ce la fin du tunnel pour le métro 3 ? Le projet va-t-il enfin être sur de bons rails, les erreurs d’aiguillage appartiennent-elles au passé, le projet va-t-il entrer en gare et le prix du ticket n’est-il pas trop élevé ? Outre qu’il permet une impressionnante quantité de métaphores douteuses pour journalistes en mal d’inspiration le projet de métro 3 est à l’évidence un projet majeur pour l’aménagement de la Région Bruxelloise. Un chantier colossal, des enjeux financiers qui le sont également, et un but ultime : améliorer la mobilité de tous les Bruxellois, en connectant au centre-ville des quartiers qui ne le sont pas encore et en permettant d’étendre le maillage de la STIB. Le métro, pour rappel, partira à terme de la station Albert, dans la commune de Forest. Il remontera ensuite par le parvis de Saint-Gilles, la porte de Hal, la Gare du Midi avant de traverser le centre-ville, Anneessens, la Bourse, De Brouckere, Rogier, la Gare du Nord. Ensuite on devrait l’étendre à travers Schaerbeek, la place Liedts, la place Collignon, le square Riga pour aller jusqu’à la station Bordet dans la commune d’Evere. Pour tous les Bruxellois de ces quartiers, c’est la promesse d’arriver au centre-ville en 10 minutes. Ajouter les interconnexions à Rogier, De Brouckere et la Gare du Midi et vous décuplez les avantages à employer ce mode de transport qui est de loin le plus rapide pour parcourir de grandes distances en Région Bruxelloise.
Pour l’instant les travaux se limitent à la partie sud du projet. Celle qui reliera Forest au centre ville. Pour l’essentiel il s’agit de transformer en vrai métro des lignes de prémétro, une infrastructure tramway qui doit donc être améliorée, avec une exception : la station Lemonnier. Celle-là est de conception trop ancienne pour accueillir le métro, il fallait donc en construire une autre, la fameuse station Toots Thielemans. C’est là que le projet a commencé à déraper. Le forage et surtout la construction de cette nouvelle station se sont avérés plus compliqués que prévu en raison d’un sol plus meubles qu’annoncé. Les sociétés de travaux publics et les pouvoirs publics (par l’intermédiaire de la STIB) ont commencé à se renvoyer la responsabilité. les travaux ont été arrêtés et tout le monde est allé en justice.
Le journal Le Soir annonce ce matin que ce bras de fer judiciaire a désormais pris fin. La STIB et les entreprises regroupées dans le consortium TOOTS sont donc arrivées à un accord. Les travaux vont donc, théoriquement, pouvoir reprendre. Pour être franc, on le sentait venir cet accord : il y a quelques semaines les entreprises avaient retiré une des actions judiciaires qu’elles avaient entreprise contre la STIB, (il faut rappeler que de son coté la société de transports en commun les avait fait condamner à des pénalités pour chaque jour de retard pris sur ce chantier, les entreprises contestaient la hauteur de ses pénalités, voici le résumé des épisodes précédents si vous prenez le feuilleton en cours de route, ne me remerciez pas). La patron de la STIB, Brieuc de Meeus dans le studio de Bonjour Bruxelles nous avait d’ailleurs confirmé que les négociations avançaient et qu’on n’était plus très loin d’un accord. C’est donc officiellement acté. Les avocats vont donc pouvoir rentrer dans leurs bureaux, on n’ira pas plus loin dans les actions en justice.
Pour sortir le métro de ce marécage technique et judiciaire on va donc démonter le Palais du Midi, pour permettre aux engin de chantier de travailler à la verticale et non plus en biais. Pour cela il va falloir obtenir un nouveau permis. Les députés bruxellois voteront théoriquement vendredi une ordonnance qui permettra de l’attribuer en accéléré... mais cela prendra quand même plusieurs mois. On devra s’entendre sur la manière indemniser les commerçants du Palais du Midi, s’accorder sur la manière dont on le reconstruira après les travaux (on risque de n’en garder que les façades), et le montant de ces surcouts n’est pas encore clairement chiffré, on parle d’environ 400 millions d’euros.
Voilà pour la théorie. Dans la pratique, les opposants au projet ne désarment pas. Une pétition a déjà recueilli plusieurs centaines de signatures. La procédure de permis, même si elle est accélérée, risque donc d’être assez chahutée . L’intérêt collectif serait quand même d’en finir avec ces travaux. Le quartier Satlingrad-Lemmonier n’en peut plus d’être éventré : finissons le métro et rebouchons les trous, profitons en pour rendre le quartier plus beau et plus agréable, c’est une question de bon sens. Il ne s’agit ici que de la portion sud du métro. Pour la portion nord, celle qui va traverser Schaerbeek et Evere, les contrats ne sont pas encore signés. Les montants des propositions déposées par les entreprises sont beaucoup plus élevées que prévues. Cela fait tiquer les décideurs bruxellois, qui demandent à négocier des offres jugées exorbitantes à ce stade. Une partie du monde politique est donc clairement en train de se demander si on en resterait pas là : la portion sud, ok, pour la portion nord, on reviendrait aux bons vieux trams. Mais là tout le monde n’est pas d’accord, loin de là. La saga du métro est loin d’être terminée. Ce sera même l’un des enjeux majeurs des élections de 2024. Avec des partis qui devront dire clairement s’ils veulent ou s’ils ne veulent pas de l’extension nord du métro 3. C’est l’électeur qui fera l’arbitre. Et tout ceux qui pensent que les élections (ici régionales) ne servent à rien, auront la démonstration que ce n’est vraiment pas le cas.