L’édito de Fabrice Grosfilley : une question de rythme

Dans son édito du jeudi 31 août, Fabrice Grosfilley est revenu sur le calendrier scolaire.

Avoir réformé le calendrier de l’enseignement, ce sera l’un des grands acquis de cette législature en Fédération Wallonie-Bruxelles. Avoir eu le courage de sortir d’un rythme qui semblait immuable, les vacances de Pâques, la Pentecôte, la Toussaint, les congés de carnaval, pour aller vers une répartition plus homogène, un rythme plus régulier (sept semaines de cours, deux semaines de repos), bénéfique pour les enfants. Un rythme qui favorise les apprentissages et la récupération. Quitte pour cela à retarder un peu la fin de l’année scolaire et à anticiper un peu la rentrée qui n’est donc plus fixée de manière définitive et intouchable au 01er septembre. Elle peut sembler de bon sens et logique cette réforme, et pourtant, près de deux ans après son entrée en vigueur, elle continue de faire grincer des dents et d’alimenter le débat.

Il y a d’abord eu les enseignants qui n’étaient pas tous acquis, loin de là, à l’idée de renoncer à deux mois de vacances. On a entendu ensuite les professionnels du tourisme qui craignaient que le changement de calendrier ne porte préjudice à leur chiffre d’affaires. Puis les parents, bien sûr, notamment les parents d’enfants scolarisés dans l’enseignement néerlandophones qui se sont retrouvés en décalage avec leurs voisins scolarisés côté francophone. Décalage, qui passe parfois à l’intérieur d’une même et seule famille, avec toutes les contraintes, parfois les déchirements, que cela impose, quand l’un est en congés et l’autre pas.

La question principale, on l’oublie souvent. C’est de savoir si cette réforme bénéficie ou pas aux enfants. À la majorité des enfants :  l’enseignement en Fédération Wallonie-Bruxelles compte 900.000 enfants et adolescents, dont 500.000 dans les écoles fondamentales. C’est de la santé et de la réussite scolaire de ce groupe-là qu’il faut en priorité se préoccuper si on veut être juste lorsqu’on parle de calendrier scolaire. Les groupes de pression font pression, c’est logique (on ne compte plus les adresses à l’opinion par presse interposée). Le monde politique doit être capable de s’affranchir de la pression pour s’intéresser au plus grand nombre, fut-ce un plus grand nombre parfois très silencieux.

Hier, la nouveauté dans ce débat est venu de l’enseignement flamand. Plus précisément, du pouvoir organisateur de l’enseignement officiel flamand : l’organisme qui s’appelle Go ! (Gemeenschaponderwijs). Celui-ci se déclare désormais publiquement favorable à l’alignement des rythmes scolaires sur ceux pratiqués en Fédération Wallonie-Bruxelles. Selon Koen Pelleriaux, administrateur délégué de Go !, il existe aujourd’hui “suffisamment de preuves scientifiques qui démontrent les avantages de vacances d’été plus courtes, ce qui permettent de réduire le risque de pertes d’apprentissage auprès des jeunes, tout en leur offrant la possibilité d’avoir suffisamment de temps pour se reposer“. Elle est importante cette sortie médiatique. Elle est courageuse aussi parce que le ministre de l’Enseignement flamand, le N-VA Ben Weyts ,est lui opposé à cette idée. Le conseil socio-économique de la Région flamande a également remis un avis défavorable.”Tout le monde est d’accord pour dire qu’il y a des pertes d’apprentissage durant les vacances, mais la question est de savoir quand cela se produit”, indiquait, hier, Ben Weyts, avant d’ajouter : “Je n’exclus rien pour l’avenir, mais avant de changer quoi que ce soit, il faut des preuves scientifiques.”

Les preuves scientifiques existent : tous les chercheurs en sciences pédagogiques sont depuis longtemps favorables au nouveau rythme scolaire, et ce sont leurs travaux et recommandations qui ont guidé la décision francophone. D’autres pays ont des vacances d’été limitées à six semaines depuis longtemps (l’Allemagne par exemple, où les cours se terminent aussi à 15h30, et même souvent à 13h). Évidemment, on pourrait estimer que ce qui se passe côté francophone va offrir aux décideurs néerlandophones une sorte d’expérience grandeur nature. Une preuve par neuf de l’utilité d’un rythme régulier. Puisque Ben Weyts n’exclut rien, il est donc probable que le débat du calendrier scolaire reviendra côté flamand, après les prochaines élections. Outre les professionnels de l’éducation, plusieurs partis (de l’opposition) ont d’ailleurs commencé à se positionner. Il serait sage que, côté francophone, on considère désormais que la question est tranchée. Et que le débat est clos.

Fabrice Grosfilley